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Un agriculteur et un éleveur se mesurent au tribunal

Une affaire au tribunal

Thu, 16 Nov 2023 Source: L'Œil du Sahel n°1872 du 15 novembre 2023

Philippe Ninga Tenmbar a décidé de ne pas faire appel de la décision rendue le 16 octobre 2023 par le Tribunal de première instance de Tibati. L’agriculteur bien connu dans la ville de Tibati, est animé par un sentiment d’injustice, en plus d’être à cours de moyens financiers pour supporter les frais de justice.

« Ma préoccupation actuellement, c’est que je suis sur mon terrain légal et Ousmanou Shehou est toujours à côté de moi. J’ai un champ qui est déjà sur le point de produire. Et depuis qu’on a saisi la justice, il prend déjà soin de ses bœufs. Mais, ce qui est sûr, avant que la saison sèche ne finisse, les bœufs vont attaquer ma plantation. Et mon sentiment, c’est qu’à Tibati, les paysans n’ont pas le droit de porter plainte à un éleveur ; ce dernier gagne systématiquement », confie Philippe Ninga Tenmbar.

De fait, le tribunal a déclaré le prévenu Ousmanou Shehou non coupable des faits de divagation de bêtes au bénéfice du doute. Le conflit agropastoral opposant Philippe Ninga Tenmbar, agriculteur, à Ousmanou Shehou, éleveur, remonte à il y a deux ans. « La vérité, c’est que je suis longtemps implanté près du parc comme cultivateur, avant même la construction de ce parc ; c’est de cette agriculture que je me nourris d’ailleurs avec ma famille. Au courant de l’année 2021, arrive des troupeaux de bétails de Shehou ; il les installe non loin de ma plantation. Il a fallu juste quelques mois pour constater les premiers dégâts causés par les bêtes de ce dernier. Lorsque je l’ai approché, lui faisant part des dégâts produits par ses bêtes dans ma plantation, il m’a laissé entendre que je devrais chercher à sécuriser mon champ. Cependant, je l’ai fait à l’aide des fils barbelés ; au bout de quelques temps, je constatais à chaque fois que j’arrivais, que ma clôture était renversée et ma plantation détruite », explique Philippe Ninga Tenmbar lors de l’enquête préliminaire le 12 mars 2023.

Et de préciser avoir appris du berger de Ousmanou Shehou que c’est ce dernier qui a « demandé de souvent laisser les bêtes manger, car c’est un espace réservé à l’élevage ». Réaction de Ousmanou Shehou lors de cette même enquête préliminaire en mars 2023 : « La vérité est que le monsieur qui m’a porté plainte aujourd’hui est celui que j’ai prévenu que la zone en question était consacrée à l’élevage et qu’il ne devrait pas cultiver à côté, de peur que son champ ne soit détruit par des bétails… N’ayant pas voulu m’écouter, il a décidé de cultiver son champ de manioc près du pâturage de mes bétails. Voilà que quelques mois après, il m’a saisi pour me raconter comment mes animaux ont détruit sa plantation ».

Recours divin. En tout cas, toute tentative de conciliation engagée par Philippe Ninga Tenmbar a essuyé une sorte de répulsion de son « frère » Ousmanou Shehou. Le cultivateur va donc avoir recours au sous-préfet de Tibati qui convoque Ousmanou Shehou le 19 janvier 2023. Il n’en sortira rien, l’éleveur n’ayant jamais déféré, et l’autorité administrative va décider de confier l’affaire au tribunal de Tibati. Vont s’ensuivre aussi l’implication des délégués départementaux de l’Agriculture et du Développement rural, et de l’Élevage, des Pêches et des industries animales du Djérem.

Il en ressort un procès-verbal le 22 février 2023, qui arrête une somme de 196 000 FCfa à verser à Ninga Tenmbar. Fort heureusement, un autre procès-verbal contresigné par le sous-préfet et les deux délégués suscités, va fixer, le 02 mai 2023, le montant à verser à l’agriculteur victime à la somme de 1 655 400 francs CFA. Mais n’aura bien évidement pas un sou. Et par les soins de Ninga Tenmbar lui-même, une expertise faite se basant sur les dépenses effectuées pour toute la procédure et ses cultures, fixe le paiement de ses dommages et intérêts à la suite de la destruction du champ de 1655 m² à la somme de 2 412 000 francs CFA.

Toujours rien et l’agriculteur se dit surpris du verdict. Il a préféré tout remettre entre les mains de Dieu, mais continue de s’inquiéter d’une énième dévastation de son champ par les bœufs.

Source: L'Œil du Sahel n°1872 du 15 novembre 2023