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Violence d’Etat : basculement du régime de Yaounde dans l’autoritarisme aveugle

Paul Biya Nsimalen Paul Biya

Thu, 1 Aug 2024 Source: www.camerounweb.com

Mandela Center International, ONG internationale à Statut Consultatif Spécial auprès des Nations Unies, porte :



A l’attention de la communauté nationale et internationale : 1. Que Mandela Center International a pris acte, avec stupeur, consternation et amertume, de l’interpellation sauvage des activistes par le Gouvernement camerounais qui se mue ainsi en régime politique autoritaire ;

2. Qu’en date du 22 juillet 2024, l'activiste camerounais Steeve AKAM, alias Raymond COTTA, a été kidnappé, par des individus non identifiés à Libreville, en République du Gabon, puis extradé de force vers le Cameroun avant d’être remis aux autorités camerounaises ;

3. Que dans une vidéo devenue virale sur les réseaux sociaux, on aperçoit Raymond COTTA exprimer des regrets et demander pardon au président de la République du Cameroun ainsi qu’aux autorités gabonaises pour ses précédentes allégations ;

4. Qu’avant son interpellation, l’activiste Raymond COTTA, bien connu pour ses critiques acerbes envers le gouvernement camerounais, son opposition aux décisions du gouvernement en place et pour ses prises de position controversées, avait menacé de s’en prendre à l’ambassadeur du Cameroun au Gabon ;

5. Qu’après avoir fui le Cameroun, son pays d'origine, Steeve Akam, connu sous le pseudonyme de Ramon Cotta, s'est réfugié au Gabon depuis plusieurs années et il a été garde du corps pour André MBA Obame, décédé aujourd'hui et candidat à la présidentielle en 2011 ;

6. Que malgré les efforts fournis Mandela Center International n’a pas été en mesure d’obtenir des informations sur le lieu et les conditions de détention de Sieur Raymond Cotta, sur le respect de son droit à l’assistance par un conseil et par un médecin de son choix, sur le respect de ses droits élémentaires, etc, encadrés par la Loi N° 2005/007 du 27 juillet 2005 portant Code de Procédure Pénale ;

7. Que Mandela Center International est en mesure d’affirmer, eu égard aux informations obtenues de quelques sources crédibles, qu’il a subi subit des actes de tortures, de traitements cruels inhumains ou dégradants, au cours de cette détention au secret ou incommunicado ;

8. Que selon l’Article 33 relatif à la Défense d'expulsion et de refoulement de la Convention de Genève relative au statut des réfugiés de 1951, ratifiée par l’Etat du Cameroun le 23 octobre 1961, et à laquelle la République du Gabon a adhéré le 27 avril 1964, un réfugié ne doit pas être expulsé vers un pays où sa vie ou sa liberté seraient menacées ;

9. Que Mandela Center International soutient que l’article 4 de l’Accord d’Extradition du 28 Janvier 2004 entre les Etats membres de la Communauté économique et monétaire de l'Afrique centrale (CEMAC) et signé par les six chefs d’Etats dont Paul BIYA du Cameroun et Feu El Hadj Omar BONGO du Gabon et qui dispose que «1.L’extradition n’est accordée que si l’infraction pour laquelle elle est demandée est considérée par la partie requise comme une infraction n’entrant pas dans le champ des infractions prévues par sa loi pénale ». « 2.La même règle s’applique si la partie requise a des raisons sérieuses de croire que la demande d’extradition motivée par une infraction de droit commun est présentée aux fins de poursuivre ou de punir un individu pour des considérations de race, de religion, de nationalité ou d’opinions politiques ou que la situation de cet individu risque d’être aggravée pour l’une ou l’autre de ces raisons » a été bel et bien violé par les autorités camerounaises ;

10. Que Mandela Center International soutient également que les poursuites envisagées par l’Etat du Cameroun contre Sieur Steeve AKAM ont une motivation politique, tout comme les infractions pour lesquelles il a été extradé sont également prévues et réprimées par le Droit Pénal Gabonais et sont contraires à l’Accord d’Extradition susvisé ;

11. Qu’à la suite de cette arrestation illégale suivie d’une détention arbitraire de Sieur Steeve AKAM, dans la vidéo devenue virale sur les réseaux sociaux, Junior NGOMBE a interpellé directement le gouvernement et l'a invité à accepter les voix dissonantes à celles des officielles, en vue de l'amélioration de la gouvernance. « Chères autorités, nous ne sommes pas vos ennemis. Les camerounais vous ont élues » ;

