Meeting de Kamto à Paris : Calixthe Beyala dénonce les "manipulations" du pouvoir camerounais
L'écrivaine franco-camerounaise défend la diaspora et critique les restrictions imposées à l'opposition au Cameroun
PARIS - L'écrivaine Calixthe Beyala, figure emblématique de la littérature franco-africaine, prend position dans la polémique entourant le meeting de Maurice Kamto à Paris en défendant le droit de la diaspora camerounaise à s'exprimer et en critiquant vivement les restrictions imposées aux opposants au Cameroun.
Dans une déclaration incisive, Calixthe Beyala pose d'emblée le problème central qui pousse les opposants camerounais à s'organiser à l'étranger.
"Il est convenant de rappeler que si les opposants camerounais étaient libres d'organiser des manifestations et des meetings dans leur pays, aucun ne viendrait en occident organiser une manifestation place de la république", souligne-t-elle, pointant du doigt les restrictions imposées aux libertés démocratiques au Cameroun.
L'écrivaine dénonce également la répression systématique de l'opposition : "C'est vrai qu'au Cameroun, les opposants sont arrêtés et jetés en prison dès qu'ils veulent s'organiser. On nous brandit des âneries comme trouble à l'ordre public pour maintenir le statut quo."
Calixthe Beyala défend la dimension panafricaine des mobilisations organisées en France, rappelant que ces rassemblements dépassent les clivages nationaux.
"Il n'est pas faux de dire que les manifestations en France ont toujours rassemblé des gens venus de tous les pays d'Afrique. Il y a longtemps que l'on y a dépassé les notions de nation, pour se focaliser sur la construction de l'unité africaine", explique-t-elle.
Elle cite des exemples historiques pour illustrer cette solidarité : "Souvenez-vous du rôle de la diaspora pour la libération de LG [Laurent Gbagbo] de la CPI ou contre la guerre en Libye ! Cette mise en commun des compétences conduira Sarkozy en prison."
L'écrivaine s'insurge contre les critiques visant les Camerounais de la diaspora, souvent stigmatisés par le pouvoir en place.
"Insulter les camerounais en les traitant de sans papiers est aussi une autre absurdité et totalement indigne de ceux du pouvoir", dénonce-t-elle, avant de rappeler leur contribution économique au pays : "Malgré leur situation difficile, ils travaillent et envoient de l'argent au pays, donc participent activement au développement du Cameroun, en nourrissant des familles, en payant des frais de scolarité aux enfants et en soignant les malades."
Calixthe Beyala répond aux accusations selon lesquelles Maurice Kamto "braderait la souveraineté du Cameroun" en retournant l'argument contre le pouvoir actuel.
"Dire que Kamto brade la souveraineté du Cameroun est aussi une manipulation digne des gamins d'une cour récréation ! De quelle nationalité sont les dirigeants camerounais ? Serait-ce qui a fourgué nos chemins de fer à Bolloré ? Nos fers aux Chinois ? Serait Kamto qui a décidé de l'usage définitif du CFA ?", interroge-t-elle, dénonçant ce qu'elle considère comme une hypocrisie du pouvoir.
L'écrivaine relativise les critiques sur le nombre de participants au meeting parisien, soulignant la difficulté d'organiser de tels rassemblements en France.
"Mobiliser ne serait-ce que cinq mille personnes est un tour de force en France, car personne ne paie son transport à personne. Les gens viennent par conviction en payant de leur poche", fait-elle remarquer.
Calixthe Beyala conclut par un plaidoyer pour une démocratisation du Cameroun qui permettrait d'éviter l'exil de la jeunesse.
"Oui, la leçon à tirer de tout ceci est de permettre aux opposants à pouvoir manifester dans leur pays d'origine et à la jeunesse d'y vivre dignement, sans besoin d'aller se noyer dans la Méditerranée pour fuir la misère", lance-t-elle.
Cette intervention de Calixthe Beyala apporte une voix intellectuelle influente au débat sur la démocratie camerounaise, illustrant les divisions profondes qui traversent la société civile camerounaise à l'approche de l'élection présidentielle d'octobre 2025.