Lors d'une table ronde organisée par Care International Cameroun, des experts et des survivantes ont exposé les obstacles structurels et sociaux qui entravent l'accès à la justice pour les victimes de violences basées sur le genre, appelant à une transformation urgente du système judiciaire.
Les difficultés auxquelles font face les victimes de violences basées sur le genre (VBG) résonnent comme des appels à l'action, car il existe encore de nombreux obstacles structurels et institutionnels, selon les experts. « Nous vivons encore des cas dans certains de nos hôpitaux où l'on interpelle la victime en disant : « Où est la jeune fille qui a été violée ? », comme si elle était responsable de son propre viol. Dans les commissariats, les victimes sont souvent interrogées de manière intrusive et jugées à travers des questions : "Elles cherchent quoi dans la nuit ?" ou "Pourquoi elles se baladent et portent des habits indécents ? »... Ces mots, chargés de douleur, sont prononcés par Charnelle Lumière Cayue Chezue, présidente du Réseau national des associations de tantines (RENATA) au Cameroun, lors d'une table ronde organisée par Care International Cameroun en décembre.
Clairement, cet acteur décrit le contexte : « Il y a souvent un manque de sensibilisation et de formation des professionnels de la santé et des forces de l'ordre, ce qui peut entraîner une mauvaise prise en charge des victimes. De plus, les victimes peuvent rencontrer des difficultés à accéder aux soins médicaux appropriés, notamment en raison de la stigmatisation sociale et du manque d'infrastructures adéquates. Les difficultés incluent également le manque de ressources financières pour soutenir les programmes d'aide aux victimes, ainsi que des lacunes dans le cadre juridique qui entourent le traitement des cas de viol. Ces défis rendent la situation encore plus difficile pour ceux qui cherchent justice et guérison ».
Au regard donc de cette réalité, Care International Cameroun, qui lutte depuis plus de deux décennies contre les causes profondes de la VBG et soutient les survivantes, fournit divers services, soit directement, soit par l'intermédiaire de partenaires. Ces services incluent un soutien de première ligne (conseils empathiques, planification de la sécurité, références), des soins de santé (gestion clinique du viol et santé et droits sexuels et reproductifs), du soutien juridique, du soutien psychosocial, des opportunités économiques et un renforcement du système d'orientation. Dans le cadre des 16 jours d'activisme contre les violences sur le genre, Care International Cameroun a organisé cette table ronde sur le thème : « Les obstacles liés à la prise en charge judiciaire et juridique des survivants de violences basées sur le genre ».
Les débats ont mis en lumière plusieurs problèmes cruciaux. Parmi eux, les défis institutionnels, tels que des infrastructures judiciaires inadéquates, le manque de tribunaux spécialisés et la surcharge des systèmes judiciaires. Les enjeux de formation des professionnels sont également alarmants, avec un manque de formation spécialisée pour les policiers, magistrats et avocats dans la gestion des cas de VBG. L'insuffisance de ressources financières et humaines a un impact néfaste sur le traitement efficace de ces affaires. Les freins juridiques et légaux sont tout aussi préoccupants, avec des cadres législatifs souvent incomplets ou ambigus concernant les VBG et des lacunes dans leur application. Les biais judiciaires, souvent sexistes, influencent les décisions de justice, et de longues procédures coûteuses dissuadent souvent les victimes de chercher justice.
Les facteurs sociaux et culturels aggravent ce tableau déjà complexe. La stigmatisation des victimes, alimentée par des tabous culturels et la honte, empêche de nombreuses survivantes de signaler les violences. Les pressions familiales et communautaires jouent aussi un rôle dissuasif, et les normes de genre ainsi que le patriarcat perpétuent les violences tout en freinant la prise en charge judiciaire. Les experts présents, notamment ceux de Minproff, Minjustice et d'autres ONG, se sont réunis pour souligner l'importance de l'accès à la justice pour les survivantes de VBG et la nécessité d'une réponse juridique adaptée. Martine Ongola, Directrice de la Promotion Sociale de la Femme au Minproff, a insisté sur la nécessité pour les femmes de s’unir pour mieux défendre leur cause. « La conception d’une loi non adoptée, la création des Gender Desk, du numéro vert, la formation des leaders d’opinion et des forces de maintien de l'ordre… ce sont certes des étapes importantes, mais l’appropriation de la cause par les femmes elles-mêmes serait encore plus puissante », a-t-elle déclaré. Au nom de toutes les femmes, elle a plaidé en faveur de la création de tribunaux spécialisés pour la répression des VBG.
Les pistes de réforme présentées par l'ONG internationale incluent le renforcement des capacités institutionnelles, avec des propositions pour des formations spécialisées, des ressources accrues et des structures dédiées. L'amélioration des cadres juridiques est également essentielle, avec des recommandations pour une révision des lois et des procédures afin de mieux protéger les survivantes de VBG. Des actions de sensibilisation sont nécessaires pour réduire les stigmas et encourager les victimes à se tourner vers la justice. À l'issue de cette table ronde, des résultats attendus ont été identifiés : sensibiliser les hommes et les garçons sur les formes spécifiques de violence, de discrimination et de stigmatisation subies par les populations vulnérables, ainsi qu'analyser les obstacles qui entravent l’accès à la justice et le soutien juridique. Le paquet de services offerts par les cliniques juridiques dans le cadre du GC7 a été présenté, tout comme des recommandations concrètes et applicables pour améliorer la prise en charge judiciaire et juridique. Enfin, les lacunes institutionnelles, juridiques et sociales limitant la prise en charge des victimes dans le cadre judiciaire ont été identifiées, marquant ainsi un pas important vers un avenir où chaque victime pourra enfin trouver justice et soutien.