Actualités

Sport

Business

Culture

TV / Radio

Afrique

Opinions

Pays

Un étudiant tanzanien en Israël : "Le changement d'équipe m'a sauvé, mais mes amis sont des otages du Hamas"

"Le changement d'équipe m'a sauvé, mais mes amis sont des otages du Hamas"

Fri, 10 Nov 2023 Source: www.bbc.com

"Si je n'étais pas à la ferme ce matin-là, je serais l'un des disparus", a déclaré Ezekiel Kitiku à la BBC depuis le sud d'Israël.

Deux de ses compatriotes - Joshua Loitu Mollel et Clemence Felix Mtenga - font partie des plus de 230 personnes prises en otage dans la bande de Gaza, qui est sous le contrôle du Hamas, proscrit comme groupe terroriste au Royaume-Uni et dans d'autres pays.

Les trois étudiants avaient atterri en Israël en septembre, impatients de commencer leur travail en tant que stagiaires agricoles pour les 11 mois à venir.

Depuis leur arrivée, Ezekiel Kitiku et M. Mtenga vivaient dans le kibboutz Nir Oz et travaillaient dans une ferme laitière l'après-midi. Leur ami M. Mollel résidait et travaillait à environ 30 km de là, au kibboutz Nahal Oz. Les deux kibboutz comptent plusieurs centaines d'habitants et sont très proches de Gaza.

A lire aussi sur BBC Afrique:

  • Comment se déroulerait une attaque terrestre israélienne contre Gaza ?
  • La vie à Gaza : où se cacher quand la mort vient du ciel ?
  • 'Israël nous a donné cinq minutes pour évacuer notre maison'
"Cette semaine-là, le nouvel emploi du temps a été préparé et mon nom a été mentionné pour travailler dans les équipes de nuit, mais Clémence est restée dans les équipes d'après-midi", a déclaré M. Kitiku à la BBC. M. Mollel travaillait de jour dans une autre ferme.

Le 7 octobre, vers 1 heure du matin, Kitiku raconte qu'il est parti à vélo dans l'obscurité et qu'il a roulé cinq minutes jusqu'à la ferme pour prendre son service.

Il a passé les premières heures de la matinée à traire les vaches et à effectuer des tâches vétérinaires. À 6 heures, alors que le soleil commençait à se lever, il s'occupait du bétail à l'intérieur d'un hangar.

Trente minutes plus tard, il a entendu une énorme explosion. C'est à ce moment-là que le Hamas a commencé à tirer des roquettes depuis Gaza.

"Lorsque j'ai entendu le bruit, je me suis souvenu qu'on nous avait dit que si nous entendions le bruit de tirs ou de bombes, nous devions aller à l'abri, et c'est ce que j'ai fait.

"J'ai eu très peur. C'était la première fois que j'entendais un tel bruit".

Alors qu'il se dirigeait vers l'abri, il a remarqué une épaisse fumée et des flammes orange s'élevant près de son kibboutz, et il a immédiatement contacté ses deux amis.

"Ils m'ont dit qu'il y avait beaucoup de roquettes en provenance de Gaza et qu'ils se rendaient eux aussi dans les abris".

Mais à son insu, des tireurs du Hamas avaient déjà commencé à attaquer les deux kibboutz où se trouvaient ses amis.

Quelques heures plus tard, il a remarqué que ses messages WhatsApp et ses SMS n'arrivaient plus sur leurs téléphones.

"J'ai pensé que leurs téléphones étaient peut-être déchargés. Le dernier message que je leur ai envoyé était : "Êtes-vous en sécurité ?".

Aucun des deux n'a répondu. C'était vers 10h00. Il n'a pas eu de nouvelles d'eux depuis.

Alors que les roquettes s'abattaient tout au long de la journée, Kitiku a été contraint de rester à la ferme, essayant de dormir à l'intérieur de l'abri.

Le lendemain matin, alors que les choses semblaient un peu plus calmes et qu'il voulait absolument savoir ce qui était arrivé à ses amis, il a supplié son directeur de le ramener dans son kibboutz. Là, il a pu constater que des troupes des Forces de défense israéliennes (FDI) avaient été déployées.

"À l'entrée du kibboutz, il y avait beaucoup de soldats des FDI. Ils m'ont refusé l'entrée et m'ont dit que je devais retourner à la ferme parce qu'elle était plus sûre".

Il est resté encore dans l'abri de la ferme avec deux autres personnes pendant deux jours - avec à peine de la nourriture - et une autre nuit seul.

Finalement, les FDI ont déclaré qu'il ne pourrait pas retourner dans son kibboutz et les soldats l'ont escorté jusqu'à un autre endroit situé à environ 30 km au nord de Gaza.

En quittant la ferme, il a été choqué par ce qu'il a vu à l'extérieur des portes.

"Les systèmes d'adduction d'eau avaient été bombardés et l'eau coulait partout. J'ai vu des cadavres dans la rue".

"La peur de ce qui était arrivé à mes amis a commencé à grandir".

Les trois hommes s'étaient rencontrés à Dar es Salaam, centre économique de la Tanzanie, dans le cadre de leurs études en agriculture, quelques mois avant leur départ pour Israël.

Ce n'est que trois semaines après l'attaque du Hamas que Kitiku a finalement découvert ce qui était arrivé à ses amis.

Le ministère israélien des affaires étrangères a annoncé dans un communiqué dimanche qu'ils étaient retenus en otage à Gaza.


Plus d'informations sur la guerre Israël-Gaza

  • Jusqu'où les États-Unis iraient-ils pour défendre Israël ?
  • La communauté israélienne toujours choquée par les atrocités commises par le Hamas
  • Comment le Hamas a organisé un assaut éclair que personne n'aurait cru possible
  • Comment la guerre contre Israël, il y a cinquante ans, a conduit les pays arabes à développer une "arme pétrolière"
  • Comment les services de renseignement israéliens n'ont-ils pas réussi à empêcher une attaque de grande envergure ?

Il se dit reconnaissant d'apprendre qu'ils sont tous deux en vie, mais reste préoccupé par leurs conditions de vie. Il connaît également d'autres étudiants de leur programme qui ont été pris en otage, dont un Thaïlandais.

Outre les personnes prises en otage, les tireurs du Hamas ont tué environ 1 400 personnes le 7 octobre, dont beaucoup vivaient dans des kibboutz.

Depuis lors, Israël a mené des frappes aériennes sur la bande de Gaza. Le ministère de la santé, dirigé par le Hamas, affirme que quelque 9 000 personnes ont été tuées.

M. Kitiku se dit extrêmement inquiet pour la sécurité de ses amis détenus dans la bande de Gaza.

"Il y a tellement de bombardements et les gens ont peu de services sociaux. J'essaie de me mettre à leur place, mais je ne peux pas imaginer ce qu'ils vivent".

Il explique que la prise de conscience du fait qu'il a failli être pris dans l'attaque le traumatise.

"Les premiers jours, je n'étais pas stable psychologiquement. J'essaie de me forcer à faire face à la situation".

"Si je n'étais pas à la ferme ce matin-là, je ferais partie des disparus."

Il travaille désormais dans une autre ferme.

"Les autorités israéliennes nous ont dit que nous étions en sécurité et que nous pouvions poursuivre notre stage ici", explique-t-il.

Lui et d'autres étudiants tanzaniens - on estime qu'il y en a 260 en Israël - se sont vu proposer par leur ambassade une aide pour rentrer chez eux s'ils le souhaitaient, dit-il.

"Mais comment puis-je envisager de rentrer chez moi alors que je ne connais pas la situation et l'état de mes deux amis à Gaza ?"

Source: www.bbc.com