L’ancien recteur de l’université de Douala s’est défendu sur les charges retenues contre sa personne à titre individuel dans sa seconde affaire qui l’oppose à l’Etat devant le TCS.
l e 1erdécembre dernier, l’ancien recteur Prof Bruno Bekolo Ebe a commencé à donner sa version des faits dans la deuxième bataille judiciaire qui l’oppose à l’Etat du Cameroun devant le Tribunal criminel spécial (TCS). Il s’est défendu le supposé détournement de 164 millions de francs. Ce volet du dossier concerne les charges retenues contre lui «à titre personnel». Ces récriminations résultent des conclusions d’un rapport d’une mission de vérification du Contrôle supérieur de l’Etat(Consupe) qui a audité la gestion de M. Bekolo Ebe à l’Université de Douala pendant les années budgétaires 2007 à 2010. A cette époque, il occupait les fonctions de recteur de cette université.
Paiement de salaires indus
On fait en outre le reproche à l’ex-recteur d’avoir continué à payer des salaires à trois agents d’appui à l’université alors que les concernés étaient admis à l’Enset de Douala, l’Ecole normale supérieure de l’enseignement technique. Le préjudice subi par l’Etat, selon l’accusation, est de 19 millions de francs.
Concernant cette charge, M. Bekolo Ebe s’est défendu en rappelant longuement les différentes missions dévolues à l’université. En dehors de la formation des étudiants, elle est aussi chargée d’assurer la formation permanente et le perfectionnement de son personnel opérationnel en fonction de ses besoins etc. L’accusé a, entre autres, donné lectures des dispositions de l’article 25 du décret du 18 mai 2011 encadrant les personnels d’appui des universités publiques : «L’institution universitaire assure aux personnels d’appui en activité une formation continue en fonction des disponibilités budgétaires».
Les agents intéressés doivent cependant obtenir l’autorisation préalable du recteur. M. Bekolo Ebe a par ailleurs donné lecture de certaines dispositions du décret du 13 septembre 2000 fixant le régime de la formation permanente des agents publics. L’article 14 dudit texte précise que tout agent public «admis en stage de formation conserve son traitement indiciaire», excepté les primes et indemnités. Il soutient mordicus que les trois agents au centre du procès «n’étaient pas en position d’absence irrégulière ou d’abandon de poste», puis qu’ils continuaient d’assurer leurs fonctions à l’université. «Au nom de quoi le recteur Pr Bekolo Ebe aurait-il refusé ces droits à ces trois personnels alors que dans le même temps, et dans différents établissements de l’université, y compris l’Enset, d’autres personnels d’appui étaient, et sont chaque année, autorisés à suivre des formations?», s’est interrogé l’ex-recteur. Selon lui, cette charge résulte purement des ragots. «La vérité est que ces trois agents ont été ciblés parce qu’il a été rapporté à la mission de contrôle qu’il s’agissait des parents du recteur. Ce qui est du reste faux !»
De non retenu de garantie
On accuse l’ancien recteur d’avoir distrait la somme de 8,6 millions de francs «du fait de la non retenue de garantie lors de l’attribution de six marchés» passés sous son règne. Pour M. Bekolo Ebe «cette accusation n’a aucun sens […] porte en elle-même sa négation et son absurdité». Il explique que la retenue de garantie est en réalité un prélèvement effectué sur les paiements dus à une entreprise pour s’assurer de la bonne exécution du service sollicité. Le montant retenu est remboursé à l’entreprise après la période de garantie qui est, selon la loi, d’un an. L’entreprise peut d’ailleurs remplacer cette retenue par une caution bancaire.
L’accusé affirme que la retenue de garantie ne donne pas lieu, ni au niveau de l’ordonnateur, ni même du comptable à une sortie de fonds, «il n’y a donc aucun élément matériel qui serait le support d’un prétendu détournement», insiste ajoutant : «Aucune entreprise ne s’est plainte que les sommes qui lui étaient retenues ne lui ont pas été remboursées, ni que ceux-ci ont été engagées et payées au recteur». Il a cependant précisé documents à l’appui la clause de garantie a bel et bien été appliquée sur chaque marché litigieux.
De l’octroi d’avantages excessifs
On fait le reproche à M. Bekolo Ebe d’avoir durant son règne alloué des avantages qualifiés d’excessifs à certains personnels de l’Université de Douala, «sans rapport avec ceux accordés aux fonctionnaires de même rang». L’accusation chiffre le préjudice présumé à 58,3 millions de francs. Pour sa défense, l’ex-recteur a indiqué que l’avantage dénigré porte sur «l’appui au loyer» de certains responsables de l’université, notamment les vice-recteurs, le secrétaire général (SG), les doyens de facultés, les directeurs d’écoles ainsi que les personnels d’administration centrale ayant le rang de directeur. «Avantage accordé par diverses résolutions du conseil d’administration de l’Université de Douala, certaines consécutives aux instructions du ministre de l’Enseignement supérieur, autorité de tutelle», a-t-il précisé.
M. Bekolo Ebe s’est fondé sur plusieurs documents pour justifier la légalité de l’avantage en cause. Il raconte que suite à «un long débat sur la cherté des logements à Douala», alors que les salaires venaient de subir une double baisse drastique, «les nouveaux responsables de l’université, elle-même nouvellement créée, se sont plaints de ce qu’il ne leur était pas possible de supporter les loyers aussi élevés, comme-ci leur nomination était pour eux une sanction.» Face à la situation, le conseil d’administration a pris une première résolution le 3 septembre 1993 accordant aux agents frondeurs «une allocation mensuelle d’appui au loyer». Les montants ainsi accordés variaient entre 100 mille francs (pour les directeurs et doyens de facultés) et 200 mille francs (pour les vice-recteurs et le SG).
En 1998, l’un de ses lointains prédécesseurs nouvellement nommé avait remis en cause l’avantage allégué. S’en est suivie une grève à l’université. Pour calmer les tensions, le conseil d’administration a pris deux autres résolutions sur le même sujet en septembre 1999. «La mission de contrôle n’a jamais cherché à savoir, ni le contexte qui a conduit le conseil d’administration à prendre ces résolutions, encore moins s’il avait le pouvoir. Ce qui est le cas», a-t-il fustigé. «En 1993, Pr Bekolo Ebe était vice-recteur à l’Université de Douala. En 1999, Pr Bekolo Ebe était recteur à l’Université de Yaoundé 2.
La plus ancienne résolution a été prise 10 ans avant qu’il ne soit nommé recteur à l’Université de Douala. La deuxième 4 ans avant sa nomination comme recteur à Douala», a fait remarquer l’accusé. La suite de l’interrogatoire de l’ancien recteur est prévue ce 8 décembre. En rappel, M. Bekolo Ebe passe en jugement devant le TCS aux côtés de certains de ses anciens collaborateurs pour de supposés irrégularités constatées dans leur gestion à l’Université de Douala ayant induit la distraction alléguée de plus de 5 milliards de francs