Ferdinand Ngoh Ngoh, SG de la présidence
Certainement sur les pays de Biya, Ferdinand Ngoh Ngoh est l'illustration parfaite de ce que disait le président il y a quelques années devant des micros de journalistes français:" ne dure pas au pouvoir qui veut, mais qui peut".
Dans une tribune, le journaliste Parfait Siki Akono mentionne l'incroyable longévité de Ferdinand Ngoh Ngoh au poste de SGPR. Il aura fait 14 ans à ce poste, alors que tous ses prédécesseurs ont fait moins de 5 ans.
"Ce sont vos adversaires qui vous rendent généralement le meilleur hommage. Ferdinand Ngoh Ngoh a eu le temps d’accumuler des contempteurs mais ils conviennent au moins sur une réalité : son exceptionnelle longévité à la sensible et névralgique fonction de secrétaire général de la présidence de la République n’est pas le moindre de ses mérites. Aucun de ses quatorze prédécesseurs au poste n’a en effet franchi le cap de cinq ans.
Choisi par Paul Biya après la présidentielle d’octobre 2011, exactement le 9 décembre, Ferdinand Ngoh Ngoh n’avait le profil d’aucun de ses devanciers à leur nomination : ils étaient soit membres du gouvernement soit directeur général d’une entreprise d’Etat, à l’exemple unique de Joseph Zambo (1983-1984), ancien Dg de la CNPS propulsé SGPR, soit gouverneur de province, le cas unique de David Abouem à Tchoyi (1984-1985).
Secrétaire général de ministère des Relations extérieures à sa nomination, Ferdinand Ngoh Ngoh avait as passé un an et quelques mois à ce poste qu’il occupait depuis le 31 août 2010. Avant ce retour au pays, l’expérience de ce diplômé de l’IRIC se limitait à une présence à la mission permanente du Cameroun aux Nations unies en tant que premier conseiller.
Sa nomination est donc déjà une surprise et sa longévité en est une autre, qui montre que l’homme a su porter le costume de la fonction avec la justesse que Paul Biya a tant recherchée. « Peut-être le Président le garde parce qu’il ne redoute rien de lui », dit un observateur. Issu d’une ethnie minoritaire, sans village électoral, Ferdinand Ngoh Ngoh est un SGPR qui fait ce que le Président attend de lui. « S’il est un SGPR combattu, un « tueur », c’est peut-être ce que le président veut en ce moment et c’est ce que Ngoh Ngoh lui apporte », renseigne un ponte du régime.
LA GRISERIE DU POUVOIR SUPRÊME
Une telle attitude de conformité confère en soi un immense pouvoir, assis sur la confiance du Chef dans son plus proche collaborateur et sur les prérogatives statutaires de la fonction la plus convoitée du système polico-administratif camerounais. Paul Biya laisse comprendre à tous les SGPR qu’ils ne sont ni plus ni moins que des « vice-présidents ». De fait, comme l’a confirmé Atangana Mebara, lui-même ancien SGPR et auteur d’un livre référence sur cette fonction, il est difficile d’échapper à la griserie du pouvoir suprême. Les libertés que le chef de l’Etat laisse à son collaborateur sont si importantes qu’il peut rapidement se croire calife à la place du calife. Ferdinand Ngoh Ngoh n’échappe pas à cette drogue du pouvoir, à ce tourbillon de puissance.
Grâce aux avantages et prérogatives de sa fonction, Ferdinand Ngoh Ngoh s’est taillée une stature qui l’installe de facto dans le cercle restreint des successeurs putatifs de Paul Biya. Grâce à un réseau politico-administratif puissant, il a tissé une toile sur l’ensemble du pays, en veillant à placer des hommes et femmes de confiance à des fonctions stratégiques, celles qui confèrent les ressources financières et la puissance, éléments essentiels pour conquérir ou garder le pouvoir. Un tel maillage n’est pas fortuit, il cache mal une certaine préparation.
