Le syndrome du crabe : quand l'Afrique critique ses entrepreneurs au lieu de les célébrer

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Wed, 4 Jun 2025 Source: www.camerounweb.com

La publication d'un livre consacré au parcours du couple Mbienou a déclenché une vague de critiques sur les réseaux sociaux africains. Attaques personnelles, remise en question de leur légitimité, suspicions diverses... Cette polémique révèle un phénomène plus large et préoccupant : la difficulté de l'Afrique à célébrer ses entrepreneurs émergents.

Les critiques adressées au couple Mbienou - Steven et Muriel - illustrent une confusion persistante sur les critères de validation entrepreneuriale. Pour de nombreux détracteurs, l'absence de référencement sur Wikipédia ou dans certaines publications prestigieuses disqualifierait automatiquement leur parcours.

Cette vision restrictive ignore une réalité économique fondamentale : la majorité des entrepreneurs africains prospères, y compris certains milliardaires, ne disposent d'aucune biographie officielle en ligne. Le succès économique ne se mesure pas à l'aune de la notoriété numérique, mais bien à la valeur créée et aux emplois générés.

L'entreprise de Muriel Mbienou, Najal Beauté, fait l'objet de critiques fondées sur quelques témoignages clients négatifs. Cette approche révèle une méthode d'analyse pour le moins discutable : peut-on réellement juger une entreprise entière sur la base d'expériences individuelles, sans étude approfondie de son modèle économique ou de sa stratégie globale ?

Cette tendance à la généralisation hâtive témoigne d'une incompréhension des réalités entrepreneuriales. Toute entreprise en phase de croissance connaît des ajustements, des échecs partiels, des corrections de trajectoire. C'est précisément ce processus d'itération qui caractérise l'innovation et le développement économique.

Steven Mbienou occupe le poste d'Area Manager Afrique chez OneXBet, une multinationale du secteur technologique et du e-gaming. Cette fonction implique la supervision de marchés dans une vingtaine de pays africains, la coordination d'équipes régionales et l'implémentation de stratégies commerciales à grande échelle.

Au-delà de ce poste, son portfolio entrepreneurial comprend plusieurs initiatives dans les secteurs technologique, marketing et médiatique. Ces projets, qu'ils soient couronnés de succès ou non, témoignent d'une démarche entreprenante constante.

L'acharnement contre le couple Mbienou illustre ce que les sociologues appellent le "syndrome du crabe" : la tendance à rabaisser ceux qui tentent de s'élever. Ce phénomène, particulièrement prégnant dans certaines sociétés, freine l'émulation entrepreneuriale et décourage l'innovation.

La jeunesse, l'autonomie et la visibilité du couple semblent particulièrement déranger. Leur refus d'attendre une validation externe ou un parrainage traditionnel remet en question des codes sociaux établis, générant incompréhension et hostilité.

Cette polémique dépasse le cas particulier des époux Mbienou pour poser une question fondamentale : comment l'Afrique peut-elle prétendre au développement économique si elle décourage systématiquement ses entrepreneurs ?

Le continent fait face à des défis majeurs : chômage de masse, dépendance économique, fuite des cerveaux. Dans ce contexte, chaque initiative entrepreneuriale, même imparfaite, représente une tentative de solution. La diaboliser revient à scier la branche sur laquelle repose l'avenir économique africain.

L'analyse menée par Bruno Bidjang, directeur de Vision 4, invite à une réflexion plus large sur l'attitude du continent envers ses bâtisseurs. Plutôt que de chercher systématiquement les failles chez ceux qui entreprennent, ne serait-il pas plus constructif de s'interroger sur nos propres contributions au développement ?

Cette approche ne signifie pas l'absence de regard critique sur les pratiques entrepreneuriales. Il s'agit plutôt de distinguer la critique constructive de la destruction gratuite, l'évaluation objective du dénigrement systématique.

L'écosystème entrepreneurial africain a besoin d'encouragements pour se développer. Cela implique de reconnaître que l'échec fait partie du processus d'innovation, que la perfection n'est pas un prérequis à l'action, et que chaque tentative entreprenante, même modeste, participe à la dynamique de développement.

Le couple Mbienou, au-delà des polémiques, représente une génération d'entrepreneurs africains qui refusent l'attentisme et tentent de créer de la valeur. Plutôt que de les décourager, l'Afrique gagnerait à les accompagner dans leur démarche d'amélioration continue.

Source: www.camerounweb.com