Le secteur brassicole camerounais est en ébullition depuis plusieurs mois. En cause, l'acquisition de Guinness Cameroun par le groupe Castel, autorisée par les autorités communautaires en mars 2023. Une opération qui ne passe pas auprès de l'Union camerounaise de brasseries (UCB), filiale du groupe Kadji, qui craint une pratique anticoncurrentielle.
L'UCB a saisi les autorités régionales de la concurrence dès le départ pour s'enquérir des conditions de la transaction. Elle reproche notamment la non-publication du résumé de l'accord dans le bulletin officiel de la commission, une entorse à la loi communautaire. Face à la décision de la commission d'autoriser l'acquisition, l'UCB a introduit un recours juridictionnel en août 2023 pour faire annuler cette autorisation.
Le brasseur local a également demandé aux juges communautaires de surseoir à l'exécution de la décision, craignant que celle-ci ne produise des effets sur le terrain avant que les juges ne se prononcent. La Cour de justice de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (Cemac) devait délivrer son délibéré le 28 mars, mais les protagonistes du différend devront patienter jusqu'au 18 avril pour connaître la décision des juges communautaires.
Les effets de l'acquisition ont quant à eux commencé à se matérialiser, puisque Boissons du Cameroun a récemment annoncé avoir investi plus de 45 milliards de francs CFA (plus de 68 millions d’euros) dans la rénovation de l’outil de production. Cette expansion et l'amélioration du réseau de distribution, la préservation et la création des emplois, ainsi que la protection des droits des consommateurs font partie des engagements pris par le géant français au moment de la conclusion du deal et consignés dans un cahier des charges transmis à la commission.
Cependant, ces obligations suscitent la méfiance de l’UCB, qui craint que l’opération soit anticoncurrentielle et accentue le poids déjà imposant de Boissons du Cameroun sur le marché brassicole local. La commission de la Cemac reconnaît d'ailleurs que « l’opération pourrait entraîner une distorsion sensible de la concurrence sur les marchés concernés ». Toutefois, elle précise que « la seule position dominante sur un marché ne constituant pas en soi une pratique anticoncurrentielle, il revient aux autorités communautaires et nationales de la concurrence de veiller à ce que les entreprises parties n’abusent pas de cette position sur le marché concerné ».
La Cemac fait également certains constats. Boissons du Cameroun détiendrait entre 80 % et 90 % de parts de marché sur les bières Lager (basse fermentation), tandis que la domination de GCSA sur les marques stout (sombres) est du même ordre. L’ascendant de la filiale de Castel sur les boissons alcoolisées aromatisées (alcool mix) se situe entre 90 % et 100 %. Des places fortes susceptibles d’intensifier la position dominante de la nouvelle entité à l’issue du mariage.
L'autre enjeu de cette bataille réside dans le fait que le groupe Castel pourrait perdre un allié de poids. Depuis le début des audiences, la commission de la Cemac n’a pas daigné assurer sa présence par l’entremise d’un conseil ou d’un responsable, en dépit des multiples relances de la Cour de justice communautaire. Contrairement au géant des boissons qui, bien que n’ayant pas été cité dans cette double plainte, a commis des avocats dans cette cause. Après tout, il a le plus à perdre au cas où la cour de N’Djamena venait à donner raison au plaignant.