Encore 13 ans à purger au cachot. C’est le tarif que Michel Effa Medzi alias Effa Medzi va devoir payer à la société pour avoir tenté d’obtenir le double payement d’une prestation. L’homme d’affaires est presque tombé des nues vendredi, 9 mars 2018, lorsque la collégialité des juges présidée par Mme Bahounoui Batendè a rendu public son verdict dans le procès pour tentative de détournement de 370 millions de francs qui l’opposait, depuis l’an dernier, au ministère des Forêts et de la Faune (Minfof) devant le Tribunal criminel spécial (TCS). Maintenu depuis le 10 novembre 2016 derrière les barreaux de la prison centrale de Yaoundé-Kondengui, il se voyait déjà humer l’air extérieur. Il a été reconnu coupable des faits pour lesquels il y a été détenu et a finalement écopé d’une peine de 15 ans de prison ferme.
En donnant lecture de la décision de culpabilité contre Michel Effa, les juges se sont dits convaincus de ce qu’il s’est effectivement rendu coupable des faits à lui reprochés. A savoir, la tentative de détournement opérée à travers l’émission de fausses factures présentées aux responsables du Minfof, dans l’optique d’obtenir un second paiement sur des marchés déjà payés. Ils se sont rangés du côté de l’accusation en s’appuyant, notamment, sur les déclarations des témoins et les documents présentés par les parties. M. Effa Medzi alias Effa Medzi devra s’acquitter, en outre, du payement de la somme de 780 millions de dépens et 13 millions de francs de frais de procédure.
Aux sources du litige, un marché conclu entre le Minfof et la société Meszi et Cie Sarl, le 2 août 2011. M. Effa Medzi était cogérant de la société. Les deux marchés spéciaux, d’un montant de 376 millions de francs, portent sur la fourniture à ladite administration du matériel de lutte contre le braconnage dans les surfaces protégées. En vertu de la réglementation édictée dans le cadre de l’exécution des marchés spéciaux d’achat d’armes, ceux-ci ont fait l’objet de paiement préalable par le Minfof à hauteur de 369, 979 millions de francs à travers deux virements bancaires des 12 janvier et 14 février 2012. Des virements effectués à partir des comptes du Trésor public vers ceux de la société prestataire, logés dans les livres des établissements de microfinance Afib à Yaoundé. La cargaison sollicitée a fait l’objet d’une livraison provisoire, le 31 décembre 2013, suivie d’une livraison définitive le 05 janvier 2015.
C’est à ce moment que l’accusé entre en scène. Au lendemain de cette livraison définitive, il a adressé une correspondance au ministre des Forêts, visant le payement du matériel à peine livré. C’était le 6 janvier 2015. Dans ce courrier, il a joint les bordereaux de livraison du matériel ainsi que deux factures définitives à éponger. Plus tard, le 23 juin 2015, il est revenu à la charge en introduisant une lettre de relance, relative à la liquidation de ses factures. La vigilance des agents du Minfof et des recherches minutieuses vont permettre de découvrir que lesdits marchés avaient été payés à l’avance. La justice est saisie et l’homme d’affaires interpellé et traduit au TCS.
Double paiement, même prestation
Pour sa défense, Michel Effa a soutenu que tout cet imbroglio découle d’une erreur qu’il attribue à ses cocontractants. Il a expliqué que ceux-ci sont ignorants de la procédure qui encadre l’exécution des marchés spéciaux. Et que dans le cas d’espèce, il ne réclamait pas le paiement des marchés, sa démarche avait pour but de permettre à tous les intervenants de clôturer les dossiers y relatifs au plan comptable, notamment le Minfof, le Minfi, le fabricant belge d’armes et la banque, afin que lui-même puisse restituer à M. Etundi Atangana, cogérant de la société Meszi et Cie Sarl, son titre foncier qui avait fait l’objet d’une hypothèque.
Pour lui, les factures jointes à ses requêtes étaient sans valeur, Il avait aussi souligné qu’il n’a jamais fait de factures définitives avant le payement des 100% de la prestation. Celles de 2012 étaient des proformas et non définitives. Il remettait également en cause l’interprétation attribuée à sa requête par le Minfof, qui a cru y déceler une tentative de sa part d’obtenir un double paiement. Il avait ajouté qu’à l’époque des faits, aucune résolution de l’assemblée générale de la société Meszi et Cie Sarl, organisée les 22 mars et 05 avril 2012, ne lui interdisait d’agir pour le compte de ladite société. Il demeurait alors civilement et pénalement responsable desdits marchés.
Lors de ses réquisitions, le représentant du parquet avait requis la culpabilité de l’accusé au motif que ce dernier a effectivement essayé de se faire payer deux fois les marchés d’armes. Il avait indiqué qu’il y a eu un commencement d’exécution dans la mesure à travers l’émission des factures et une panoplie de documents tendant à obtenir un second payement sur la même prestation. Un commencement d’exécution stoppé par la vigilance des agents du Minfof. Emboitant le pas au ministère public, l’avocat du Minfof, Me Mang Mayi, a soutenu pour sa part que l’accusé Effa Medzi a voulu profiter des changements intervenus à cette époque à la tête de ce ministère pour tromper la vigilance du Minfof.
La défense a campé sur le fait que la preuve du commencement d’exécution attribuée aux agissements de leur client n’a pas été démontré tout au long du procès et que, pour cette raison, celui-ci devrait être déclaré non coupable et libéré sans peine, ni dépens.