Pauline Kayitare, l’écrivaine rwandaise a publié en 2011 un livre poignant, saisissant, sur le génocide dans son pays. « Tu leur diras que tu n’es pas Hutue », crie encore très fort sur les dangers du tribalisme dans les Etats africains. Le Cameroun entend-il ?
Pauline Kayitare, l’écrivaine rwandaise a publié en 2011 un livre poignant, saisissant, sur le génocide dans son pays. « Tu leur diras que tu n’es pas Hutue », crie encore très fort sur les dangers du tribalisme dans les Etats africains. Le Cameroun entend-il ? C’est une réplique que tout républicain devrait asséner à tous les tribalistes de tout poil qui écument la place publique : « je n’ai pas d’ethnie, je suis Camerounais » ! Les extrémistes qui par leurs attitudes, leurs affirmations, deviennent belligènes en traînant les vomissures à des endroits inappropriés, devraient de ce fait réviser leur posture, leurs agissements aux fins de diviser la communauté nationale. Il y a donc urgence pour les pouvoirs publics de siffler la fin de la récréation, pour ramener ce beau monde à la repentance véritable, à l’éducation à la citoyenneté. Il y a lieu de le dire : les différences d’appartenance tribale ont fait tant de mal à l’Afrique subsaharienne au cours des décades derniers. Le cas le plus lugubre et le plus retentissant s’est produit au Rwanda. Le 6 avril 1994, le président rwandais succombe suite à une frappe sur son avion. En compagnie de son homologue burundais, ils périssent dans le crash. S’envenime alors à Kigali une chasse contre les Tutsis de l’ethnie de Paul Kagame qui menait la rébellion contre le régime hutu de Juvénal Habyarimana. Au bout du compte, 800.000 morts, essentiellement des Tutsis. Une vraie tragédie pour ce pays, qui aujourd’hui a tiré les leçons de cette hécatombe : l’Etat interdit désormais de faire mention de l’origine ethnique de ses citoyens sur les pièces d’identification. Aujourd’hui encore, le procès contre les génocidaires Hutus se poursuit, partout ils sont traqués. Pauline Kayitare, l’écrivaine rwandaise explicite avec un talent inouï cet épisode funeste, macabre dans son livre « Tu leur diras que tu es Hutue », publié en 2011. Pauline, tutsie, a treize ans lorsqu’éclate, en 1994, le génocide rwandais. Le pays s’embrase. Partout, les Tutsis sont pourchassés et assassinés. Pour avoir des chances d’échapper aux tueurs, la famille de Pauline décide de se disperser. Avant de se séparer, la mère prend sa fille à part et lui recommande de se faire passer pour Hutue : elle est trop jeune pour posséder une carte d’identité ethnique et son physique est peu identifiable. Ceux et celles qui lèvent la voix, ceux et celles qui agissent pour opposer les composantes ethniques du Cameroun tiennent-ils compte de cette réalité ? Comment peut-on jouer si impunément avec le feu dans un pays où des lois existent ! Il est aussi facile de désigner le coupable mais à la vérité, la place réseautique camerounaise expose clairement de ce que l’unité de ce pays, si autrefois elle avait existé, est aujourd’hui à reconsidérer. La jeune génération qui se constitue en followers actifs sur internet sans jugement critique des faits et gestes des uns et des autres devraient revenir à des meilleurs sentiments. Il y a aussi « Allah n’est pas obligé », le livre de l’Ivoirien Ahmadou Kourouma publié en 2000, qui plonge le lecteur dans les affres de la guerre civile, avec au cœur le cauchemar des enfants soldats. La Guinée, la Sierra Léone, le Libéria et enfin la Côte d’Ivoire sont au menu des guerres civiles qui ont secoué les pays Ouest africains au début de ce millénaire. L’Etat du Cameroun devrait considérer l’irrédentisme ethnique nocif, belliqueux, comme une menace réelle à la stabilité du pays. La guerre civile ivoirienne postélectorale de 2011 a commencé par le fait des acteurs politiques identifiés qui au début ont mis le concept d’ivoirité au cœur du débat politique. De fil en aiguille, une rébellion a éclaté au nord (les Dioulas) contre ceux qui s’identifiaient comme les vrais Ivoiriens, les autochtones. Au Cameroun, qu’on se refuse d’écouter d’entendre ou de voir, il y a des sifflements de ce discours ténébreux qui retentissent comme un appel à la vigilance, à la remise en cause des certitudes et des convictions acquises d’un Cameroun comme un havre de la paix. A l’heure où le référent politique est lié à l’ethnie, il y a lieu de craindre que les entrepreneurs du mal, en tirant longuement sur la corde des clivages, ne plongent le pays dans le chaos. Il revient donc à chacun de prendre ses responsabilités, mais encore plus à l’Etat, le grand Veilleur.