Médiapart traduit en justice par une entreprise camerounaise

Justice Tribunal Cameroun Le procès de Socapalm contre Mediapart s'ouvre ce jeudi à Paris

Thu, 25 Jan 2018 Source: journalducameroun.com

Il est reproché à Mediapart, L’Obs, Le Point… des articles sur des manifestations des populations riveraines des exploitations de la Socapalm contre la Société camerounaise des palmeraies.

Le procès de la Société camerounaise de palmeraies (Socapalm) via la holding luxembourgeoise Socfin contre Mediapart, l’Obs et Le Point s’ouvre ce jeudi, 25 janvier, à la 17e chambre du Tribunal de grande instance de Paris. Ces médias sont poursuivis pour avoir diffusé des reportages sur les manifestations de villageois et d’agriculteurs contre la Socapalm qu’ils accusent d’avoir accaparé leurs terres.

Les reportages querellés mettaient en exergue des tensions entre les riverains des plantations de la Socapalm et l’entreprise. L’Alliance des paysans riverains de Socapalm, qui compte des milliers de paysans de nationalité camerounaise, sierra léonaise, ivoirienne et libérienne, accusait cette entreprise de ne pas respecter les limites établies entre ses palmeraies et les leurs. Leurs griefs remontent à plus d’une dizaine d’années.

Des soulèvements ont souvent eu lieu, notamment en novembre 2016, dans les plantations de palmiers et d’hévéas de la Société africaine forestière agricole du Cameroun (Safacam), de la Socapalm et de la Société financière des caoutchoucs (Socfin) respectivement à Dizangué et Dibombari (Littoral) et Kienké (Sud).

Les riverains qui réclament de meilleures conditions de vie avaient alors empêché le ramassage des travailleurs, afin de paralyser le travail sur les plantations, tandis que les représentants des communautés des villages voisins avaient marché jusqu’aux préfectures concernées afin de dénoncer le blocage du dialogue entamé avec la Socfin sur les conditions de vie des travailleurs.

La Socfin – une entreprise spécialisée dans le développement et la gestion des plantations de palmiers et d’hévéa – méconnaît toute implication dans l’accaparement des terres. Dans un communiqué publié mercredi sur son site, la holding explique : « En ce qui concerne l’accaparement de terres, en particulier au Cameroun, ce type de pratiques est totalement étranger au groupe.

En effet, le Groupe Socfin / Socapalm n’est pas propriétaire des terres cultivées qui appartiennent au gouvernement camerounais, la Socapalm loue ces terres. D’autre part, sur les 58 063 hectares que loue la Socapalm, seuls 36 153 hectares sont exploités. L’accusation de vol de 40 000 hectares et d’accaparement de terres au détriment de 6 000 cultivateurs est donc totalement absurde et contraire à la réalité. Une enquête un peu sérieuse aurait permis de s’en rendre compte. Un certain nombre de personnes témoigneront lors du procès dans ce sens».

Cette déclaration a été publiée pour annoncer l’audience de ce jour. Elle survient en opposition avec les explications du français Bolloré (dont les participations dans l’actionnariat étaient de 14% en 2014), qui avait soutenu qu’un plan d’action de nature à apporter des solutions adéquates pour les travailleurs et les populations riveraines de la Socapalm avait été mis en place en 2013 ; et qu’une rencontre avec l’alliance des paysans riverains de Socfin avait été tenue en octobre 2014.

En France, un collectif de journalistes et d’organes de presse, d’Ong et de sociétés de rédacteurs s’est mobilisé contre les multiples procès en diffamation initiés par le groupe Bolloré. Ils croient que Vincent Bolloré est le principal investigateur de ces procédures, même s’il n’est pas le gestionnaire des exploitations impliqué dans le problème évoqué.

Ils dénoncent des « poursuites-bâillons ». « Le procès de demain marque une nouvelle étape dans les poursuites judiciaires lancées par le magnat breton et ses partenaires contre des médias, des organisations non gouvernementales ou des journalistes, qui ont évoqué les coulisses de ses activités économiques et commerciales en Afrique, ses liens avec la holding luxembourgeoise Socfin et les conséquences des acquisitions de terre à grande échelle », indiquait un communiqué du collectif publié mercredi.

Pour la Socfin il n’est pas question de museler la presse. « Il ne s’agit pas, dans ces poursuites, de remettre en cause la liberté de la presse, ni même de remettre en cause le droit de critiquer l’entreprise. En revanche, le Groupe Socfin n’accepte pas que des informations inexactes, issues d’enquêtes partiales, soient relayées à son encontre. Preuve de sa bonne foi, il ne demande, dans le cadre de ces poursuites, que le paiement d’un euro symbolique et la publication du jugement rétablissant la vérité », affirme la structure.

Deux organisations non gouvernementales sont également poursuivies dans le cadre de ce même procès. Il s’agit de React et Sherpa.

Source: journalducameroun.com