Les leçons que donne souvent le député président du PCRN, Cabral Libii aux autres acteurs politiques, sans se remettre lui-même en cause, commence à exacerber plusieurs analystes et leaders d'opinions politiques.
Dans une tribune, Kand Owalski a craché ses vérités au candidat déclaré à la présidentielle de 2025. Pour lui, Cabral "joue les moralisateurs à peu de frais".
Lions
"Monsieur Cabral Libii, votre sortie sur la décision du Conseil constitutionnel du 21 janvier 2025 illustre une vision simpliste des enjeux qui gangrènent le système électoral camerounais. Certes, votre appel à l'engagement citoyen est louable, mais réduire le problème structurel des fraudes électorales à une "petite peine réaliste" des citoyens ou à une simple mobilisation des partis politiques trahit une méconnaissance — ou un refus d’admettre — la profondeur des dysfonctionnements institutionnels.
Vous semblez dire que chaque Camerounais peut, par son engagement individuel, compenser les manquements d’ELECAM à ses obligations légales. Pourtant, la publication d'une liste nationale des électeurs n'est pas un luxe ni un caprice politique : c'est une exigence légale fondamentale pour garantir la transparence électorale. En demandant à chaque citoyen de se rendre dans son antenne communale ou son ambassade pour vérifier son inscription, vous normalisez le fait qu’ELECAM n’assume pas ses responsabilités. Cela revient à déresponsabiliser une institution étatique, dotée de ressources conséquentes, pour transférer cette responsabilité sur les citoyens. Est-il logique ou juste que ceux qui subissent déjà les dysfonctionnements du système soient également chargés de les compenser ?
Vous évoquez insidieusement le Sénégal de 2024 comme exemple, mais oubliez de préciser que ce pays dispose d’institutions électorales plus ou moins crédibles et de mécanismes permettant une alternance effective. Là-bas, l’engagement citoyen a trouvé un écho dans des structures qui, bien qu'imparfaites, ont montré une volonté d'équité. Or, au Cameroun, nous sommes confrontés à un système où les institutions, notamment ELECAM et le Conseil constitutionnel, sont instrumentalisées au service du régime en place. Cela signifie que même si chaque Camerounais vérifie son inscription et vote, l'opacité du processus persistera, alimentée par des fraudes massives qui ne relèvent pas de l’action individuelle.
Votre "processus simple" – s'inscrire, vérifier, voter et surveiller – est une vision que nous partageons tous. Mais elle ne peut suffire ou se suffire dans un environnement politique verrouillé, où les institutions censées garantir la transparence sont elles-mêmes captives d'intérêts partisanes.
Enfin, vous insistez sur l’idée que "le changement est une action personnelle". C’est une vérité partielle. Le changement, surtout dans un État où le système institutionnel est dévoyé, ne peut pas être réduit à un simple effort individuel. C’est avant tout une question de lutte collective et de réformes structurelles. Vos propos, en prétendant valoriser l’engagement citoyen, sont de nature à détourner l'attention des responsabilités d'ELECAM et du Conseil constitutionnel, qui sont les véritables fossoyeurs de notre démocratie.
Par ailleurs, Monsieur Libii, c'est bien d'appeler à des actions individuelles. Mais où sont vos propres initiatives ? Où sont vos campagnes de mobilisation, vous qui avez accès à des tribunes que la plupart des citoyens n'ont pas ? Vous prônez un changement basé sur ''l'engagement personnel'', mais vous semblez oublier que vous, plus que quiconque, avez une responsabilité institutionnelle à assumer. Pourtant, vous avez choisi de vous faites sur les véritables causes des blocages électoraux, préférant jouer les moralisateurs à peu de frais.
Du reste, votre appel bien que nécessaire, ne saurait masquer l'urgence de réformes structurelles ni l'exigence d'une critique frontale des institutions défaillantes. Le peuple camerounais n’a pas besoin de leçons faciles, mais d’actes courageux et d’un leadership qui défie réellement les obstacles systémiques. À défaut, votre discours restera un exercice de rhétorique creuse, incapable d’éveiller l’espoir d’un véritable changement".