Depuis quelques semaines, des cadres du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC), parti au pouvoir, revendiquent les mandats illimités du Président de la République à qui ils demandent de modifier une fois de plus la Constitution pour une élection anticipée.
Dans son édition en kiosque mardi 23 février 2016, le journal La Nouvelle Expression revient sur les différentes modifications opérées sur la loi fondamentale, et indique que depuis 1959, 13 opérations ont été effectuées. 1959. Cette Constitution consacre l’unité et l’indivisibilité du Cameroun dont la souveraineté appartient au peuple camerounais. 1961.
C’est la première de la série. Cette révision doit adapter la nouvelle Constitution aux réalités du Cameroun réunifié. L’autorité fédérale est exercée par le président de la République et le président de l’Assemblée nationale. Le président de la République est le chef de l’Etat fédéral et chef de gouvernement.
Il est secondé par un vice-président fédéral qui en cas de vacance exerce de droit les pouvoirs du président de la République jusqu’à l’élection du nouveau président. 1969. Cette modification tend à préciser les conditions de vacance de la présidence de la République pour cause de démission ainsi que les modalités de démission du Premier ministre en cas de refus de la confiance ou de censure par l’Assemblée, étant entendu que le président de la République fédérale peut dissoudre l’Assemblée législative. 1972.
Une nouvelle Constitution adoptée par voie référendaire consacre l’Etat unitaire du Cameroun. Elle maintient le régime présidentiel. En cas d’empêchement temporaire du président, n’importe quel ministre peut le suppléer alors qu’en cas d’empêchement définitif, le président de l’Assemblée nationale exerce son pouvoir jusqu’à l’élection du nouveau président. Le président par intérim ne peut modifier ni la Constitution ni la composition du gouvernement. 1975. Le Cameroun instaure, par une révision de sa Constitution, le poste de Premier ministre.
Ce dernier est membre du comité central du parti unique de l’époque. Ses pouvoirs se réduisent à la suggestion, à la proposition et à l’exécution. 1979. Une autre modification de la Constitution a lieu ; elle fait du Premier ministre le dauphin constitutionnel du chef de l’Etat. C’est lui qui succède désormais au président de la République en cas de vacance au sommet de l’Etat. Il exerce pour la durée du mandat présidentiel en cours. C’est cette disposition qui a permis à Paul Biya de succéder à Ahmadou Ahidjo à la présidence de la République en 1982.
1983. Paul Biya est à la tête de l’Etat du Cameroun depuis un an. Cette année, le nombre de députés à l’Assemblée nationale passe de 120 à 150 par la loi N° 83/10 qui le consacre. Les nouvelles dispositions constitutionnelles donnent la possibilité au président de la République de convoquer le corps électoral pour une élection présidentielle anticipée. Le scrutin doit avoir lieu 20 jours au moins et cinquante jours au plus à compter de la date de notification de cette décision au président de la Cour suprême.
1984. Par des modifications constitutionnelles, l’on passe de la République unie du Cameroun à la République du Cameroun; le poste de Premier ministre est supprimé. En cas d’empêchement, le président de la République a la possibilité de choisir n’importe quel ministre pour exercer ses fonctions par délégation expresse. L’intérim en cas de vacance à la présidence de la République constatée par la Cour suprême est assuré par le président de l’Assemblée nationale. Le président intérimaire ne peut : modifier la constitution, composer le gouvernement, recourir au référendum, être candidat à l’élection présidentielle.
Le scrutin devait avoir lieu 20 jours au moins et 40 jours au plus après l’ouverture de la vacance. 1988. Pendant que Biya savoure sa sixième année de règne, le Cameroun modifie sa Constitution et donne la possibilité au chef de l’Etat d’abréger son mandat et d’organiser des élections anticipées. La même année, le nombre de députés passe de 150 à 180 par la loi N° 88/03 du 17 mars 1988.
1991. Le Cameroun connaît des perturbations sur le plan politique avec une paralysie de la société par des villes mortes suite au vent de revendications démocratiques qui souffle sur le Cameroun. Le poste de Premier ministre est rétabli ; le président de la République peut déléguer certains de ses pouvoirs à ce dernier et aux autres membres du gouvernement. C’est cette modification constitutionnelle qui a nommé Sadou Hayatou Premier ministre en 1991. Mais le Premier ministre n’est pas le successeur constitutionnel du président de la République comme en 1979. Contrairement à 1979, le PM est chef du gouvernement.
1996. La douzième modification de la loi fondamentale intervient cette année-là. Elle garantit, selon les termes utilisés, les droits de l’homme. La nouvelle loi constitutionnelle, au niveau de l’Exécutif, supprime la possibilité de convoquer des élections anticipées. La Constitution prévoit la suppression du Parlement par le président de la République. Le mandat présidentiel passe du quinquennat au septennat ; il est renouvelable une fois. Sur le plan législatif, le Parlement est élargi à deux chambres, avec l’instauration du Sénat. Le nombre de sessions ordinaires est revu à la hausse, passant de deux à trois par année législative. Sur le plan judiciaire, les pouvoirs de la Cour suprême s’élargissent avec l’instauration de la Chambre des comptes…Les provinces, sur le plan de l’organisation territoriale de l’Etat, doivent être transformées en régions. Au niveau constitutionnel, l’on note la création du Conseil constitutionnel. 2008. Le Cameroun procède donc à la treizième modification de sa loi fondamentale.
Le projet soumis à l’Assemblée nationale restaure le mandat présidentiel illimité au Cameroun. Le moins qu’on puisse dire est que le Cameroun a connu, jusqu’à ce jour, deux présidents de la République : Ahmadou Ahidjo (1960-1982) et Paul Biya (1982…) La constitution a subi près de 80% de ses modifications sous Paul Biya dont le règne s’est allongé au-delà de 2011.