Quelle est la gravité des attaques russes contre les barrages ukrainiens ?

L'Ukraine a accusé les forces russes d'avoir fait sauter un important barrage dans la région de Kherson, dans le sud du pays. Les autorités russes ont à leur tour accusé l'Ukraine d'avoir bombardé le barrage.

Des milliers de personnes vivant en aval du barrage de Kakhovka pourraient être menacées d'inondation.

Bien que nous ne puissions pas encore établir ce qui est arrivé au barrage, des rapports antérieurs font état d'attaques délibérées contre ce barrage et d'autres ailleurs en Ukraine.

Où se trouve le barrage de Kakhovka et quelle est son importance ?

Le barrage de Kakhovka, sur la rivière Dnipro, contient une grande centrale hydroélectrique. Les forces russes en ont pris le contrôle lorsqu'elles ont occupé la région de Kherson au début de la guerre.

Des photographies montrent une énorme brèche dans le barrage.

En aval du barrage se trouve la ville de Kherson, et les autorités locales affirment que l'eau qui s'écoule par la brèche dans le barrage met en danger au moins 16 000 personnes vivant dans la ville et ses environs. De nombreuses personnes ont été évacuées.

La ville ukrainienne de Nova Kakhovka, contrôlée par la Russie, a subi des inondations, selon l'agence de presse publique russe Tass.

En amont du barrage se trouve le réservoir de Kakhovka, qui fournit l'eau nécessaire au refroidissement des réacteurs de la centrale nucléaire de Zaporizhzhia (aujourd'hui aux mains des Russes).

La crainte est que si trop d'eau s'écoule du réservoir par le barrage endommagé, il n'en restera plus assez pour servir de liquide de refroidissement à la centrale.

L'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA), l'organe de surveillance nucléaire des Nations unies, a déclaré qu'elle surveillait la situation, mais qu'il n'y avait "pas de risque immédiat pour la sécurité nucléaire".

Le réservoir de Kakhovka fournit également de l'eau douce à la Crimée par l'intermédiaire d'un canal, qui pourrait également s'assécher.

Le gouvernement ukrainien a accusé les forces russes d'avoir fait sauter le barrage.

Toutefois, un responsable local nommé par la Russie a déclaré que seule la moitié supérieure de la centrale électrique du barrage avait été endommagée, et ce à la suite de tirs d'obus.

Combien de barrages l'Ukraine possède-t-elle ?

À l'époque soviétique, les ingénieurs ont construit une série de six barrages le long de la partie ukrainienne du fleuve Dnipro, qui s'étend de sa frontière avec le Belarus à 680 miles (1 095 km) au sud jusqu'à la mer.

Le barrage de Kakhovka est le dernier de la chaîne.

Entre les barrages, ils ont transformé le fleuve en une série d'immenses réservoirs destinés à fournir de l'eau aux ménages et à l'industrie, ainsi qu'à irriguer les terres agricoles.

Chacun des barrages situés le long du Dniepr contient une centrale hydroélectrique qui produit de l'énergie lorsque l'eau en amont passe à travers des turbines situées dans le mur du barrage.

Il existe des barrages à haute pression sur d'autres rivières et des barrages plus petits à l'entrée de réservoirs ailleurs dans le pays.

Quelles attaques ont été menées contre les barrages ukrainiens par le passé ?

En septembre 2022, le barrage de Karachunivske, près de la ville de Kryvyi Rih, dans le sud de l'Ukraine, a été détruit lors d'une attaque présumée au missile.

Cela a provoqué des inondations généralisées et de nombreuses personnes ont été invitées à évacuer les lieux.

Le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, a imputé cette attaque à la Russie et a déclaré qu'il s'agissait d'une vengeance pour la contre-offensive lancée par les forces ukrainiennes.

Il a qualifié la Russie d'"État terroriste" pour avoir attaqué une cible civile.

En octobre 2022, des attaques de missiles sur les barrages hydroélectriques de Kremenchuk et sur le Dniestr ont été signalées, dans l'ouest du pays, dont l'Ukraine a déclaré que la Russie était responsable.

Le même mois, une attaque présumée de missiles sur Zaporizhzhia n'a pas touché le barrage, mais a endommagé la salle des turbines de la centrale hydroélectrique.

En décembre 2022 et février 2023, la centrale hydroélectrique de Dnipro, près de Zaporizhzhia, aurait été attaquée par des missiles. L'Ukraine a de nouveau accusé la Russie.

"Cela fait partie de la stratégie russe de destruction de la capacité énergétique de l'Ukraine", explique Marina Miron, chercheuse en études de défense au Kings College de Londres.

"Ses centrales hydroélectriques produisaient un peu plus de 6 000 mégawatts. À la suite des attaques contre les centrales hydroélectriques, quelque 2 500 mégawatts de capacité ont disparu."

En mai 2023, Les attaques de missiles russes ont "détruit" le réservoir de Karlivskyi près de Donetsk, dans l'est de l'Ukraine, selon le gouvernement ukrainien.

Cela a provoqué des inondations dans les villages voisins le long de la rivière Vovcha et a nécessité l'évacuation des habitants de leurs maisons.

Dans le passé, la destruction d'un barrage en Ukraine a conduit à une catastrophe.

En août 1941, l'armée soviétique battait rapidement en retraite à travers l'Ukraine face à l'avancée de l'armée allemande.

Les commandants de l'armée ont décidé de détruire les ponts et le barrage de Zaporizhzhia pour empêcher l'ennemi de traverser le Dniepr.

Les civils n'ont pas été prévenus et les historiens estiment qu'au moins 3 000 personnes ont été tuées.

L'attaque des barrages constitue-t-elle un crime de guerre ?

Les barrages sont des infrastructures civiles et ne sont généralement pas des cibles militaires valables, explique le professeur Tracey German, du département des études de défense du Kings College de Londres.

"Dans le cadre du droit des conflits armés, supposons qu'une unité militaire ukrainienne soit basée autour d'un barrage. La Russie pourrait alors la considérer comme une cible militaire. Mais pour autant que je sache, cela n'a pas été le cas".

"Mark Ellis, directeur exécutif de l'International Bar Association, ajoute : "Une attaque contre une cible civile telle qu'un barrage doit répondre à une nécessité militaire.

"Mais si l'avantage militaire obtenu est faible et que les dommages causés aux civils sont catastrophiques, il s'agit alors d'une violation du droit international.