Cameroun-Guinée équatoriale : Une histoire de méfiance frontalière

Teodoro Obiang Nguema Mbasogo Et Paul Biya Image illustrative

Sat, 3 May 2025 Source: www.camerounweb.com

Une enquête de Jeune Afrique révèle comment les récentes expulsions de Camerounais s'inscrivent dans un long historique de tensions frontalières et de craintes sécuritaires entre deux voisins méfiants.

L'expulsion de 231 ressortissants camerounais de Guinée équatoriale le 21 avril dernier n'est que le dernier épisode d'une longue série de tensions entre les deux pays voisins. Une enquête approfondie de Jeune Afrique permet de replacer cet incident dans son contexte historique et géopolitique, révélant un schéma récurrent de crises diplomatiques liées à la frontière commune.

Selon les révélations de Jeune Afrique, les expulsions massives de Camerounais par la Guinée équatoriale ne sont pas un phénomène nouveau. Déjà en 2004 et 2007, des vagues similaires avaient suscité des tensions diplomatiques significatives entre Yaoundé et Malabo, parfois accompagnées de demandes d'indemnisation.

L'enquête de Jeune Afrique rappelle qu'en 2007, près d'un millier de Camerounais avaient été expulsés, souvent accusés d'activités criminelles, sans que ces accusations ne soient étayées par des preuves solides. Plus récemment, quelques mois avant l'élection présidentielle équato-guinéenne de novembre 2022, plusieurs ressortissants camerounais avaient été arrêtés, incarcérés à la prison de Mongomo, puis expulsés. "Quelque 83 avaient été rapatriés", précise Jeune Afrique.

La tentative de coup d'État de 2017, point de bascule

L'enquête exclusive de Jeune Afrique met en lumière un événement crucial qui a profondément marqué les relations entre les deux pays : la tentative de coup d'État de 2017 contre le régime de Teodoro Obiang Nguema Mbasogo, au pouvoir depuis 1979.

Cette tentative, lancée depuis la frontière camerounaise par "des mercenaires venus du Tchad, du Soudan et de la Centrafrique", avait été déjouée grâce à l'intervention des autorités camerounaises qui avaient arrêté 25 personnes. Ces individus avaient été condamnés à des peines allant de trente à trente-cinq ans de prison.

Mais cette coopération n'a pas suffi à dissiper la méfiance de Malabo envers son voisin. Comme le révèle Jeune Afrique, "deux ans après cet épisode, Malabo avait entamé, en 2019, la construction d'un mur équipé de miradors le long de la frontière" - une initiative qui avait aussitôt suscité une vive protestation de Yaoundé, qui l'interprétait comme une atteinte au tracé officiel de la frontière.

D'après une source diplomatique citée par Jeune Afrique, le pouvoir équato-guinéen semble aujourd'hui engagé dans une stratégie de "sécurisation renforcée" de son territoire. Cette approche sécuritaire expliquerait en partie les expulsions récurrentes de ressortissants camerounais, perçus parfois comme une menace potentielle pour la stabilité du régime.

La construction du mur frontalier avait été justifiée officiellement par "la nécessité de lutter contre l'immigration irrégulière, de renforcer la sécurité et de prévenir toute nouvelle tentative de déstabilisation en provenance du territoire camerounais". Cependant, selon l'analyse de Jeune Afrique, ces motivations officielles masquent une méfiance plus profonde et plus ancienne du régime d'Obiang envers le Cameroun.

L'enquête de Jeune Afrique souligne que malgré la signature d'accords bilatéraux, les tensions persistent. Le 21 juillet 2020, un accord bilatéral sur la coopération transfrontalière en matière de sécurité et de défense avait été signé à Malabo, engageant les deux États à assurer ensemble la sécurité de leur frontière, à proscrire le recours à la force et à respecter la souveraineté mutuelle.

Mais cet accord, comme les précédents, s'est révélé insuffisant pour prévenir de nouvelles crises. Jeune Afrique révèle que "malgré les 'regrets' exprimés par l'ambassadeur équato-guinéen à Yaoundé" suite aux récentes expulsions, "de nouveaux cortèges de Camerounais de Guinée équatoriale s'apprêteraient à regagner, par contrainte, leur pays d'origine".

Au-delà des tensions diplomatiques, l'enquête de Jeune Afrique met en lumière les conséquences humaines et économiques de ces expulsions. Les 231 personnes expulsées en avril étaient pour la plupart des résidents de longue date, installés depuis plus de dix ans dans les districts équato-guinéens de Micomeseng et d'Ebebiyín, dans la province de Kié-Ntem.

"Parmi eux, des chefs d'entreprise, des employés, des familles intégrées, parfois propriétaires de leur logement", précise Jeune Afrique, soulignant ainsi l'enracinement de ces ressortissants camerounais dans le tissu économique et social local. Leur expulsion brutale représente non seulement un drame humain mais aussi une perte économique pour la région frontalière.

Source: www.camerounweb.com