Sylvestre Nyeck dénonce les dérives des célébrations du 20 mai : Un pays qui menace de finir

Biya Défilé 2018 Image illustrative

Sun, 18 May 2025 Source: www.camerounweb.com

À l'approche des célébrations de la Fête nationale du 20 mai, les critiques s'élèvent concernant l'organisation et la pertinence des festivités traditionnelles. Dans une sortie remarquée sur le plateau de l'émission "GRAND DÉBAT" diffusée sur Cam 10 Télévision, l'analyste politique Sylvestre Nyeck a livré un réquisitoire sévère contre ce qu'il considère comme des dérives systémiques entourant les commémorations officielles.

« Je pense qu'il faut une fête qui soit dédiée à la réforme des mentalités des Camerounais parce que le défilé [du 20 mai] est une occasion de détourner les fonds. Des gens vont vendre les tenues avec lesquelles ils auront défilé. Ils vont vendre les pneus de voiture que l'État... C'est la réalité des faits. Mais pourquoi ? Parce qu'aujourd'hui, les gens ont un comportement d'un pays qui menace de finir. Chacun veut prendre sa part avant de partir », a déclaré Sylvestre Nyeck, créant un malaise palpable sur le plateau.

Les propos de l'analyste, particulièrement incisifs, interviennent dans un contexte où les préparatifs pour la célébration de la 53ème édition de la Fête nationale battent leur plein. Ils soulèvent des questions profondes sur l'adéquation entre l'esprit originel de cette commémoration et sa matérialisation contemporaine.

Selon plusieurs observateurs contactés suite à cette intervention, les accusations portées par Nyeck relèvent moins d'un cas isolé que d'un phénomène récurrent qui mériterait une attention soutenue des autorités.

« Ce que Sylvestre Nyeck a eu le courage de dire tout haut, beaucoup le pensent tout bas », confie sous couvert d'anonymat un haut fonctionnaire du ministère de l'Administration territoriale. « Les détournements entourant l'organisation des festivités nationales sont devenus presque institutionnalisés, à tel point que certains services établissent leurs budgets annuels en tenant compte de ces 'compléments' illicites. »

D'après plusieurs sources concordantes, les mécanismes décrits par l'analyste politique sont effectivement bien établis. Les équipements acquis pour les défilés – uniformes, accessoires, pièces détachées pour les véhicules officiels – feraient l'objet d'un commerce parallèle florissant dès la fin des célébrations.

« C'est un secret de Polichinelle », explique Jean-Marc Etogo, économiste à l'Université de Yaoundé II. « Les budgets alloués aux défilés sont systématiquement gonflés, les marchés sont attribués à des entreprises complices qui surfacturent les prestations, et une partie du matériel acquis disparaît mystérieusement après les festivités pour réapparaître sur des marchés informels. »

Ce phénomène s'inscrirait, selon l'économiste, dans une logique plus large de captation des ressources publiques, symptomatique d'une gouvernance en crise.

"Un pays qui menace de finir"

La formule employée par Sylvestre Nyeck – « un pays qui menace de finir » – résonne particulièrement dans les milieux intellectuels camerounais. Pour Marthe Ngo Nlend, sociologue spécialiste des questions de gouvernance, cette expression traduit un sentiment de précarité institutionnelle qui affecte profondément les comportements individuels et collectifs.

« Quand les citoyens perçoivent les institutions comme temporaires ou fragiles, ils adoptent des stratégies d'accumulation rapide au détriment du bien commun », analyse-t-elle. « C'est exactement ce que dénonce Nyeck : cette mentalité du 'chacun pour soi' qui s'est installée à tous les niveaux de la société camerounaise. »

Au-delà de sa critique, Sylvestre Nyeck a également formulé une proposition concrète : instituer « une fête dédiée à la réforme des mentalités des Camerounais ». Cette suggestion, qui peut paraître abstraite au premier abord, s'inscrit dans une réflexion plus large sur la nécessité de refonder le contrat social camerounais.

« Il ne s'agit pas simplement de créer un jour férié supplémentaire », précise Victor Mbarga, politologue proche des cercles d'influence de Nyeck. « L'idée serait plutôt d'engager un processus national de réflexion sur les valeurs civiques et l'éthique publique, en commençant par une introspection collective sur ce qui nous a menés à cette situation. »

Les propos de l'analyste ont suscité des réactions contrastées dans la sphère politique. Si certains responsables gouvernementaux ont dénoncé des « généralisations abusives » et une « volonté de ternir l'image des institutions », d'autres voix, notamment dans l'opposition, saluent « une analyse lucide d'un système à bout de souffle ».

La société civile, quant à elle, semble largement partager le diagnostic établi par Nyeck. « Ses propos mettent des mots sur un malaise que nous observons quotidiennement dans notre travail de terrain », confirme Jeanne Bikété, présidente d'une ONG spécialisée dans la lutte contre la corruption. « Le sentiment que 'le navire coule' et qu'il faut se servir avant qu'il ne soit trop tard est effectivement répandu, y compris chez des responsables censés incarner l'État. »

Source: www.camerounweb.com