Exclusif - Alors que l'opposition tente de fédérer ses forces autour d'une candidature unique, le camp présidentiel active ses réseaux pour maintenir son influence dans le Nord. Jeune Afrique révèle les manœuvres secrètes du pouvoir.
Le scénario redouté par le Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC) se précise : une coalition de l'opposition capable de faire basculer le septentrion, traditionnellement acquis au pouvoir depuis des décennies. Selon nos informations exclusives, la présidence a enclenché une véritable opération de contre-offensive pour préserver ses bastions du Nord.
Jeune Afrique peut révéler que le secrétaire général de la présidence, Ferdinand Ngoh Ngoh, a convoqué en urgence les dirigeants des partis alliés du septentrion lors d'une réunion tenue dans la plus grande discrétion. Autour de la table : les responsables du Mouvement démocratique républicain (MDR) de feu Dakole Daïssala et de l'Alliance nationale pour la démocratie et le progrès (ANDP) d'Hamadou Moustapha.
Le message délivré par le bras droit de Paul Biya était sans équivoque : le RDPC ne tolérera pas que cette région stratégique échappe à son contrôle. Cette mobilisation témoigne de l'inquiétude réelle du pouvoir face à la perspective d'une alliance entre Issa Tchiroma Bakary et Bello Bouba Maïgari, deux figures emblématiques du Nord qui ont rompu avec le parti au pouvoir.
Jeune Afrique a pu recueillir des témoignages exclusifs sur la stratégie développée par le camp présidentiel. Contrairement à 1992, où l'opposition avait été affaiblie par des "migrations" opportunistes vers le pouvoir, la donne a changé. Cette fois, c'est le RDPC qui risque de voir ses cadres du Nord rejoindre l'opposition.
Pour contrer cette menace, le pouvoir mise sur une double approche : d'une part, réactiver les réseaux de fidélité traditionnels dans le septentrion, d'autre part, exploiter les divisions internes au sein des nouveaux partis d'opposition. L'exemple d'Ousmanou Aman Sa'aly, dit "Yerima Dewa", maire de Pitoa, illustre parfaitement cette stratégie. Selon nos sources, son récent lancement de l'All Cameroonian Congress (ACC) ne serait pas étranger aux pressions exercées par le pouvoir.
Jeune Afrique révèle que le camp présidentiel a identifié les points de faiblesse de ses adversaires. Au sein du Front pour le salut national du Cameroun (FSNC) de Tchiroma Bakary, plusieurs cadres entretiennent encore des "affinités avec le pouvoir", selon l'expression utilisée par nos interlocuteurs.
Le cas du député Salmana Amadou Ali, numéro deux du FSNC, est particulièrement révélateur. Son silence depuis l'annonce de la candidature de son leader témoigne des tiraillements internes que le pouvoir entend exploiter. "Il suffirait que le pouvoir marchande pour qu'elle vole en éclats", avait d'ailleurs prévenu l'un des artisans de la coalition d'opposition, une analyse que le RDPC semble avoir prise au sérieux.
Cette bataille pour le contrôle du Nord dépasse le simple cadre électoral. Elle révèle les mutations profondes de la géopolitique camerounaise. Le septentrion, longtemps considéré comme acquis au pouvoir central, devient un enjeu de première importance dans l'équilibre des forces politiques du pays.
La réunion secrète organisée par Ferdinand Ngoh Ngoh témoigne de cette prise de conscience : perdre le septentrion reviendrait pour le RDPC à voir s'effriter l'un des piliers de sa domination politique. Face à cette menace, le pouvoir ne recule devant aucune manœuvre pour maintenir son hégémonie dans cette région stratégique.
L'issue de cette bataille silencieuse pourrait bien déterminer le visage du Cameroun post-Biya, même si le président sortant n'a pas encore officialisé sa candidature pour octobre prochain.