LA PERCEPTION DU POUVOIR
Le samedi 15 février 2025, Ferdinand Ngoh Ngoh, missionné par le chef de l’Etat, se rend à bord d’un hélicoptère à Kousséri dans le Logone et Chari, Région de l’Extrême-Nord. Le secrétaire général de la présidence de la République sort du cocon du palais de l’Unité pour le terrain. Et c’est alors que se produit le choc, le contraste entre la puissance du bureau et celle de la réalité. Aussi puissant soit-il, il est contraint à ne pas redécoller de Kousseri sans avoir entendu les doléances des populations. Les mots sont durs contre lui, sa fonction ne le protège pas. Peut-être se rend-il compte de sa fragilité politique : face à lui se dressent des militants du RDPC, son propre parti, mais il n’a aucun prise sur eux.
Le pauvre gouverneur de l’Extrême-Nord Midjiyawa Bakari est bien seul à essayer de le défendre. Les éléments du BIR qui l’accompagnent ne lui sont d’aucun secours, car personne n’attente à sa sécurité ou à sa vie. Ses interlocuteurs le mettent juste en demeure : « Vous vous en allez, nous démissionnons tous du RDPC », dit l’un d’entre eux. Les images ont fait le tour du pays à travers les réseaux, elles sont d’une implacabilité inédite.
Ferdinand Ngoh Ngoh va donc passer la nuit à Kousseri avant de poursuivre sa tournée dans une Région de l’Extrême-Nord sinistrée par des inondations et orpheline du pouvoir de Yaoundé qu’elle accuse d’abandon. L’exercice de confrontation populaire imposée à Ferdinand Ngoh Ngoh lui a sans doute fait comprendre qu’il est sans doute le plus puissant SGPR à avoir occupé le poste, mais cette longévité, il s’en est rendu compte, ne lui confère aucune légitimité populaire. Il ne pourrait pas en être autrement: il n’est pas un élu, il appartient à une ethnie minoritaire de Minta, dans la Haute-Sanaga, Région du Centre. Il ne peut donc compter le moment venu sur le vote communautaire face à des grands groupes ethniques.
UN OVNI DOTÉ D’IMMENSES POUVOIRS
Ferdinand Ngoh Ngoh n’est pas sûr de pouvoir compter sur le RDPC, parti au pouvoir, qui ne lui doit rien. Ses dignitaires se méfient de cet OVNI doté d’immenses pouvoirs mais qui n’a pas réussi à devenir l’un d’entre eux. Le parti au pouvoir, malgré son apparente nonchalance, est un acteur central dans la conquête et la préservation du pouvoir suprême. Son réseau de militants est le plus étendu, son contrôle sur les forces vives du pays est incontestable. Ce parti a vu beaucoup d’hommes devenir puissants auprès du président de la République, certains le sont restés, d’autres ont été déchus mais le RDPC reste inamovible, d’une assurance quasi-orgueilleuse.
Au sein du gouvernement, s’il a de nombreux ministres qui ne jurent que par Ferdinand Ngoh Ngoh, beaucoup d’autres le maudissent chaque matin. Ils lui reprochent d’avoir considérablement rogné leur pouvoir. En effet, beaucoup de décisions liées aux dépenses budgétaires et aux fonds spéciaux gouvernementaux ont été ramenées au secrétariat général de la présidence de la République. « Il faut demander l’autorisation du SGPR », répondent de nombreux membres du gouvernement sur des dossiers qui relevaient autrefois de leur pouvoir discrétionnaire. Il n’est pas jusqu’au Premier ministre Dion Ngute qui ne nourrisse de l’amertume vis-à-vis de celui qu’il considère comme le vrai chef du Gouvernement. Les dernières missions que le président de la République a confiées à Ferdinand Ngoh Ngoh à l’Extrême-Nord, dans la Lekié et à Douala ne vont pas rassurer le Premier ministre.
Quelques téméraires sont entrés en quasi-rébellion des « hautes instructions présidentielles » transmises par le SGPR mais Ferdinand Ngoh Ngoh semble toujours avoir le dernier mot.
Donc, un parti RDPC non acquis, des camarades politiques méfiants, sans base électorale, Ferdinand Ngoh Ngoh est pour le moment un géant aux pieds d’argile. La puissance conférée par sa fonction n’est qu’un atout mais pas le sésame qui lui ouvrira les portes, du st Graal".