12. Qu’en date du mercredi 24 juillet 2024, vers 19 heures, le jeune Junior NGOMBE, âgé de 23 ans, coiffeur et activiste sur les réseaux sociaux a été kidnappé à son tour par trois gendarmes en tenue civile devant sa boutique au carrefour Combi à Douala, une ville de la région du Littoral au Cameroun ;

13. Que sans lui relever les mobiles de son interpellation, il a été conduit, manu militari, dans une unité de gendarmerie de Douala, au quartier Bonanjo, avant d'être déporté à Yaoundé, sous forte escorte militaire, au Groupement de Gendarmerie Territoriale du Mfoundi, à Yaoundé, puis dans les cellules du Service Central des Recherches Judiciaires (SCRJ) de la gendarmerie Nationale, sans aucune procédure légale;

14. Que détenu ARBITRAIREMENT au Secrétariat d'État à la défense (SED), le jeune Junior NGOMBE n'a été informé des charges retenues contre lui, pour incitation à la rébellion, propagation de fausses nouvelles et autres, que cinq jours après son interpellation, au cours de son audition assistée par un collège d’avocats pro bono ;

15. Que devenu célèbre sur Tik Tok à travers des vidéos anti-Biya, Junior NGOMBE est également le président du mouvement Jeunesse Debout pour le Changement (JDC) qui n’est pas un parti politique, mais un mouvement destiné à organiser et mobiliser la jeunesse camerounaise en vue des élections de 2025 et 2026 ;

16. Que par ses actions et ses vidéos, le jeune homme a attiré l’attention de nombreux jeunes Camerounais, en les incitant à s’inscrire massivement sur les listes électorales dans l’optique de l’élection présidentielle 2025, pour chasser Paul BIYA du pouvoir depuis 42 ans ;

17. Qu’à nouveau présenté devant le Commissaire du gouvernement près le Tribunal militaire de Yaoundé, après un Soit Fait Retour au SED pour complément d’enquête, Junior NGOMBE a été remis en liberté sous caution en cette fin de la matinée du 31 juillet 2024 sans qu’aucune des charges retenues contre lui en soit abandonnée;

18. Que ce regain de violence d’Etat a suscité l’indignation de toute la classe politique, des acteurs de la société civile, des libres penseurs et des internautes ;

19. Que ce rétrécissement inadmissible de l’espace civique par les autorités de Yaoundé s’inscrit dans le sillage de l’Arrêté préfectoral N°0001436/AP/J06/SP du mardi 16 juillet 2024, signé de Monsieur Emmanuel Marcel DJIKDENT, Administrateur Civil Principal, préfet du Mfoundi, à Youndé, portant interdiction de séjour dans le département du Mfoundi de « toute personne appelant au soulèvement contre la République ou se serait rendu coupable d’outrage envers celle-ci ou ceux qui l’incarnent » ;

20. Que Mandela Center International note clairement pour le déplorer et condamner énergiquement un basculement barbare du régime de Yaoundé dans l’autoritarisme, une dictature féroce, une tyrannie aveugle, à l’approche d’une importante année électorale au cours de laquelle le mandat du dépositaire Paul Biya sera mis en jeu et contesté ;

21. Que Mandela Center International affirme que cette fébrilité inadmissible et suicidaire, démontre une fois de plus l’arbitraire qui caractérise toujours le régime de Yaoundé, quant aux violations flagrantes des libertés individuelles, de réunions et de manifestations publiques au Cameroun, pourtant bien régies par les lois de 1990, sur les libertés publiques;

22. Qu’il s’agit clairement d’une grave atteinte flagrante et répétée à tous les engagements internationaux du Cameroun consacrant la liberté d’expression et d’opinion, d’une atteinte démesurée aux libertés individuelles qui désignent les différentes libertés dont l’individu dispose, susceptibles d’être qualifiées de libertés publiques ou, selon les hypothèses, de droits fondamentaux, selon la coutume internationale ;

23. Que l'article 29 de la DUDH vient baliser la liberté d'expression et les autres droits dans le contexte individu/société: «L'individu a des devoirs envers la communauté dans laquelle seul le libre et plein développement de sa personnalité est possible» (par. 1)... « à moins que l'Homme ne soit pas contraint, en suprême recours, à la révolte contre la tyrannie et l'oppression » (préambule, par. 3) ;

