Tout se passait à l’hôtel Hilton de Yaoundé. Orgies, séminaires, extorsions d’argent et rémunérations. Jusqu’à ce que la Cobac attire l’attention.
Une faune bigarrée de Blancs et de Noirs peuple le Hilton Hotel de Yaoundé. Il s’agit de gens bizarres, généralement tirés à quatre épingles qui disent chercher à obtenir une audience auprès des hautes autorités pour présenter un projet d’investissement. Ce sont des promoteurs de Leadership Academy, un établissement financier s’étant établi au Cameroun en 1998.
Collectant l’épargne des Camerounais, ses dirigeants disaient devoir la rémunérer 35% plus cher. Attirés par ces propositions financières alléchantes, beaucoup de Camerounais y ont vu la possibilité d’ouvrir un compte en Suisse. Ainsi, entre octobre 1998 et octobre 2000, ils y déposèrent près de cinq milliards de Fcfa.
LIRE AUSSI:Affaire MIDA: une arnaque à grande échelle à coups de milliards [VIDEO]
Lors de son installation au Cameroun, la banque en question, Leadership Academy S.A., avait décrit ainsi sa mission: «former des hommes d’affaires de très haut niveau au management et aux finances internationales»; être un intermédiaire financier entre les hommes d’affaires du Cameroun et une banque suisse (appelée fictivement la Banque privée du millénaire); diminuer la pauvreté et le chômage au Cameroun. Les directeurs étaient Jean René Ndouma Fils et Bouloulna Djonkissam, Camerounais, mais formés en Allemagne. Ils organisaient des séminaires et des conférences et faisaient des dons à certains hôpitaux à travers le pays.
Commission bancaire
Au Cameroun, les transactions financières de ce genre sont contrôlées par le gouvernement. Pour éviter d’être prise au piège, Leadership Academy s’adressa au ministère de l’Economie et des Finances (Minefi) pour obtenir l’autorisation appropriée. Après un examen soigné du dossier, le ministère transmit la requête à la Commission bancaire de l’Afrique centrale (Cobac) pour son expertise. Cette instance centrale supervise toutes les banques de la région d’Afrique centrale qui utilisent le Fcfa comme monnaie commune. Elle refusa l’autorisation.
Raison: la soi-disant banque privée du millénaire était enregistrée en Suisse. Elle était techniquement une «banque étrangère» et les Camerounais n’avaient pas le droit d’y ouvrir des comptes. Les lois camerounaises interdisant aux citoyens de placer leurs épargnes dans des banques étrangères, si ce n’est par l’intermédiaire d’établissements financiers locaux autorisés au transfert d’argent à l’étranger. Cette autorisation est donnée par le Minefi. Et c’est là que Leadership Academy, dûment établie au Cameroun, a vu sa chance.
LIRE AUSSI: MIDA: des souscripteurs dans une lettre à Biya rejette la thèse d'escroquerie
Durant les mois d’août et de septembre 2000, le Minefi fit savoir qu’il interdisait toutes les activités de Leadership Academy et tous les établissements financiers légaux reçurent l’avertissement d’arrêter toute transaction avec elle. Mais, aussi étrange que cela ait pu paraître, Leadership Academy déclara qu’elle ne pouvait informer la Banque privée du millénaire des décisions du gouvernement.
Voyant que Leadership Academy et la Banque privée du millénaire continuaient à opérer illégalement, malgré l’interdiction. Le ministre de l’Economie et des Finances, Edouard Akame Mfoumou, demanda aux Camerounais de respecter sa décision. Ce rappel à l’ordre causa des «malentendus» entre les deux directeurs, qui s’accusèrent mutuellement de mauvaise gestion.
Le 26 août 2000 Bouloulna était suspendu et interdit de signer des documents au nom de Leadership Academy. Il sera finalement relevé de ses fonctions le 06 septembre 2000. Bouloulna intenta alors un procès à Leadership Academy, revendiquant des dommages importants pour son licenciement. Le 13 octobre 2000, le président du tribunal de première instance à Yaoundé, M. Yap Abdou, désignait l’ancien président du Conseil du barreau du Cameroun, Me Akere Muna, comme administrateur intérimaire de Leadership Academy.