C'est une onde de choc qui a traversé le monde de l'art ce week-end. Koyo Kouoh, curatrice suisso-camerounaise de renommée internationale et directrice du plus grand musée d'art contemporain d'Afrique, s'est éteinte soudainement samedi 10 mai 2025, à l'âge de 58 ans.
L'annonce de son décès a été faite par le Musée Zeitz d'art contemporain d'Afrique (Zeitz MOCAA) du Cap, institution qu'elle dirigeait avec passion et vision depuis 2019. « Le Zeitz MOCAA a reçu la nouvelle aujourd'hui au petit matin du décès soudain de Koyo Kouoh, notre bien-aimée directrice exécutive et conservatrice en chef », a communiqué le musée via ses réseaux sociaux.
Née en 1967 à Douala au Cameroun, Koyo Kouoh avait grandi entre sa ville natale et la Suisse, développant très tôt cette double perspective qui allait caractériser son approche de l'art. Sa carrière fulgurante l'avait propulsée au sommet des institutions culturelles africaines et elle était devenue l'une des voix les plus influentes du continent sur la scène artistique mondiale.
Sa dernière consécration en date avait été sa désignation comme commissaire de la prestigieuse Biennale de Venise 2026, faisant d'elle seulement la deuxième personnalité africaine à occuper ce poste après le Nigérian Okwui Enwezor. Elle devait justement présenter le titre et le thème de cette édition le 20 mai prochain à Venise.
Tout au long de sa carrière, Koyo Kouoh s'était imposée comme une ardente défenseuse d'une vision décolonisée de l'art africain. « L'Afrique est pour moi une idée qui dépasse les frontières. C'est une histoire qui dépasse les frontières », avait-elle déclaré lors d'un entretien accordé à l'AFP en 2023.
Sous sa direction, le Zeitz MOCAA était devenu un phare pour l'art contemporain africain, replaçant les créateurs du continent et de sa diaspora au centre du récit artistique global. Sa démarche curatoriale s'inscrivait dans une volonté de permettre aux Africains de définir eux-mêmes leur propre discours culturel, trop souvent « défini par d'autres », comme elle le soulignait.
Avant de prendre les rênes du Zeitz MOCAA, Koyo Kouoh avait fondé RAW Material Company à Dakar, un centre artistique pluridisciplinaire devenu un incubateur majeur pour les talents émergents du continent. Cette structure lui a d'ailleurs rendu un vibrant hommage, la décrivant comme une « source de chaleur, de générosité et de génie » qui « disait toujours que les gens sont plus importants que les choses ».
Sa dernière grande exposition, « When We See Us », consacrée à un siècle de peinture figurative panafricaine, est actuellement visible au Bozar de Bruxelles jusqu'au 10 août, témoignage poignant de sa vision artistique qui perdurera au-delà de sa disparition.
Les réactions à l'annonce de son décès ont afflué du monde entier. La Biennale de Venise s'est dite « profondément attristée et consternée » par le « décès soudain et prématuré » de celle qui avait travaillé « avec passion, rigueur intellectuelle et vision » à l'édition 2026.
La Première ministre italienne Giorgia Meloni a exprimé son « profond chagrin », tandis que le président camerounais a salué « une ambassadrice exceptionnelle de la culture camerounaise et africaine sur la scène mondiale ».
« Son décès laisse un vide immense dans le monde de l'art contemporain », a regretté la Biennale de Venise dans son communiqué. Une déclaration qui résume le sentiment partagé par l'ensemble de la communauté artistique internationale, mais plus particulièrement africaine.
Pour le Cameroun, la perte est d'autant plus grande que Koyo Kouoh incarnait cette nouvelle génération de professionnels de la culture capable de porter haut les couleurs du pays et du continent sur la scène internationale, tout en conservant un ancrage profond dans les réalités africaines.
En signe de respect, la programmation du Zeitz MOCAA a été « suspendue jusqu'à nouvel ordre ». Quant à la Biennale de Venise 2026, dont elle devait être la commissaire principale, son avenir reste pour l'instant incertain.