Les trois leaders syndicaux camerounais viennent de passer la 5ème nuit de garde-à-vue.
Après avoir été, tous, entendus ces derniers jours, Jean Collins Ndeffossokeng, Patrice Samen, Augustin Ngangoua et leurs camarades écopent de quatre motifs retenus contre eux: "manifestation non-déclarée ; trouble à l'ordre public ; association de malfaiteurs et complot contre la République".
Jean Collins Ndeffossokeng, Patrice Samen, Augustin Ngangoua et leurs camarades viennent de passer la 5ème nuit de garde-à-vue dans différents commissariats de la ville de Yaoundé, où ils sont, chacun, disséminés. Alors que le président du Syndicat national des employés du secteur des transports terrestres(Synester) est en garde-à-vue au commissariat 5ème sis au quartier Ngoa Ekellé dans l'arrondissement de Yaoundé IIIème, Patrice Samen, le président de la Confédération des travailleurs des transports du secteur informel du Cameroun, Augustin Ngangoua, président du Syndicat national des conducteurs routiers urbains, ruraux, périurbains et interurbains du Cameroun (Syncrurpicam) et bien de leurs congénères sont, pour certains, incarcérés dans les geôles du commissariat 2ème de Mokolo dans l'arrondissement de Yaoundé IIème et, pour d'autres, dans les cellules du commissariat de Messamendongo dans l'arrondissement de Yaoundé IVème.
Pour avoir organisé, simplement, un sit-in pacifique devant les services de la primature le 6 juin 2022, ces trois leaders syndicaux et leurs camarades sont interpellés et enfouis dans des lieux de détention. Alors qu'ils n'ont contesté que l'augmentation des tarifs de la visite technique automobile. Ce jour-là, tous ont appelé le gouvernement camerounais à revoir sa position sur l'inflation des prix de ce sésame parce qu'ils expliquent, dans leur correspondance parvenue chez le ministre des Transports (Mintransports), Jean Ernest Massena Ngalle Bibehe, qu'il est "inopportun d'envisager une quelconque hausse desdits tarifs qui auront des lourdes conséquences dans le panier de la ménagère par une répercussion sur les coûts des transports". Ils considèrent l'augmentation des prix de la visite technique automobile comme "une provocation de trop et ils ne sauraient l'accepter".
Cinq jours après l'arrestation de ces leaders syndicaux, bien de leurs collatéraux dirigeants et membres des autres corporations syndicales sont en train de plier l'échine tant ils ont organisé, hier (10 juin 2022), au siège de la bourse du travail de la Confédération générale du syndicat des travailleurs du Cameroun (Cgstc) sis au quartier Fouda à Yaoundé, une réunion. Question de rédiger et de signer deux correspondances en guise de lettres d'excuses à remettre au ministre du Travail et de la Sécurité sociale (Mintss), Grégoire Owona. D'après des sources crédibles, chaque leader syndical s'est présenté à cette réunion muni(e) de son cachet nominatif pour faire figurer son identité et sa signature au bas de ces deux lettres d'excuses. Alors que des dirigeants syndicaux de Yaoundé ont tenu leur assise hier à 10h, ceux de Douala ont organisé la leur à Akwa à 9h et ont, au terme de cette réunion, fait parvenir à leurs camarades de Yaoundé leur correspondance assortie des signatures de tous les participants. L'enjeu consiste, en effet, à harmoniser ces lettres d'excuses et à les acheminer sur la table de ce membre du gouvernement.
Astreints à rédiger deux lettres d'excuses sur instruction de cette personnalité publique, et par souci de voir leurs camarades en liberté dans les prochains jours, certains leaders syndicaux lâchent du lest et font amende honorable en lieu et place de leurs camarades interpellés. Pourtant, le droit de manifester est un droit fondamental reconnu dans la Constitution de la République du Cameroun. Même les instruments internationaux tels que la Déclaration universelle des Droits de l'Homme, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, la Charte africaine des droits civiques et politiques, le Droit international du travail (Dit), etc adoptés et consacrés au pays reconnaissent le droit de manifester comme l'un des droits fondamentaux que l'État camerounais doit respecter. En décidant donc d'arrêter ces leaders syndicaux et de les mettre en garde-à-vue, il s'agit d'une violation flagrante et manifeste des droits de l'Homme, qui sont, restent et demeurent des droits fondamentaux reconnus par les textes nationaux et internationaux.
Il y a, tout de même, matière à observer une répression, à géométrie variable, des manifestations publiques au Cameroun. Le 27 mai 2022, la communauté belloise a organisé une marche pacifique à Douala. Histoire de protester contre l'expropriation des habitants de Dikolo le 14 mai 2022. Mais chose curieuse, aucun des manifestants n'a été interpellé ce jour-là. Une escouade d'hommes en tenue a, plutôt, encadré cette marche, laquelle s'est déroulée sans grabuge et sans anicroches. Le président de l'Association des consommateurs d'électricité et de l'eau du Cameroun(Asceec), Georges Ngono Edzoa, a organisé, le 22 mars 2022, un sit-in de protestation devant la direction régionale de Camwater-Centre sis à Messamendongo. Ce date-là était journée mondiale de l'eau. Le Coordonnateur de la plateforme des consommateurs Paies Cameroun a organisé ce mouvement de ras-le-bol dans l'optique de décrier la mauvaise qualité de l'eau qui coule des robinets des villes camerounaises. Aucun des manifestants de ce réseau associatif massés ce jour-là devant cette entreprise n'a été arrêté, encore moins inquiété. Des exemples de la perception, à géométrie variable, des manifestations et réunions publiques peuvent être multipliés à foison dans des régions camerounaises. Seuls l'État autoritariste et le contingent d'autorités administratives et policières à sa solde décident de réprimer et d'arrêter tels manifestants ou de ne pas y souscrire. Ceci se fait, en général, en fonction des logiques idéologiquement, voire politiquement marquées suivant la connotation subjective et stéréotypée attribuée à toutes formes de manifestations publiques.