Les mouvements de colère qui secouent depuis un an les régions camerounaises anglophones du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, plus connus sous la dénomination de «crise anglophone» et qui ont culminé dimanche dernier avec de gigantesques manifestations et des affrontements avec les forces de maintien de l’ordre, faisant des dizaines de morts et plusieurs blessés, trouvent leur origine aux confins du processus de libération du pays de ses colonisateurs britannique et français.
Le 1er octobre 2017 en effet, les activistes du sécessionnisme, dans un contexte de couvre-feu, avaient annoncé la proclamation symbolique de la «République d’Ambazonie», qui représente 16.364 kilomètres carrés sur une superficie totale de 475.442 kilomètres carrés, et quelque 5 millions d’habitants sur une population totale de 24 millions d’âmes.
Cette date correspond à ce jour de 1961 qui vit la naissance de la République fédérale du Cameroun, ayant conduit à la réunification du Cameroun français et du Southerns Cameroon britannique, divisés depuis le 4 mars 1916.
Le 7 novembre 1959, la partie du pays sous tutelle britannique, dotée depuis 1954 d’une Assemblée législative mais faisant administrativement partie intégrante de la République du Nigeria, opta pourtant pour un maintien de ladite tutelle, avant d’être rattachée à ce pays le 1er juin 1961.
Le 30 septembre 1961, le premier président du Cameroun francophone, devenu indépendant le 1er janvier de l’année précédente, Ahmadou Ahidjo, se rendit à Buea (Sud-Ouest) et obtint, de l’autorité britannique, le transfert de la souveraineté du British Southern Cameroons qui se réunifia ainsi à la République du Cameroun pour former la République Fédérale du Cameroun.
Après la réunification du 1er octobre 1961, le Cameroun hérite en réalité d’un fédéralisme qui consacre la répartition inégale du pouvoir entre les deux États fédérés au niveau de l’Assemblée fédérale ainsi que du gouvernement.
Pour les tenants de la sécession, qui continuent de crier au «hold-up» réalisé avec des «traitres» du pays anglophone, le processus y relatif avait été obtenu au forceps, puisque entaché de fraudes et d’irrégularités.
Depuis les années 60 en réalité, la communauté anglophone n’a pas arrêté de dénoncer sa marginalisation politique et économique.
Ces mouvements identitaires ont ainsi vu l’avènement de groupuscules de lutte dont le plus énigmatique, le Southern Cameroun National Congress (SCNC), déclaré illégal et interdit d’activités sur l’étendue du territoire camerounais depuis 2001, organise régulièrement des actions de défiance à l’égard de «la République», appellation attribuée au Cameroun francophone.
Pour faire valoir la légitimité de leur combat, les dirigeants de cette organisation ont, en 2003, déposé une plainte contre l’État du Cameroun auprès de l’Union africaine (UA).
Ils ont été déboutés de leur requête de séparatisme en 2009, l’instance continentale ayant récusé les accusations de discrimination et recommandé aux plaignants d’abandonner leurs velléités pour se transformer en parti politique.
Il convient également de noter qu’aucun parti politique légalisé, aucune organisation de la société civile, n’épousent actuellement les revendications de partition du Cameroun, la plupart préférant une forme fédérale de l’État, ou encore une véritable instauration de la décentralisation dont la loi, quasiment non appliquée à ce jour, a été votée en juillet 2004.
Mais le SCNC semble lui-même aujourd’hui en butte à une rude concurrence, d’autres groupuscules, dont les leaders se recrutent essentiellement au sein de la diaspora mais sans un leader charismatique, étant désormais les plus actifs notamment à travers les réseaux sociaux.