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« Je vendais de la drogue à 11 ans, pourquoi personne ne m’a sauvé ? »

« Je vendais de la drogue à 11 ans, pourquoi personne ne m’a sauvé ? »

Thu, 8 Dec 2022 Source: www.bbc.com

Chaque semaine, des enfants parcourent le Royaume-Uni dans des bus et des trains, transportant de la drogue.  Ils travaillent pour des gangs criminels.

La BBC a passé des mois avec une organisation qui cherche à aider les enfants qui risquent de sombrer dans des réseaux de trafic de drogue.

Trois jeunes ont accepté de raconter leur vécu au sein de ces réseaux criminels.

Nicole : « Personne ne m’a demandé pourquoi je n’étais pas à l’école »

« J’ai vu beaucoup de choses », déclare Nicole, qui a été recrutée par un gang de trafiquants de drogue alors qu’elle n’avait que 11 ans.

« J’ai vu des gens se faire poignarder à cause d’une petite dispute. A cause d’une modique somme 20 livres par exemple », déclare-t-elle.

Avant de rejoindre le gang, elle dormait sur un matelas à même le sol et prenait sa douche à l’école quand l’occasion se présenter. « Ils savent où vous êtes mais vous ne pouvez pas les localiser », déclare Nicole, maintenant âgée de 18 ans.

Le gang lui a promis un lit, de nouveaux vêtements et de l’aider à payer ses factures.

Elle a reconnu qu’elle voyait ses nouveaux amies avec « de belles chaussures, de beaux vêtements et du maquillage » elle était devenue très jalouse. « J’en étais au point où je ferai n’importe quoi pour ressembler à mes amis », ajoute-t-elle.

Nicole transportait de la drogue de Newcastle, dans le nord de l’Angleterre, à travers le pays. « J’avais une adresse, une date, une heure et un billet de train », déclare-t-elle.

Malheureusement, le gang n’a pas tenu à ses promesses. « Je n’ai jamais eu de lit ni de nouveaux vêtements. » Au lieu de cela, on m’a fait entrer dans un monde de violence dans lequel les enfants sont victimes d’abus. « J’étais tellement naïve », dit-elle.

Lors d’un voyage dans le sud du pays, loin de Londres, la jeune femme se souvient qu’elle pleurait dans les toilettes de chaque station où elle s’arrêtait.

« Quand je suis arrivée sur place, ce qui était prévu ne s’est pas produit », affirme-t-elle. « J’ai dû faire beaucoup de choses que je ne voulais pas faire pour sortir vivante de  cette situation. Si je n’avais pas coopéré, c’est-à-dire accepter de subir des violences sexuelles, physique et mentale, je ne pense pas que je serais ici aujourd’hui. »

La violence dont elle a été témoin l’a maintenue dans le gang « si je ne faisais pas ce qu’on me disait, je j’en subissais les conséquences. »

À ce jour, la jeune fille ne comprend pas pourquoi personne ne s’est inquiétée de son sort. Pourtant on la voyait seule parcourir le pays en train et en bus. Elle ratait les cours.

"Personne ne s’inquiétait pour moi. On ne me demandait pas pourquoi je n’étais pas à l’école. Ils ne m’ont pas demandé pourquoi je n’étais pas avec ma mère ou mon père. C’est ce qui m’affecte le plus  », déclare-t-elle. « Pourquoi personne n’est-il intervenu?"

Après 2 ans de violence, d’abus, de peur et de promesses non tenues, Nicole a saisi l’occasion de s’échapper.

Une enseignante qui lui permettait de prendre ses douches à l’école et payait ses repas après les cours lui tendit la main.

Un jour, à l’âge de 13 ans, Nicole s’est ouverte à l’éducatrice. Elle venait de faire une fausse couche.

"Elle l’a remarqué et m’a emmené à l’hôpital. J’en avais assez. J’avais atteint la limite », affirme-t-elle. « J’ai déjà trouvé quelqu’un en qui j’ai confiance. Elle s’inquiète pour moi. »

5 ans après son évasion, Nicole étudie à l’université afin de s’offrir une vie meilleure. Elle espère avoir une maison et fonder une famille. Elle veut comme partenaire un homme digne de confiance sur qui elle peut compter.

