Dans un langage courant et une rhétorique dont il a le secret, le Dr Richard Makon a offert en environ 500 mots, un enseignement sur la gouvernance au régime Biya et à son gouvernement. La tribune de l'universitaire a été publiée dans le journal Mutations paru ce mercredi 16 mars 2022.
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Gouverner, dans le sens de la gestion des hommes, peut signifier plusieurs choses. Gouverner c'est d'abord avoir la conduite ou l'administration de quelque chose, par exemple gouverner une expédition.
Gouverner c'est ensuite avoir soin, ou prendre soin de quelqu'un ou de quelque chose, par exemple gouverner des enfants. Gouverner c'est enfin avoir une emprise, une influence, un contrôle déterminant sur quelqu'un ou sur quelque chose, comme par exemple gouverner une cité.
Dans le prolongement de cette acception qui fait référence à "l'art de gouverner", gouverner renverra aussi au fait de détenir le pouvoir exécutif et de l'exercer. Sens auquel on doit l'avènement et la vulgarisation des concepts de gouvernement, de gouvernabilité, de gouvernance, entre autres. On le voit bien, gouverner peut renvoyer à plein de choses, souvent convergentes, parfois divergentes, quelquefois contradictoires.
Cependant, dans le sens qui nous intéresse prioritairement ici, celui relatif à la gestion des hommes, dans la substance du mot gouverner il y a l'idée d'orientation, d'administration, de conduite, d'encadrement, de protection même. Cette pluralité de sens affectés au concept "gouverner", qui influence aussi la substance qu'on peut lui donner, ne justifie évidemment pas les distorsions et les corruptions de sens qu'on s’autorise ici et là. Ces instrumentations se fondent sur le fait que le terme gouverner est le plus souvent défini à travers ses synonymes. Dans cet inventaire tout à fait partiel et partial, on retrouve les concepts ci-après : diriger, conduire, mener, DEVOIR, commander, régenter, guider, régir, dominer, administrer, régler, manœuvrer, piloter, gérer, POUVOIR, régner, présider, orienter, manier, maîtriser, élever, styler, réfréner, PRÉVOIR, instruire, influencer, former, empaumer, conseiller, barrer, VOULOIR.
Toutefois, dans la perspective retenue de gestion de hommes, s'il ne fallait retenir que quatre (04) concepts qui donnent le meilleur écho au terme "gouverner", nous retiendrions VOULOIR, PRÉVOIR, POUVOIR et DEVOIR. GOUVERNER C'EST VOULOIR, parce que tout projet de "gouverner" doit reposer sur une AMBITION, et que sans une volonté à toute épreuve, sans une détermination sans fin, on ne peut résolument se mettre au service de la multitude, au service de sa communauté.
GOUVERNER C'EST PRÉVOIR, parce que tout projet de gouvernance et/ou de gouvernement (dans le sens de stratégies, processus, techniques et actes de gouverner) doit obligatoirement reposer sur une VISION (préfiguration, figuration, configuration et reconfiguration). Si on ne sait pas où on va, on ne peut évidemment conduire la multitude vers sa destinée.
Mais GOUVERNER C'EST AUSSI POUVOIR, c'est-à-dire DÉCIDER, parce que toute vision de « gouverner » appelle à la mise en œuvre d'un PROJET et du PROGRAMME y afférents. C'est donc aussi savoir prendre des décisions quand elles s'imposent, c'est savoir trancher sans atermoiements ni frilosité lorsque les circonstances dictent urgence, efficacité et célérité. C'est savoir arbitrer, juger, amender, aménager, arrondir, temporiser, feinter, jauger, repartir, distribuer, entre autres.
GOUVERNER C'EST DEVOIR, parce que à chaque expérience de "gouverner" est attaché un HERITAGE, un BILAN. Et parce que la contrepartie de la gestion des hommes c'est la responsabilité, gouverner c'est aussi accepter la redevabilité, notre véritable talon d’Achille dans nos sociétés postcoloniales.