24. Que Mandela Center International soutient que ni la loi de 1990 relative au maintien de l’ordre, ni le décret de 2008 fixant les attributions des chefs des circonscriptions administratives, ne donnent à un Préfet camerounais, fût-il en état d’égarement, le pouvoir d’interdiction de séjour temporaire à un citoyen dans un département du Cameroun même en cas d’état d’urgence ou d’instabilité ;

25. Que selon la Loi n° 96-06 du 18 Janvier 1996 portant CONSTITUTION : «Le Peuple camerounais affirme son attachement aux libertés fondamentales inscrites dans la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme, la Charte des Nations Unies, la Charte Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples et toutes les conventions internationales y relatives et dûment ratifiées »;

26. Que la liberté d’expression et de manifestation est reconnue par tous les instruments juridiques internationaux et les constitutions des États modernes comme l’un des droits fondamentaux de l'homme ;

27. Que ces droits très protégés sont des droits inhérents à la nature humaine et dont la proclamation est une constante dans les différents textes constitutionnels camerounais et dans la coutume internationale en matière des droits de l’homme ;

28. Que la liberté de manifestation est, avant tout, une liberté publique évoquée dans le cadre des droits de l'homme proclamés d'une part par les instruments juridiques internationaux et d'autre part, par les constitutions et lois des Etats modernes ;

29. Que l’article 18 du Pacte International relatif aux Droits Civils et Politiques, ratifié par le Cameroun le 27 juin 1984 stipule que « toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion; (..) ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction, individuellement ou en commun, tant en public qu'en privé, (…). Tout comme l’article 19.1 dudit Pacte stipule que « Nul ne peut être inquiété pour ses opinions»;

30. Que l’article 11 de la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples, ratifiée par le Cameroun le 20 juin 1989 stipule que « Toute personne a le droit de se réunir librement avec d'autres »;

31. Que le président Paul Biya a toujours martelé « on n’a plus besoin de prendre le maquis pour exprimer ses idées » ou d’une autorisation écrite pour exprimer ses opinions ou revendiquer un droit sur les voies publiques bien qu’il faille préalablement informer simplement les autorités administratives par écrit ;

32. Que selon l’Article 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen (DDHC), la liberté de communication, de pensée et d’opinion est l’un des droits les plus précieux de l’Homme ;

33. Que le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) de 1966 dont l’Etat du Cameroun est Etat-partie réaffirme le droit à la liberté d'expression et d'opinion mais souligne, à l'article 19, par. 3 qu'il: «comporte des devoirs et responsabilités spéciales» (fixés par la loi) et qui sont nécessaires au respect des droits ou de la réputation d'autrui et à la sauvegarde de la sécurité nationale, de l'ordre, de la santé ou de la moralité publiques ;

34. Que Mandela Center International soutient que la liberté d'expression est la pierre angulaire de la démocratie, qui permet aux individus et aux groupes de jouir de plusieurs autres droits de l'homme et libertés et vouloir dénigrer un seul de ces droits est une attaque exprimée contre tous les droits de l'Homme;

35. Que Mandela Center International rappelle au régime au pouvoir à Yaoundé que la liberté d'expression et d'opinion est un droit légitimé par plusieurs siècles de lutte des êtres humains contre l'oppression et qu’il est considéré comme un droit qu'on ne saurait dénier ou renier au même titre que tous les autres droits ;

36. Que les Principes et directives sur le droit à un procès équitable et à l’assistance judiciaire en Afrique adoptés du 15 au 28 novembre 2007 à Niamey, au Niger à l’issue de la 33e session ordinaire de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples (CADHP) de l’Union africaine énoncent que : « a. Les tribunaux militaires ont pour seul objet de connaître des infractions d’une nature purement militaire commises par le personnel militaire. b. Dans l’exercice de leurs fonctions, les tribunaux militaires sont tenus de respecter les normes du procès équitable énoncées par la Charte et les présentes Directives. c. Les tribunaux militaires ne peuvent, en aucune circonstance, juger des civils. De même, les juridictions spéciales ne connaissent pas des infractions qui ressortissent de la compétence des tribunaux ordinaires »;

37. Que même l’article 8 contestée de la loi N°2017/012 du 12 juillet 2017 portant Code justice militaire ne prévoit le jugement des civils devant un tribunal militaire que s’il s’agit d’«infractions de toute nature commises par des personnes civiles dans un établissement militaire » ou d’ «infractions de toute nature commises par des militaires avec ou sans co-auteurs ou complices civils » ;

