Yaoundé: les langues se délient après la libération Paul Ayah

Paul Ayah4 Paul Ayah et 54 autres détenus anglophones ont été libérés

Mon, 4 Sep 2017 Source: --

Choses vues et entendues au quartier Obili après la décision présidentielle de libérer les leaders de la revendication.

Qui dit Obili, dans le deuxième arrondissement de Yaoundé, dit nette concentration des Camerounais originaire du Nord-ouest et du Sud-ouest, les deux régions anglophones du pays. Ce 1er septembre 2017, c’est un peu comme s’il régnait sur le quartier un parfum de coming out inédit.

Actualité oblige, un groupe de jeunes ne s'est pas privé d’improviser, sur la place publique, un débat sur l'arrêt des poursuites contre une cinquantaine de leaders et activistes anglophones. L’ambiance est dominée par des émotions visibles, une prolifération de signes naturels de satisfaction. «Nous sommes contents de cet acte du chef de l’Etat ! C’est un élément qui contribue à faire avancer la solution politique à la crise dans les régions du Nord-ouest et du Sud-ouest», avance joyeusement Jude Akem. Si le raisonnement de cet élève-professeur de mathématiques est approuvé par ses amis, c’est que le décret signé par Paul Biya se présente comme une sorte de séquence résolutive, un apaisement qui clôt une succession d’événements douloureux.

Dans son téléphone, un message s’affiche. Ecrit par un ami basé à Mundemba (Sud-ouest), il s’articule autour du même registre. «Dans les moments difficiles, il faut savoir trouver l’apaisement dans le long fleuve de l’Histoire», lit-on. Ici, le passé est un mausolée à ciel ouvert ici. À cet égard, tous saluent un exemple de pragmatisme politique caractérisé par un compromis. Pour John Akondang, un vendeur de pièces automobiles, ce détail est nodal et décisif dans les avancées vers la résolution de la crise anglophone.

«Apaisement»

Le mot a bonne presse. Ce qu’il propose fait consensus parmi les uns et les autres rencontrés dans les méandres du quartier. Fideluis Mba Arrey, 49 ans, très connu ici pour ses discours extrémistes, refuse de restituer les culpabilités. «Avec la libération des leaders, il n’y a ni gagnant, ni perdant. Je pense que cela a pour seul objectif de faire avancer les négociations, coûte que coûte, et de ne perdre le contact avec aucun des interlocuteurs», dit-il. A l’en croire, le passé est désormais un mausolée à ciel ouvert.

Et il l’exprime à travers un déploiement exhaustif des termes: «soulagement, embellie, paix, calme, dialogue». Autour de ce dernier, Fideluis Mba Arrey construit déjà un agenda. «Avec ce que le président vient de décider, nous pourrons aborder les débats qui agitent les régions anglophones, dans un esprit de dialogue, notamment sur les textes du gouvernement pour les enrichir, les soutenir ou les infléchir». «Là, poursuit-il, nous éviterons que le pays se fractionne encore plus, laissant la voie libre au chaos». «Nous invitons donc tous les Anglophones (...) à rejoindre cette démarche d'apaisement et de dépassement.

La division n'est pas la solution, le dialogue est la meilleure option, la meilleure sortie de crise, pour pouvoir continuer à orienter le réel dans le sens de nos valeurs», conclut Fideluis Mba Arrey. Dans un restaurant, au nord du quartier, les mots d’une dame sont utiles pour comprendre que l'arrêt des poursuites contre certains «gros bonnets» (Ayah Paul Abine, Balla Kongo et Fontem Neba notamment) contribue à la mise en sourdine de quelques questions explosives.

Selon celle qui est présentée ici comme «Miss Professor» (en écho à sa carrière professionnelle), «Paul Biya a compris qu’entre ne rien faire ou tout défaire, la seule voie est de faire ce qu’il faut faire, c’est-à-dire éteindre le feu à temps afin de reduire des divergences !».

Tout à côté, revendiquant des origines de Nkambé (Nord-ouest), un homme décrypte l’article 14 alinéa 3 du code de justice militaire du Cameroun. Si le texte sous ses yeux stipule que «l’arrêt des poursuites n’empêche pas leur reprise lorsque celles-ci s’avèrent nécessaires ou lorsque surviennent des éléments nouveaux tels que définis par le code de procédure pénale», notre interlocuteur estime que le texte présidentiel du 30 août dernier ne peut donner lieu à des lectures diverses ou à de nouvelles controverses.

Selon lui, ce décret doit être investi d’une signification inédite: «la partie de bras de fer est terminée ; on peut continuer avec l’idée d’obtenir quelque chose en plus, mais la remise en liberté des leaders anglophones est un tournant décisif».

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