Franck Biya : l'homme de l'ombre qui pourrait succéder à son père à la tête du Cameroun, les secrets

Deux ans après la révélation du portrait dressé par Jeune Afrique, Franck Biya reste l'une des figures les plus énigmatiques de la scène politique camerounaise. Fils aîné du président Paul Biya, cet homme de 53 ans continue d'alimenter les spéculations sur une possible succession dynastique au sommet de l'État camerounais.

Né de la première union du chef de l'État avec feue Jeanne Irène Biya, Franck Biya s'est longtemps distingué par sa discrétion et son éloignement apparent des cercles du pouvoir. Formé dans les prestigieux établissements catholiques de Yaoundé (collège Vogt puis collège de la Retraite), il a poursuivi ses études aux États-Unis, où ses partisans lui attribuent un bachelor en sciences politiques et en économie de l'Université de Californie du Sud, obtenu en 1994.

Cette formation académique, bien qu'entourée d'un certain mystère quant à son interruption soudaine et son départ pour l'Europe, constitue l'un des arguments avancés par ses soutiens pour justifier sa légitimité à succéder un jour à son père.

Dans le monde des affaires camerounais, Franck Biya a développé un vaste réseau d'influence tout en restant dans l'ombre. Actif notamment dans le secteur forestier, il a été impliqué dans plusieurs projets d'envergure, servant d'intermédiaire pour des investisseurs étrangers comme le groupe chinois Sinohydro, constructeur du barrage hydroélectrique de Memve'ele.

Cette culture du secret n'a toutefois pas empêché certaines controverses, comme en 2004 lorsque la société INGF, dont il était l'un des dirigeants, a été accusée par l'ONG française Survie d'avoir abattu illégalement 1 800 hectares de forêt. Plus récemment, son nom a été évoqué dans l'affaire Savannah Energy, à l'origine d'une tension diplomatique avec le Tchad voisin, bien que son entourage ait démenti toute implication.

Si Franck Biya ne semble pas cultiver particulièrement ses relations avec la classe politique camerounaise, il s'est néanmoins entouré de personnalités influentes, notamment Samuel Mvondo Ayolo, directeur du cabinet civil présidentiel, et Alamine Ousmane Mey, ministre de l'Économie.

Son cercle rapproché se compose principalement d'hommes d'affaires comme Guillaume Sarra, ancien directeur général adjoint de SABC qui a lancé BVS avec son soutien, ou encore Ghislain Nguewou et l'Ivoirien Stéphane Soumahouro. Ces connexions stratégiques dans le monde économique pourraient constituer un atout majeur dans l'hypothèse d'une transition politique.

Revenu au Cameroun en mars 2020 après plusieurs années passées à Menton, dans le sud de la France, Franck Biya occupe désormais un bureau au Palais présidentiel d'Etoudi. Bien qu'il ne dispose d'aucun titre officiel, la presse le présente comme un "conseiller officieux" de son père, dont l'influence grandirait à mesure que Paul Biya, aujourd'hui âgé de 92 ans, avance en âge.

Sa tournée remarquée dans le nord du pays en novembre 2022, à l'occasion du 40ème anniversaire de l'accession au pouvoir de son père, ainsi que sa présentation officielle au président français Emmanuel Macron lors de sa visite à Yaoundé la même année, ont été interprétées par de nombreux observateurs comme des signes annonciateurs d'une possible succession dynastique.

Contrairement à sa jeune sœur Brenda, fille de Chantal Biya, Franck cultive une absence totale sur les réseaux sociaux et n'a jamais accordé d'interview. Son épouse et ses quatre enfants restent également à l'écart de la vie publique, même lors des événements familiaux médiatisés.

Cette discrétion n'empêche pas l'émergence d'un mouvement de soutien baptisé les "franckistes", qui manifestent bruyamment leur appui à sa potentielle candidature, malgré la décision de Paul Biya de ne pas le nommer parmi les 30 sénateurs qu'il a le droit de désigner - une décision interprétée comme une volonté de ne pas accréditer trop ouvertement l'idée d'une succession préparée.

Alors que le Cameroun s'interroge sur l'après-Biya, Franck demeure l'une des options les plus crédibles dans un pays où la transition démocratique reste un sujet sensible. Sa connaissance des rouages du pouvoir, acquise dans l'ombre de son père, combinée à son réseau d'affaires international, pourrait en faire un candidat de consensus pour certaines factions du parti au pouvoir.

Toutefois, la route vers une éventuelle présidence reste semée d'embûches, tant les rivalités sont nombreuses au sein même du système Biya. Dans ce contexte, la discrétion légendaire de Franck pourrait tout aussi bien être un atout qu'un handicap pour ses ambitions présumées.