Le leader du Mouvement pour la Renaissance du Cameroun (MRC), a accordé un entretien à Christophe Boisbouvier de Radio France Internationale ; interview diffusée ce 18 avril 2018.
Vous avez été le ministre de la Justice de Paul Biya pendant 7 ans. Puis en 2011 vous avez démissionné et maintenant vous vous présenter contre Paul Biya. Pourquoi ?
J’ai été ministre délégué pour être plus précis. J’ai quitté le gouvernement. Pourquoi, parce que mon pays est dans une situation qui n’est pas bonne. La zone dite anglophone de notre pays est pratiquement en état de guerre civile maintenant. D’autre part, en ce qui concerne les écoles, la plupart des établissements scolaires primaires comme d’une part d’infrastructures ; il y a encore beaucoup d’écoles, en particulier dans les zones rurales où les enfants suivent les cours-quand ils peuvent les suivre- assis par terre, à même le sol. Deuxièmement, dans le secondaire, il y a plusieurs matières qui n’ont pas d’enseignants.
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Notre pays est bilingue, mais je peux vous dire d’expérience que dans beaucoup d’établissements, il manque beaucoup d’enseignants de langue anglaise dans la zone francophone. La condition des enseignants est absolument déplorable. Vous avez dû suivre, il n’y a pas longtemps, les manifestations, les remous, les grèves des enseignants qui n’ont pas perçu leurs salaires depuis plusieurs années.
Prenons la santé : on a construit quelques hôpitaux sans les doter de moyens nécessaires. Nous avons à Yaoundé par exemple trois grands hôpitaux. L’hôpital général était censé être un hôpital de référence, qui aurait d’ailleurs dû réduire, sinon éliminer complètement les évacuations sanitaires à l’étranger. Il n’en est rien, tout au contraire, on n’a jamais autant évacué qu’au cours des années récentes. Il faut construire des infrastructures sanitaires là où il y a les populations et non là où il y a des hommes politiques.
En 2002, vous avez gagné l’estime des camerounais en plaidant avec succès le dossier de la presqu’Ile de Bakassi et tout le monde reconnait que vous êtes un brillant juriste. Mais n’êtes-vous pas plus un technocrate qu’un homme politique ?
Je ne sais pas la différence que vous faites entre les deux. Mais ce que je sais, c’est que je n’aime pas trop mettre en avant ce que nous avons réussi dans le dossier Bakassi, parce que je ne l’ai pas fait pour ma gloire personnelle. Il faudrait maintenant que vous appréciez ce que je fais à la lumière de m’action politique que je mène. En 2002, je n’avais aucun engagement politique partisan, j’étais doyen de la Faculté des Sciences juridiques et politiques (Université de Yaoundé II), je n’étais pas un acteur politique.
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Si vous pouvez me donner quelque crédit pour cela, je vous en remercie. Mais à présent, je suis un homme politique et il faut donc apprécier mon travail à la lumière des hommes politiques. Mes camarades et moi, nous essayons de réaliser l’alternance et d’accomplir l’œuvre transformatrice dont notre pays a besoin pour être sur de bons rails.
Pour résoudre la crise de l’Ouest anglophone, Paul Biya prône la fermeté, tandis que le candidat du SDF, Joshua Osih prône le retour au fédéralisme. Quelle est votre position ?
Nous devons dans un premier temps, envoyer une délégation de paix pour essuyer les larmes de nos compatriotes anglophones ; les conforter dans leur camerounité, les rassurer qu’ils sont des citoyens camerounais à part entière. Une fois qu’on a de cette façon calmé les esprits, obtenu une désescalade, on passe à la phase des négociations. C’est de ce dialogue que va résulter la solution du problème anglophone.
Donc, je ne peux pas, alors que je prétends être demain, celui qui peut créer ce cadre de dialogue, donner par anticipation les résultats du dialogue. Voilà pourquoi quelques temps, je n’ai plus dit très clairement si j’étais favorable au fédéralisme ou à la décentralisation. C’est le dialogue des Camerounais qui donnera la forme de l’Etat et notre engagement est de consigner cela dans la Constitution une fois que les Camerounais l’auront approuvé.
En fait, pour vous, il y a deux solutions, soit la décentralisation, soit le fédéralisme et ce sera au dialogue d’en décider
Absolument ! Sachant qu’il ne faut pas s’accrocher aux mots. Quelques fois, dans le cadre de la régionalisation, le degré d’autonomisation est parfois plus poussé que dans certaines formes de fédéralisme.
Au Cameroun, à la présidentielle il n’y a qu’un seul tour. Or, avec Joshua Osih, Akere Muna et vous-même, il y a trois poids lourds de l’opposition face au très probable candidat Paul Biya. Est-ce que vous n’allez pas disperser vos forces face au Président sortant ?
En ce qui me concerne, j’ai engagé des discussions et des contacts avec tous les acteurs. Nous continuons à échanger. Je ne désespère pas. La question est de savoir si quelques grands acteurs de la scène politique camerounaise peuvent se mettre ensemble pour permettre aux Camerounais de réaliser enn l’alternance après laquelle ils courent depuis 1992.
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A l’Assemblée Nationale, le SDF de Joshua Osih est le premier parti d’opposition, n’est-il pas logique que votre parti MRC qui ne compte qu’un seul député envisage de se ranger derrière le SDF pour cette présidentielle ?
Je ne sais pas si la logique politique s’écrit de cette façon-là. Si tel était le cas, je pense que la République en Marche n’aurait pas dû présenter un candidat à l’élection présidentielle en France. Parce qu’ils n’avaient pas de député du tout à l’Assemblée Nationale, ni aucun élu de toute sorte. Je pense qu’on peut avoir été le meilleur candidat hier et ne plus l’être aujourd’hui. Donc il va falloir nous entendre sur qui aujourd’hui est le mieux à même de tirer et marquer le pénalty que l’histoire offre au Cameroun. Et ça ce n’est pas au nombre de députés, de sénateurs ou je ne sais quoi qu’il faut évaluer cela, c’est la situation d’aujourd’hui.