Elle veut aussi redonner de l’espoir aux jeunes de son qui sont exploités par des réseaux criminels.

« Je vais vous dire une chose, peut importe à quel point vous avez peur, vous ne devez pas baisser les bras. Vous trouverez forcement une issue de secours ».

« Si vous êtes toujours vivant, c’est parce que il y a des jours meilleurs qui vous attendent », ajoute-t-elle.

Sarah : « Je ne peux pas protéger mes enfants"

Sarah est un nom d’emprunt. Elle espère que son fils adolescent et son autre enfant parviendront à se libérer des réseaux de trafic de drogue. Rien que cette année, il a fugué plus de 50 fois et pour l’instant, elle n’a aucune idée de l’endroit où il se trouve.

« Il est constamment hors de contrôle, il fugue pendant des semaines »

« Il pense tout le temps à lui. S’il est mort ou vivant ? Avec qui est-il ? Est-ce qu’il se nourrit?

Quand ses autres enfants lui demandent où est parti leur frère , elle ne sait pas quoi répondre.

« C’est mon fils et je ne peux pas le protéger s’il n’est pas là», a-t-elle déclaré.

«Je me suis engagée à protéger mes enfants et de les aimer. Mais avec lui ce n’est pas possible. » déplore-t-elle.

Sarah a déclaré qu’il y a environ un an, son fils, maintenant âgé de 16 ans, était dans un gangs de drogue dans la région.

J’avais remarqué que mon fils a changé. Le garçon a commencé à fréquenter des gangs dont les membres se masquent, tous vêtus de noir. Il a également changé la musique qu’il écoutait.

 « Il a commencé à prendre ses distances et à se disputer avec tout le monde. Il s’est refermé sur lui-même », explique sa mère.

Aujourd’hui, Sarah pense que son fils est toujours vulnérable.

« C’est un enfant traumatisé », dit-elle. « Je le connais, il a beaucoup changé, mais parfois, il vient nous serrer dans ses bras sans raison. Je sais qu’il a peur.»

Avec l’aide de travailleurs d’Edge North East, un groupe britannique spécialisé dans l’orientation des enfants pris dans des situations de violence grave, elle espère trouver une issue pour son fils.

Cependant, pour l’instant, son autre garçon est toujours porté disparu.

Andy : « Aucun enfant sera abandonné »

« Je suis pris dans ce piège. Je ne sais pas comment rentrer à la maison, pourriez-vous me ramener à la maison? » C’est le genre d’appels qu’Andy et l’équipe Edge North East reçoivent.

Une nuit, lui et un collègue ont fait un voyage de 10 heures à travers le Royaume-Uni après après un appel de détresse. « Sans réfléchir, nous sommes montés dans la voiture, et sommes allés les chercher », déclare-t-il.

Andy  a un physique imposant. Il a beaucoup de tatouages. Il conduit sa Harley-Davidson à travers Newcastle, essayant de gagner la confiance des jeunes « désorientés».

« Tous les jeunes qui s’engagent dans la vente de drogue vont être victimes de violence, à un moment donné », déclare-t-il, ajoutant: « Ils vont être battus, poignardés. C’est absolument horrible d’y penser, pour être honnête. »

Edge North East cible  des jeunes qui risquent d’intégrer les gangs de drogue au Royaume-Uni.

"Il y a des années, il ne leur venait pas à l’esprit (les trafiquants de drogue) d’utiliser un enfant pour faire du trafic de drogue. Mais maintenant, ils c’est le cadet de leurs soucis , tant qu’ils peuvent se remplir les poches avec de l’argent, ils ne se soucient plus de rien », a déploré le militant.

Il a déploré que trop souvent les gens jugent négativement le comportement des enfants dealers, sans chercher à savoir les raisons qui les motivent. « J’aimerais que certaines personnes soient plus indulgentes. Dans ce cas, les choses pourraient être différentes », a-t-il déclaré.

« Ce sont des jeunes perdus. Il y a toujours une raison qui les poussent à agir de la sorte.»

« Des vies sont en train d’être changées », a-t-il dit. « Aucun enfant ne devrait être rejeté. »

Source: www.bbc.com