Révélations Jeune Afrique: la Ferme du Sud, domaine présidentiel où les Biya cultivent leur pouvoir

Alors que le Cameroun célébrait le 40e anniversaire du RDPC, un événement discret a révélé les rouages méconnus du pouvoir présidentiel. Chantal Biya a ouvert les portes de la "Ferme du Sud", vaste domaine agro-pastoral privé du couple présidentiel, offrant un rare aperçu de cet empire où se mêlent agriculture, élevage et symbolique politique. C'est ce que Jeune Afrique indique dans un dossier spécial.

Le 24 mars dernier, tandis que les dignitaires du régime rivalisaient de louanges envers Paul Biya, la Première dame orchestrera une visite soigneusement chorégraphiée. Vêtue d'une tenue arborant l'effigie de son époux - comme en période électorale - elle guida un groupe sélectionné à travers ce domaine protégé par la Garde présidentielle. Parmi les privilégiés figuraient des membres de la famille et des proches du cercle du pouvoir, spécialement convoyés depuis Yaoundé pour l'occasion.

Ce complexe agricole, qui s'étend sur des centaines d'hectares autour de la résidence présidentielle de Mvomeka'a, dépasse largement le cadre d'une simple exploitation. Selon nos informations, il comprend une unité avicole ultramoderne, des plantations de palmiers à huile soigneusement alignées sur plus de cent hectares, et un cheptel impressionnant comprenant près de mille têtes de bétail ainsi que des animaux plus inattendus comme des chameaux et des autruches. Une usine de transformation d'ananas complète cet ensemble, dont une partie de la production serait destinée à l'exportation.

L'histoire de cette ferme présidentielle remonte aux années 1980, peu après l'accession de Paul Biya au pouvoir. À l'origine simple exploitation familiale, elle aurait pris son essor grâce aux conseils de Moïse Ayolo, père de l'actuel directeur de cabinet présidentiel. Alors que le pays traversait une grave crise économique dans les années 1990, le chef de l'État aurait progressivement transformé ce modeste domaine en un véritable empire agro-industriel.

Aujourd'hui, la gestion de la Ferme du Sud présente un curieux mélange entre affaire privée et administration d'État. Les nominations de ses directeurs font l'objet de textes officiels publiés au Journal Officiel, tandis que la main-d'œuvre locale, logée sur place dans des conditions précaires, constitue l'un des principaux pourvoyeurs d'emplois de la région.

Cette visite médiatisée intervient dans un contexte politique particulier. Alors que Paul Biya, 92 ans, se fait de plus en plus rare sur la scène publique, Chantal Biya semble ainsi rappeler discrètement l'emprise durable du clan présidentiel sur les rouages économiques et politiques du pays. La Ferme du Sud apparaît dès lors comme bien plus qu'une simple exploitation agricole : le symbole vivant d'un pouvoir qui cultive avec soin son héritage et prépare son avenir.