Une affaire de primes secoue la police dans le grand-nord

Martin Mbarga Nguélé Photo d'archive utilisée juste à titre d`illustration

Thu, 8 Oct 2015 Source: L’Oeil du Sahel

Le délégué général à la Sûreté nationale, Martin Mbarga Nguélé, croyait certainement bien faire. Lors de sa tournée d’installation des nouveaux délégués régionaux, il a décidé de gratifier les chefs d’unités d’une belle petite prime à hauteur de 150.000 Fcfa chacun, tandis que leurs adjoints devaient empocher 100.000 Fcfa.

Une initiative louable d’un «père de famille» qui voulait booster le moral de ses enfants en ces temps d’insécurité. Hélas, c’était sans compter avec ses collaborateurs des services centraux logés précisément à la direction des Finances, de la gestion informatique et de la logistique.

L’initiative a vite tourné à la polémique. Semant davantage la confusion et la rancoeur dans les rangs. Premier arrêt : Maroua, 29 septembre 2015. La ville reçoit un double évènement.

La cérémonie funèbre de l’officier de police de 2ème grade Elie Lade et l’installation du commissaire divisionnaire Chetima Mala Abba, en qualité de nouveau délégué régional de la Sûreté nationale de l’Extrême-Nord. Passés les moments de tristesse et joie qui se succèdent, les responsables de la police peuvent se frotter les mains. Les téléphones crépitent et même les absents de Maroua espèrent, eux aussi, toucher les gratifications du «patron».

Cet espoir sera de courte durée. Et pour cause, la commission chargée des paiements des primes décrète que seuls les flics présents aux séances de travail bénéficieront de la manne du père Mbarga Nguélé. «Après avoir émargé, j’ai demandé à prendre la part de mes adjoints, mais il m’a été opposé un refus catégorique.

On m’a répondu que seuls les présents y avaient droit. Je me demande bien si le délégué général a donné de pareilles instructions. Est-ce que c’est parce que nous n’avions pas été à une réunion à laquelle nous n’étions même pas invité que nous n’avons pas droit à la prime ? Sauf à comprendre que toute réunion avec le Dgsn donne droit à une prime, cette attitude est offensante pour nous», regrette un commissaire de police.

Un autre chef d’unité en service dans le Logone-et-Chari, joint au téléphone, s’interroge lui aussi : «Est-ce que ces primes nous étaient vraiment destinées ? Pour moi qui dois parcourir des centaines de kilomètres avant de rallier Maroua, par ces temps de pluie et d’insécurité, comment aurais-je pu faire pour arriver à l’heure ? Voilà une initiative louable qui sème finalement la zizanie dans les rangs».

La même déception se lit dans la voix de cet autre responsable. «Comment est-ce possible que mon chef et moi soyons tous à Maroua en même temps ? Il faut bien qu’en son absence, je puisse assurer la continuité du service, puisque c’était un jour ouvrable», clame-t-il. Une autre source policière confirme qu’il n’y avait pas d’instructions précises demandant à tous les responsables d’unités de l’Extrême-Nord d’être présents à cette cérémonie.

Pire, certains responsables présents à l’évènement ont été exclus du partage de la manne. Est-ce les instructions du Dgsn Mbarga Nguélé ? Les membres de la commission le clament haut et fort. Beaucoup en doutent cependant. Toujours est-il que le directeur chargé de la Logistique et des Finances, le commissaire divisionnaire Bionguerie, est resté inflexible.

Autre lieu, même scénario. Ngaoundéré, 1er octobre 2015. Des chefs d’unités, parfois très reculées, cherchent à regagner le chef-lieu de la région. Leurs collègues de l’Extrême-Nord leur ont mis la puce à l’oreille. Sauf que la seule présence ne suffira plus. Un nouvel élément s’est ajouté aux conditions de paiement : il faut avoir pris part à la séance de travail présidée par le Dgsn en personne.

«Je suis dans la ville depuis le matin. Personne ne m’a dit que tout responsable pouvait prendre part à cette séance de travail. C’est lorsque je viens pour décharger qu’on m’oppose cet argument. De qui se moque-t-on finalement ? Si c’est vraiment une prime aux responsables, le Dgsn a tous les moyens pour qu’elle nous parvienne dans nos unités respectives.

Ceux qui travaillent dans les chefs-lieux des régions ne devraient pas être les seuls privilégiés. Je trouve cela injuste et triste. Ce sont des petites choses comme ça qui ternissent notre corps», se plaint-il.

Les regards sont désormais tournés vers le délégué général à la Sûreté nationale dont de nombreux policiers saluent le travail, pour qu’une explication cohérente leur soit fournie. «Je ne peux pas répondre à votre préoccupation. Ecrivez directement au délégué général pour avoir de plus amples explications », a expliqué un collaborateur du commissaire divisionnaire Bionguerie.

Source: L’Oeil du Sahel