Yaoundé : il fabrique des faux documents en face du centre des impôts de Tsinga

Il m’a donc particulièrement annoncé que ma non redevance se périme le 25 avril 2023

Tue, 13 Jun 2023 Source: Oeil du Sahel du 12 juin 2023

A première vue, rien ne dit qu’il s’agit de faux documents. Mais il a fallu compter sur la clairvoyance des éléments du Peloton routier motorisé de la gendarmerie de Ngaoundéré, pour traquer des attestations de non redevance falsifiées. Et c’est dans un secrétariat informatique sis en face du centre des Impôts de Tsinga à Yaoundé, qu’elles sont produites. «Nous avons un parc à Tsinga et ce monsieur a son secrétariat tout près, en face des impôts. On le voyait toujours avec les gens des impôts. C’est comme ça qu’il est venu se présenter à nous, disant que si nous ne payons pas avant le 25 avril 2023, on va nous couper la ligne. Nous n’en savions rien et nous lui avons présenté, chacun, son attestation pour savoir à quel moment elle se périme.

Il m’a donc particulièrement annoncé que ma non redevance se périme le 25 avril 2023», témoigne Hamadou Tidjani, une victime. «Avant cette date, on m’a demandé d’aller charger une cargaison de documents pour les Enseignements secondaires. Je me suis rappelé que mon attestation de non redevance va se périmer. Je suis allé le voir et lui ai remis mon attestation de non redevance. Il m’a demandé de lui donner 10 000 FCfa pour ma déclaration, 50 000 FCFa pour ma patente et 2000 FCfa pour tirer. Soit un total de 62 000 FCfa. Je lui ai fait état de l’urgence, eu égard au fait qu’il fallait convoyer le matériel du ministère. Il m’a demandé de remettre l’argent à sa secrétaire, je l’ai fait», poursuit Hamadou Tijani. Mais deux jours plus tard, le chauffeur de Hamadou Tidjani n’avait toujours pas reçu l’attestation de non redevance.

Quand sieur Hamadou Tidjani s’en va revoir Patrick Tchoutat Tebit, ce dernier lui dit de patienter, question d’aller rapidement aux impôts. Chose faite, le chauffeur récupère l’attestation de non redevance et fait son aller et retour YaoundéMaroua sans souci.

SOUCIS TECHNIQUES

Puis, il y a un deuxième voyage à faire pour acheminer toujours les documents de Yaoundé à Maroua. Cette fois, c’est Hamadou Tidjani, luimême, du fait d’un contretemps de son chauffeur, qui prend la route. Après plusieurs soucis techniques avec son camion, il finit par arriver à Ngaoundéré. Il est au contrôle à l’entrée de la ville vers 17h30. «J’étais fatigué et j’ai remis le dossier à mon assistant pour présenter à la brigade routière. Je me rends compte qu’il dure et je descends moi-même. Je voulais me fâcher contre le gendarme, mais il était très posé. Il m’a laissé parler et m’a expliqué que ma non redevance est fausse. J’étais scandalisé et il m’a montré que quand on tape mon numéro de contribuable, ce n’est pas mon nom qui sort, mais celui d’une société qui s’affiche», relate-t-il.

Hamadou Tidjani justifie ne s’être douté de rien, compte tenu du fait que le sieur Tchoutat lui a demandé le même montant que le déclarant des impôts prend habituellement. En sus, il est convaincu que son «facilitateur» est en parfaite liaison avec les agents des Impôts, puisqu’ils sont ensemble quotidiennement. Sur autorisation du procureur de la république de Ngaoundéré, Patrick Tchoutat Tebit, qui nie tout en bloc, est appréhendé à Yaoundé, puis ramené à Ngaoundéré pour les faits de faux et usage de faux qui lui sont reprochés. «On est venu me chercher à Yaoundé, disant que le camion d’un papa a été arrêté parce qu’il avait une fausse attestation de non redevance. Moi j’ai ouvert un secrétariat à Yaoundé, ça fait 16 ans. Je suis un réparateur de machines, de photocopieuses, d’imprimantes. Je ne connais même pas faire la saisie sur la machine. J’ai recruté des filles qui travaillent», confie Patrick Tchoutat Tebit.

Lequel semble même ne pas savoir de quoi il est question, rejette implicitement la responsabilité de ces actes sur ses employés. Il ne reconnait également pas avoir fait une campagne auprès des camionneurs, encore moins leur avoir pris de l’argent. Il ne sait même pas comment les documents des impôts se sont retrouvés dans ses machines. Et pourtant, de fausses attestations ont été délivrées et sont en circulation, et la «victime» reconnaît clairement son fournisseur.

Source: Oeil du Sahel du 12 juin 2023