Soignées à l’hôpital de Maroua, Fadi et Maïmouna sont les victimes collatérales des combats qui opposent militaires et terroristes.
Elles ne connaissent pas la cause des explosions qui ont tué leurs enfants. Début mars, ces mères et leur famille, victimes collatérales des violents combats qui opposent les forces gouvernementales à la secte islamiste Boko Haram, dans le nord du Cameroun, à la frontière avec le Nigeria, ont été admises à l’hôpital régional de Maroua.
Dans cet établissement, l’ONG Médecins sans frontières (MSF) et le ministère camerounais de la santé fournissent depuis août 2016 une prise en charge gratuite de la chirurgie d’urgence et des soins postopératoires.
Fadi est arrivée le 3 mars à l’hôpital de Maroua avec ses deux filles.
« Je ne sais pas comment c’est arrivé. Je sais seulement qu’il y a eu une explosion. Les enfants jouaient sous un arbre près de la maison, c’est là qu’ils jouent tous les jours. J’ai entendu l’explosion, je suis arrivée. J’ai trouvé les enfants en morceaux, en morceaux… ».
Son fils et son neveu, tous deux âgés de 10 ans, ont perdu la vie. Sa fille Rosa, âgée de 4 ans, est toujours soignée pour ses blessures.
« Quand Rosa sera rétablie, nous allons rentrer chez nous. Je ne peux pas quitter mon village. Comme je suis mariée là-bas, tant que mon mari y est je ne peux pas partir. Et pour aller où ? Avoir peur de la mort n’est pas une bonne raison pour partir. »
Maïmouna, 24 ans, avait quitté son village « à cause de l’insécurité ». Mais elle était rentrée chez elle à la saison des pluies, pour cultiver ses champs. La suite de son histoire ressemble à celle de Fadi : « J’étais chez moi en train de préparer la bouillie pour mon bébé de 18 jours. D’un coup, tout a explosé et tout a brûlé dans la chambre. »
Elle a perdu son fils de 3 ans et sa fille adoptive, âgée de 13 ans. « Je ne sais pas d’où c’est venu. Je ne sais pas si c’est Boko Haram ou les militaires. »
« Boko Haram vient la nuit »
Entre le 27 février et le 7 mars, les Forces de défense et de sécurité camerounaises ont mené une vaste opération à la frontière avec le Nigeria. De nombreux villages ont été libérés et « plus d’une soixantaine de terroristes ont été définitivement neutralisés », a annoncé le porte-parole du gouvernement, Issa Tchiroma Bakary. Les éventuelles victimes collatérales n’ont pas été dénombrées à ce jour.
C’est le Bataillon d’intervention rapide (BIR), unité d’élite de l’armée camerounaise arrivée la première sur les lieux, qui a secouru Maïmouna et l’a amenée à l’hôpital. Elle s’y trouve toujours avec ses trois autres enfants, dont le plus jeune est âgé de 30 jours. Sans son mari pour la soutenir.
« Il a été dénoncé par son demi-frère comme faisant partie de Boko Haram. Mais ce n’est pas vrai. C’est une histoire de jalousie parce que mon mari est un grand cultivateur. C’est tout ce que je sais, je n’ai plus de nouvelles depuis. »
Comme beaucoup d’habitants de cette région du nord du Cameroun, Maïmouna et sa famille sont pris en étau entre les forces gouvernementales et les miliciens islamistes.
« Les hommes de Boko Haram viennent souvent la nuit à Kerawa pour voler les bœufs, les moutons, les chèvres… Parfois, ils viennent même en journée. Dès que nous les entendons, tout le village fuit en brousse. Nous avons déjà fui plusieurs fois notre maison. Ils ont tout volé chez nous, même les habits. »
Mais cette fois, Maïmouna assure qu’elle ne rentrera pas au village :
« Nous n’avons plus rien à Kerawa. Qu’allons-nous manger là-bas ? La maison est détruite. Quand Nabba [son fils de 9 ans] sera soigné, nous irons chez mes parents. Même si c’est compliqué, je préfère rentrer dans ma famille. »