À seulement 79 kilomètres de Yaoundé, la capitale du Cameroun, la petite ville de Sa'a vit dans la terreur. Privée d'électricité pendant des semaines, voire des mois entiers, cette localité du département de la Lékié est devenue le théâtre d'une insécurité croissante qui paralyse la vie quotidienne de ses habitants.
"Quand la nuit tombe, c'est l'angoisse qui monte," confie Marie N., commerçante au marché central. L'obscurité totale qui règne dans la ville offre un terrain propice aux activités criminelles. Les agressions au couteau, au tournevis, à la lame et à la machette se multiplient, certaines ayant même lieu à proximité immédiate des forces de l'ordre.
Plus inquiétant encore, l'hôtel des Finances a été récemment cambriolé alors qu'il se trouve à seulement 30 mètres du commissariat de sécurité publique. Même le "quartier fonctionnaire", pourtant situé à proximité de la prison principale de Sa'a, n'est pas épargné par cette vague de violence.
Malgré la présence d'un commissariat de sécurité publique, d'un commissariat spécial et d'une brigade de gendarmerie, les forces de l'ordre semblent impuissantes face à cette situation. Le sous-effectif chronique et l'absence totale de véhicules de service handicapent sérieusement leur action.
"Depuis leur création, nos commissariats n'ont jamais disposé de véhicules," explique un officier sous couvert d'anonymat. La situation s'est aggravée récemment lorsque l'unique pick-up partagé entre les différents services de sécurité est tombé en panne. Des accusations graves circulent concernant l'ancien commandant de brigade, l'adjudant-chef major Raoul Nyangono, qui aurait délibérément saboté le véhicule en y introduisant du sable dans le moteur.
En attendant l'arrivée d'un nouveau commandant, l'adjudant Hina, qui assure l'intérim, est contrainte de se déplacer à moto pour déposer les dossiers judiciaires au palais de justice de Monatélé.
Les principales victimes de cette insécurité galopante sont les femmes et les personnes âgées. La consommation de chanvre et autres stupéfiants rend les agresseurs particulièrement imprévisibles et violents.
"Nous n'osons plus sortir après 18 heures," témoigne Joseph T., un retraité habitant le quartier est de la ville. "Même pour aller chercher des médicaments, nous devons nous organiser en groupe."
L'ironie de la situation est que Sa'a se trouve à proximité du barrage hydroélectrique de Nachtigal, sans pour autant bénéficier d'un approvisionnement électrique stable. Les coupures peuvent durer deux à trois semaines, parfois plus d'un mois.
Face à cette situation, les habitants ont recours à des solutions de fortune : ampoules rechargées à l'énergie solaire pour l'éclairage domestique, groupes électrogènes pour les commerces comme les poissonneries et les menuiseries. Des solutions coûteuses qui pèsent lourdement sur l'économie locale.
Même lorsque l'électricité est rétablie, l'éclairage public reste défaillant, se limitant au centre-ville et laissant les quartiers périphériques dans l'obscurité.
Les habitants de Sa'a lancent un appel urgent aux autorités régionales et nationales pour que des mesures concrètes soient prises face à cette situation alarmante. Ils demandent notamment le renforcement des effectifs des forces de l'ordre, l'attribution de véhicules aux services de sécurité et la mise en place d'un programme d'éclairage public dans l'ensemble de la ville.
En attendant, la peur continue de régner dans cette ville abandonnée à la merci des hors-la-loi, tandis que les lumières de Yaoundé brillent au loin, comme un mirage inaccessible de sécurité et de normalité.