38. Que le droit international sur les droits de l’homme stipule les obligations que les Etats sont tenus de respecter et lorsque l’Etat du Cameroun devient partie à un traité, le droit international l’oblige à respecter, protéger et instaurer les droits de l’homme en évitant d’intervenir ou d’entraver l’exercice des droits de l’homme, de protéger les individus et les groupes contre les violations des droits de l’homme et de prendre des mesures positives pour faciliter l’exercice des droits fondamentaux de l’homme ;

39. Qu’en ratifiant les traités internationaux des droits de l’homme, le Gouvernement camerounais s’est engagé à prendre des mesures nationales et à adopter des lois compatibles avec les obligations découlant des traités ;

40. Qu’il s’agit là des obligations positives impliquant une exécution « physique » ou « concrète » de la part de l’Etat du Cameroun et constituent un instrument de développement du pouvoir d’injonction de la justice et permettent ainsi à cette dernière de dessiner les contours d’une définition du rôle de l’État démocratique et libéral ;

41. Qu’en ce sens, l’obligation de rendre des comptes exige que toute enquête doive être menée de manière prompte, impartiale, approfondie et transparente par les autorités compétentes pour remplir les obligations conventionnelles internationales de l’Etat du Cameroun ;

42. Qu'en tant qu'Etat partie à ces textes internationaux, l'Etat du Cameroun est IMPERATIVEMENT tenu de respecter les droits qui y sont contenus et d'exercer la diligence nécessaire pour prévenir et réprimer les violations de ces droits ;

43. Que la responsabilité de tous ces faits est ainsi CLAIREMENT attribuée à l’Etat du Cameroun en vertu du droit international, au terme des articles 4 et suivants d’une résolution 56/83 de l’Assemblée générale des Nations Unies en date du 12 décembre 2001 sur la responsabilité de l’Etat pour FAIT INTERNATIONALEMENT ILLICITE.

Eu égard à tout ce qui précède, Mandela Center International et ses partenaires internationaux :

1. Condamnent, avec la toute dernière énergie, ce basculement du régime de Yaoundé vers l’autoritarisme en vue de restreindre aveuglement l'espace civique Camerounais, contrairement aux instruments juridiques internationaux relatifs aux droits de l’homme ;

2. Exigent, avec toute la fermeté possible, aux autorités camerounaises de remettre en liberté IMMEDIATEMENT ET SANS CONDITION l’activiste Raymond COTTA et d’abandonner toutes les charges contre l’activiste Junior NGOMBE ; 3. Rappellent clairement aux autorités camerounaises qui ont été ainsi mises devant leurs responsabilités qu’elles ont l’obligation de sévir RAPIDEMENT en rappelant directement à l’ordre ces auteurs des violations des droits humains pour remplir les obligations conventionnelles internationales de l’Etat du Cameroun ; 4. Rappellent, Clairement, aux autorités camerounaises que Mandela Center International n’hésitera point d’engager directement sa RESPONSABILITE devant les instances internationales en cas d’atteinte aux droits fondamentaux des Camerounais ;

5. Interpellent vivement Son excellence Professeur Faustin Archange TOUADERA, Président de la République Centrafricaine et Président de la Conférence des Chefs d’Etats de la CEMAC, de mettre rapidement un terme à cette dérive relative à l’Accord d’extradition ;

6. Rassurent clairement l’opinion de l’interpellation de Mme Irene KHAN, Rapporteuse spéciale sur la promotion et la protection du droit à la liberté d'opinion et d'expression, du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme aux fins de demander aux autorités camerounaises de mettre un terme à ce rétrécissement de l’espace civique;

7. Rappellent, encore avec virulence, au Gouvernement de la République du Cameroun que faute pour lui de se conformer stricto sensus à ses obligations positives découlant des traités internationaux des droits de l’homme dont il est Etat-partie, Mandela Center International sera contraint de recourir à tous les moyens de droit et à tous ses réseaux internationaux pour que cesse le culte de l’imposture au Cameroun ;

8. Recommandent vivement au Gouvernement Camerounais des mesures spéciales conformément à ses engagements internationaux en vue de la protection effective des droits fondamentaux qui sont ainsi violés au quotidien.

Source: www.camerounweb.com