Le ministre Malachie Manaouda fait face à un nouveau scandale incroyable

Manaouda En Consultation Pénurie de sang

Mon, 21 Apr 2025 Source: Le Zénith n°539 du 21 avril 2025

La situation est d’autant plus inquiétante que le Cameroun peine à atteindre le taux minimal de 10 donneurs pour 1000 habitants recommandé par l’OMS.

Actuellement, le pays compte à peine 4 donneurs pour 1000 habitants, obligeant de nombreux établissements à recourir à des dons familiaux rémunérés, une pratique pourtant reconnue comme à risque. Le Comité national de transfusion sanguine (CNTS) devra fonctionner en 2025 avec une enveloppe budgétaire de seulement 01 milliard de FCFA. Soit moins de 30 FCFA par habitant pour couvrir les besoins d’une population camerounaise de 35 millions de personnes. Ce montant est jugé insuffisant par les experts du secteur. « Dans tous les pays civilisés du monde développé et des pays en développement, le système de transfusion sanguine est fortement subventionné, directement ou indirectement, par l’État », a écrit le professeur Tetanye Ekoe dans une tribune parue dans Cameroon Tribune le 8 avril 2025.

Le professeur Tetanye Ekoe dressait un tableau préoccupant du système de transfusion sanguine au Cameroun. Président du comité de gestion du Centre national de transfusion sanguine (CNTS), il estime que de nombreuses pesanteurs freinent le bon fonctionnement de cette activité vitale, au premier rang desquelles figure l’insuffisance des subventions publiques. À titre de comparaison, le Bénin, dont la population avoisine 13 millions, consacre cette année près de 5 milliards de FCFA à l’Agence nationale de transfusion sanguine. Plus au nord, le Sénégal a carrément instauré la gratuité des produits sanguins grâce à un budget annuel de 7 milliards de FCFA. Ces disparités régionales soulignent le retard pris par le Cameroun dans ce secteur vital de la santé publique.

Pourtant, le pays dispose d’un potentiel humain et technique qui pourrait lui permettre de devenir leader en la matière en Afrique centrale. Les conséquences de ces dysfonctionnements se mesurent en vies humaines. Les statistiques officieuses évoquent que 23% des décès maternels seraient liés à des défauts transfusionnels. L’année 2024 a connu trois alertes épidémiques d’hépatite B post-transfusionnelle dans des hôpitaux de référence. Dans les centres de santé, les patients et leurs familles subissent au quotidien les effets de cette crise. À l’hôpital central de Yaoundé par exemple, le délai d’attente moyen pour obtenir une poche de sang atteint fréquemment 72 heures, mettant en danger des vies dans les services d’urgence et de maternité.

À en croire Tetanye Ekoe, plusieurs pays ont choisi de doter leurs structures de transfusion de moyens budgétaires plus conséquents, conscients de l’enjeu vital qu’elles représentent. Le pédiatre ne cache pas sa déception face au manque de soutien étatique : « Pourtant ce n ’ est pas faute d’avoir crié sur tous les toits de la République que le minimum des subventions du CNTS ne saurait être inférieur à 3,5 milliards de FCFA pour l’année 2025. Même en période de disette, une telle somme s ’ avère négligeable pour sauver tant de vies et prévenir tant de morts évitables, dans les villes comme dans les zones rurales », a- t-il déploré.

Subventions

Conséquence : l’insuffisance des subventions se répercute directement sur le prix des poches de sang. Au Bénin, celui-ci est plafonné à 2 000 FCFA. Au Cameroun, il oscille entre 18 000 et 45 000 FCFA selon les situations d’urgence. Autre différence notable : au Bénin, les malades ne sont pas tenus de présenter des donneurs, le don de sang y étant considéré comme un acte citoyen. Le secteur transfusionnel camerounais souffre particulièrement du nonaboutissement des projets d’envergure. En 2018, un financement de la Banque islamique de développement (BID) avait pourtant laissé entrevoir une perspective d’amélioration. Ce projet ambitieux prévoyait la construction de 6 centres régionaux modernes, la mise en place d’un système informatique national de traçabilité et la formation de 200 techniciens spécialisés, pour un coût total de 15 milliards de FCFA.

Sept ans plus tard, le constat est accablant : aucun centre n’est pleinement opérationnel, les fonds ont été partiellement réaffectés à d’autres postes budgétaires, et du matériel médical d’une valeur de 2,3 milliards de FCFA dort dans des entrepôts à Douala. Ces retards considérables privent les populations d’un accès sécurisé aux produits sanguins, avec des conséquences dramatiques sur la santé publique.

Bataille foncière

La situation du CNTS se complique davantage avec la menace pesant sur son siège social. Le terrain de 5 hectares attribué en 2021 à Warda (Yaoundé) pour accueillir les nouvelles infrastructures fait désormais l’objet d’une âpre bataille administrative. Le projet d’une autoroute urbaine du « Grand Yaoundé », initié en 2023, empiète en effet sur ce site stratégique. Le Pr Tetanye Ekoe dénonce avec véhémence cette situation : « Par une mathématique surprenante, ce site initial et stratégique de Warda est sous la menace, contre toute attente, depuis janvier 2025, d’être délocalisé au quartier Olembe ». Cette incertitude foncière bloque la concrétisation des plans déjà élaborés par un cabinet français d’architecture médicale, retardant d’autant l’amélioration du système transfusionnel national. Pour Tetanye Ekoe, « il suffirait d’un peu de fermeté et de volonté du gouvernement pour changer de manière significative le visage peu reluisant de la transfusion sanguine dans notre pays ».

Il se dit convaincu que cette volonté politique existe, rappelant que le président Paul Biya a lui-même promulgué la loi régissant la transfusion sanguine au Cameroun signé le 12 février 2019. Ledit décret portant organisation et fonctionnement du CNTS le désigne comme opérateur unique en la matière. Malgré ce décret lui en donnant formellement le pouvoir, le CNTS ne parvient à superviser qu’une infime partie des 497 banques de sang recensées sur le territoire national. Les conséquences de cette carence de contrôle sont particulièrement alarmantes. Selon des sources hospitalières concordantes, 37% des poches de sang échappent à tout dépistage systématique du VIH ou des hépatites. Par ailleurs, 56 hôpitaux publics continueraient d’utiliser des méthodes de conservation obsolètes, augmentant les risques pour les receveurs. Cette situation explique en partie la pénurie chronique estimée à 210 000 poches manquantes chaque année, comblée tant bien que mal par des importations informelles aux conditions sanitaires douteuses.

Source: Le Zénith n°539 du 21 avril 2025