Sébastien Ebala est convoqué, ce jeudi, 11 mai 2023 à 10h au service central des recherches judiciaires de la gendarmerie nationale à Yaoundé. Motif : "Outrage à la tribu ou à l'ethnie et autres".
Nous venons de recevoir la copie de la lettre-convocation ce mardi, 9 mai 2023 transmise par un huissier de justice exerçant dans la ville de Yaoundé. Il y est mentionné que Sébastien Ebala est invité "à se présenter à Yaoundé au Service central des recherches judiciaires, le jeudi, 11 mai à 10h". C'est, en effet, dans le cadre d'une enquête préliminaire ouverte contre ce lanceur d'alertes et diligentée par le lieutenant-colonel, Dieudonné Bialo, chef du Service central des recherches judiciaires à la gendarmerie nationale à Yaoundé.
L'on se souvient que dans l'après-midi du dimanche, 7 mai 2023, S. Ebala a fait un direct d'une quarantaine de minutes, où il a, entre autres, châtié et stigmatisé, de manière globale, les chauffeurs de taxi et, singulièrement, des femmes ressortissantes des zones anglophones. Il les taxe d'être des "femmes sales" dans plusieurs taxis de la ville de Yaoundé. Pire encore, Ebala a poussé le bouchon plus loin en demandant à ces dernières de rentrer dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, leurs aires culturelles d'appartenance. Aussi a-t-il, vers la fin de ce direct-là, étiqueté négativement les femmes issues de la communauté Bamoun en soutenant que ces dernières font pire. Cet extrait de la vidéo est devenu viral sur la toile. Toute chose ayant suscité l'aversion, la désapprobation, voire le courroux de bien de personnalités de la scène publique camerounaise et des internautes, qui n'ont pas hésité à le couvrir d'opprobre et à lui jeter, par corollaire, le discrédit. Depuis le 7 mai 2023, S. Ebala est brocardé par plusieurs figures publiques qui soutiennent, mordicus, qu'il a basculé dans la haine tribale. Ce cyberactiviste est traité de "tribaliste" après avoir tenu des propos d'un tel acabit.
En rappel, S. Ebala a déjà été arrêté à deux reprises, notamment dans l'affaire qui l'opposait à Samuel Eto'o Fils pour "propos insultants, mensongers et diffamatoires". Aussi S. Ebala avait-il été arrêté le 20 avril 2020 à Yaoundé et condamné à deux ans de prison ferme pour "Appel à la révolte, sédition, rébellion, insurrection, etc". Le 18 avril 2020, il avait appelé à déloger le président de la république du Cameroun, Paul Biya, au cours d'un direct qu'il avait organisé à la poste centrale. Il était accompagné, ce jour-là, de Paul Daisy Bia, coordonnateur de la plateforme "Mediatik", Emmanuel Mbombog Mbog Matip et Bernard Tchebo, co-animateurs de cette plateforme informative à cette époque-là. 48 heures après, tous avaient été interpellés au domicile de Tchebo sis à Mballa 2 dans l'arrondissement de Yaoundé 1er. Illico presto, Ebala et ses congénères avaient été happés, molestés, torturés, puis conduits, manu militari, dans les geôles du Secrétariat d'État à la défense (Sed). Ils y avaient été aussi torturés. Quelques jours après, P.D. Bia avait été, curieusement, libéré. Mais Ebala avait subi des formes de violences outrancières, dégradantes et déshumanisantes qu'il avait, d'ailleurs, relatées à sa sortie de la prison centrale de Yaoundé, où il avait séjourné durant deux ans.
Que risque S. Ebala au plan pénal?
En jetant un regard sur le motif dûment formulé dans la lettre-convocation, motif intitulé "Outrage à la tribu ou à l'ethnie et autres", le cyberactiviste peut être frappé par l'article 241 du code pénal de 2016. Il y est mentionné : "Est puni d'un emprisonnement de six jours à six mois et d'une amende de 5.000 à 500.000 Fcfa celui/celle qui commet un outrage tel que défini par l'article 152 du présent code, qui a trait à la diffamation, à l'injure, ainsi qu'aux menaces faites soit par les gestes, soit par les paroles proférées dans les milieux publics à l'encontre d'une race, d'une tribu, d'une ethnie ou d'une région à laquelle appartiennent des citoyens". Si l'infraction est commise par voie de presse, radio, télévision, etc, l'amende est portée à 20 millions de Fcfa. Signalons qu'en 2016, les réseaux sociaux n'avaient pas droit de cité. Aujourd'hui, avec l'avènement, voire l'ancrage des techno médias et, spécifiquement, des réseaux sociaux dans la société camerounaise contemporaine, le code pénal avait été amendé en 2019 à la faveur de l'adoption d'un projet de loi au parlement camerounais. Depuis 2019, désormais, "toute personne reconnue coupable des propos haineux sera punie d'un emprisonnement d'un an à deux ans. Peine assortie d'une amende de 300.000(trois cents mil) à 3.000.000(trois millions) de Fcfa". La condamnation est plus grave si les propos sont tenus par un fonctionnaire, un leader politique ou religieux, les autorités administratives, les officiels gouvernementaux et par les Hommes de médias ou si le journaliste est reconnu d'outrage à la tribu.