Succession de Paul Biya : les deux camps qui s’opposent au sein du parti

Biya Marche Chantal Guerre de succession

Tue, 8 Jul 2025 Source: www.camerounweb.com

Au pays, le Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC) est en pleine fracture à l’approche de la présidentielle 2025. Le journaliste Boris Bertolt n’est pas de ceux qui pensent le contraire. Le lanceur d’alerte a publié sur ses comptes son opinion.

À l’approche de l’élection présidentielle prévue pour 2025, le RDPC, parti au pouvoir depuis quatre décennies, donne à voir les signes d’une fracture interne profonde. Deux camps s’opposent désormais ouvertement sur une question devenue centrale : le président Paul Biya, 92 ans, briguera-t-il un nouveau mandat ?

Le camp réformiste : une attente respectueuse mais déterminée

D’un côté, une aile plus prudente conduite par des cadres modérés du régime, espère que le chef de l’État choisira de se retirer, dans la dignité, après plus de quarante ans à la tête du pays. Ces responsables estiment que le contexte socio-politique actuel, les tensions sécuritaires persistantes, et les absences prolongées du président, récemment soulignées par Issa Tchiroma, sont autant de signaux que l’heure du repos a sonné.

Cette position a été exprimée avec subtilité lors d’une interview de René Emmanuel Sadi à RFI, où le ministre de la Communication a rappelé que « la candidature du président Paul Biya n’était pas encore actée ». Mais au-delà de cette affirmation formelle, le sous-texte est éloquent : Sadi laisse entendre que les récentes consultations engagées au palais par Ferdinand Ngoh Ngoh sont des initiatives personnelles, sans directive explicite du chef de l’État. Autrement dit, le président pourrait à tout moment désavouer ou corriger ce processus, s’il n’en partageait pas l’orientation.

Ce camp, bien qu’incapable de s’opposer frontalement à la structure du pouvoir, espère un retrait volontaire de Paul Biya, en comptant sur sa conscience historique. Leur attitude est marquée par le respect de l’autorité, mais aussi par une inquiétude croissante face à une dérive de gouvernance par procuration.

Le camp Ngoh Ngoh : verrouiller le système à tout prix

À l’opposé, le camp dirigé de facto par Ferdinand Ngoh Ngoh, secrétaire général de la présidence, mène une offensive claire : imposer coûte que coûte une nouvelle candidature de Paul Biya. Ce clan, qui concentre aujourd’hui l’essentiel du pouvoir exécutif réel, gouverne déjà à travers la figure affaiblie du président. Dans cette logique, le maintien de Biya comme candidat est indispensable à leur survie politique et à la conservation du statu quo.

En réponse à l’interview de René Sadi, Ngoh Ngoh a immédiatement activé ses relais, notamment le ministre Jacques Fame Ndongo, envoyé à son tour sur les ondes de RFI, pour affirmer sans ambiguïté que « le président Paul Biya est candidat à 100 % ». Cette déclaration, aussi directe que prématurée, vise à neutraliser les doutes, à imposer une réalité politique avant même que le principal concerné ne parle.

Cacophonie et révélations

Ces deux interviews successives sur RFI ont exposé au grand jour la désunion au sommet de l’État. D’un côté, une ligne légaliste, respectueuse du chef, mais inquiète des dérives. De l’autre, une stratégie d’occupation du terrain, fondée sur une candidature instrumentalisée. Il ne s’agit plus simplement d’une divergence de vues, mais bien d’un affrontement entre deux projets de pouvoir.

Derrière cette cacophonie, on observe une tentative évidente du camp Ngoh Ngoh de confisquer la parole présidentielle, en parlant à sa place, en son nom, et sans son aval formel. Le président n’a à ce jour fait aucune déclaration officielle. Et ce silence, au lieu de clarifier, ouvre la voie à toutes les spéculations… et à toutes les manipulations.

Le RDPC, un parti suspendu à un homme

Le RDPC, longtemps perçu comme une machine électorale implacable, apparaît désormais comme un navire sans capitaine visible. Divisé entre fidélité personnelle et logique de succession, entre loyauté et survie, le parti semble incapable de se réinventer, et pris au piège d’une dépendance excessive à un chef désormais effacé.

Tant que Paul Biya ne parlera pas, les clans continueront à s'affronter par médias interposés, en entretenant une illusion d’unité, tandis que la scène politique réelle se fragmente.

Le Cameroun est donc confronté à un dilemme historique : continuer avec une présidence d’apparat, dirigée dans l’ombre par des acteurs non élus, ou enfin organiser une transition maîtrisée pour répondre aux aspirations profondes d’un peuple de plus en plus impatient.

Source: www.camerounweb.com