L'humiliation est de taille: les juristes de Paul Biya trainés dans la boue

Prof Mathias Owona Nguini.png Image illustrative

Mon, 9 Jun 2025 Source: www.camerounweb.com

Le débat sur l'indépendance intellectuelle des universitaires camerounais vient de connaître un nouveau rebondissement avec la sortie musclée de Joseph Emmanuel Ateba, Secrétaire national à la communication du Mouvement pour la Renaissance du Cameroun (MRC). Dans une déclaration particulièrement incisive, le cadre de l'opposition a violemment pris à partie une frange de l'élite académique, l'accusant d'avoir bradé sa rigueur scientifique sur l'autel du pouvoir.

Cette offensive de Joseph Emmanuel Ateba fait suite à une émission diffusée sur la chaîne présidentielle (PRC), où des universitaires, notamment des constitutionnalistes de renom, auraient défendu des positions jugées complaisantes envers le régime de Paul Biya. Pour le responsable du MRC, cette prestation télévisée constitue un exemple flagrant de ce qu'il dénonce comme « la trahison de la science et de la conscience au profit du ventre ».

L'accusation est grave : Joseph Emmanuel Ateba sous-entend une corruption intellectuelle motivée par la recherche d'avantages personnels, transformant des esprits brillants en simples faire-valoir du pouvoir en place.

Le Secrétaire national à la communication du MRC a particulièrement ciblé des « brillants constitutionnalistes » qui, selon lui, ont opéré un virage à 180 degrés. Ces universitaires, jadis critiques de la réforme constitutionnelle de 2008, auraient aujourd'hui « troqué leur rigueur intellectuelle contre les faveurs du régime, devenant les artisans d'un savoir au service du pouvoir ».

Cette transformation d'intellectuels indépendants en apologistes du régime constitue, pour Joseph Emmanuel Ateba, l'une des victoires les plus pernicieuses du système Biya.

Dans un style qui ne manque pas de panache, le cadre du MRC a utilisé une formule particulièrement percutante pour illustrer sa déception : « Au lieu d'une signature scientifique, on nous a servi une signature gastronomique ». Cette saillie vise directement un universitaire de renom qu'il accuse d'avoir basculé de l'analyse objective à la pure propagande, notamment sur la question sensible du mandat impératif.

Cette métaphore culinaire, bien que provocatrice, traduit l'amertume d'un opposant qui voit des figures intellectuelles respectées abandonner leur mission de critique constructive pour embrasser le discours officiel.

Pour Joseph Emmanuel Ateba, cette situation révèle une stratégie plus large du président Paul Biya, qui aurait réussi à « tenir en laisse notre meilleure ressource : l'intelligence ». Cette formule suggère une domestication systématique des élites intellectuelles, privant le pays de voix critiques indépendantes au moment où elles seraient le plus nécessaires.

Le responsable du MRC y voit un symptôme inquiétant de la dégradation du débat public camerounais, où la pensée critique cède progressivement la place à la complaisance institutionnelle.

Face à ce constat alarmant, Joseph Emmanuel Ateba lance un appel vibrant en faveur de la restauration d'une pensée critique libre et engagée au sein des milieux universitaires. Il milite pour un retour aux fondamentaux de la mission intellectuelle : éclairer le débat public plutôt que de le confisquer au profit du pouvoir.

Cette démarche s'inscrit dans une vision plus large de l'opposition, qui considère que la conquête du pouvoir passe aussi par la bataille des idées et la reconquête de l'espace intellectuel.

Dans son réquisitoire, le Secrétaire national à la communication du MRC n'hésite pas à établir un panthéon personnel. Il salue des figures comme Maurice Kamto (son président de parti), Abah Oyono ou Bahebeck, qu'il présente comme des modèles d'intégrité intellectuelle.

À l'inverse, il fustige ce qu'il considère comme la « démission » d'universitaires tels qu'Owona Nguini et Aboya Ndongo, les rangeant dans la catégorie de ceux qui auraient sacrifié leur indépendance intellectuelle sur l'autel des privilèges.

Cette sortie de Joseph Emmanuel Ateba relance un débat fondamental qui dépasse les clivages partisans : quel doit être le rôle des intellectuels dans une société démocratique ? Comment maintenir une distance critique face aux pressions du pouvoir, qu'elles soient politiques, économiques ou sociales ?

Ces questions, universelles par nature, prennent une acuité particulière dans le contexte camerounais, où les espaces de liberté intellectuelle semblent se rétrécir progressivement.

Au-delà de la polémique, cette charge de Joseph Emmanuel Ateba interroge plus largement sur l'état de l'université camerounaise et sa capacité à produire une pensée indépendante. Dans un pays où les ressources sont rares et les opportunités limitées, la tentation de se rapprocher du pouvoir pour bénéficier de ses largesses peut s'avérer irrésistible pour certains intellectuels.

Cette réalité sociologique n'excuse pas, selon le cadre du MRC, l'abandon des principes fondamentaux de l'activité intellectuelle : la recherche de la vérité et l'exercice de l'esprit critique.

La formule « Science sans conscience… », empruntée à Rabelais, résonne comme un avertissement adressé à l'ensemble de la communauté intellectuelle camerounaise. Elle rappelle que le savoir sans éthique peut devenir un instrument d'oppression plutôt qu'un outil de libération.

Cette interpellation de Joseph Emmanuel Ateba, au-delà de sa dimension polémique, pose une question essentielle : comment préserver l'indépendance de la pensée dans un environnement où les pressions sont multiples et les tentations nombreuses ?

Source: www.camerounweb.com