Le couperet est tombé : Maurice Kamto ne sera pas candidat à la présidentielle du 12 octobre prochain. La décision du Conseil constitutionnel rendue ce mardi 5 août confirme celle annoncée par Elecam, le 26 juillet dernier. Cette éviction définitive du principal opposant au président Paul Biya fait craindre des troubles dans un pays où les tensions politiques demeurent vives.
Le contentieux pré-électoral qui s'est déroulé au Conseil constitutionnel a été marqué par des échanges particulièrement vifs. La tension a atteint son paroxysme lorsque le représentant du ministère de l'Administration territoriale (MINAT) a déclaré qu'Anicet Ekane "n'est plus président du Manidem" depuis 2021, une affirmation qui a suscité la surprise générale dans la salle d'audience.
Face à cette déclaration inattendue, les avocats de Maurice Kamto ont exprimé leur "étonnement" concernant cette notification du MINAT, s'interrogeant ouvertement sur la procédure suivie. Dans une intervention remarquée, ils ont demandé s'il existait "deux États au Cameroun", insinuant que le Conseil constitutionnel avait lui-même provoqué l'intervention du ministère dans cette affaire judiciaire.
Prenant personnellement la parole devant les juges constitutionnels, Maurice Kamto a livré un ultime plaidoyer pour sa candidature. L'ancien ministre de la Justice a affirmé que son "dossier est complet, seule la question de la pluralité de candidatures a été soulevée par Elecam." Il a solennellement exhorté les juges à prendre une "décision juste, conforme au droit et à l'intérêt de la République, et non pour la forme."
Cette intervention directe du candidat recalé témoignait de l'importance cruciale de cet enjeu pour l'opposition camerounaise, qui voit en Maurice Kamto sa principale figure capable de rivaliser avec Paul Biya, au pouvoir depuis 1982.
De son côté, Anicet Ekane, dont le statut de président du Manidem était contesté par le MINAT, n'a pas mâché ses mots face à cette situation. Il a qualifié l'ensemble de l'audience de "mauvais théâtre", dénonçant ainsi ce qu'il perçoit comme une mascarade judiciaire destinée à légitimer une décision déjà prise.
Dans une déclaration chargée d'émotion, Ekane s'est directement adressé à Dieudonné Yebga, également candidat recalé : "Je lui demande pardon mais qu'il m'oublie et pense au pays surtout à ses camarades qui sont morts faute de soins." Ces propos font référence aux militants de l'opposition décédés en détention ou par manque de soins médicaux, ajoutant une dimension dramatique aux débats.
Ces déclarations sont intervenues alors que Logmo Mbeleck, un membre influent du Conseil constitutionnel, avait déjà proposé le rejet des requêtes des deux candidats contestataires. Cette proposition, formulée en cours d'audience, laissait peu de doute sur l'issue du délibéré qui a finalement confirmé l'éviction définitive de Maurice Kamto.
Maurice Kamto a été recalé par la Cour constitutionnelle ce lundi 4 août 2025, à l'issue des audiences relatives aux recours déposés après la publication par ELECAM de la liste provisoire des candidats retenus pour les élections présidentielles du 12 octobre 2025.
L'enjeu dépasse désormais largement le cadre juridique. Maurice Kamto avait précédemment déclaré que si son recours était rejeté, il appellerait les Camerounais à "prendre leur responsabilité en descendant dans la rue pour réclamer leur droit." Cette menace de mobilisation populaire fait peser un risque sérieux de troubles sur le pays, dans un contexte où l'opposition dénonce régulièrement les dérives autoritaires du régime de Paul Biya.
Les autorités camerounaises redoutent particulièrement un scénario similaire à celui de 2018, quand Maurice Kamto avait contesté les résultats de la présidentielle et avait été emprisonné avec plusieurs de ses partisans pendant près de neuf mois. Les manifestations qui avaient suivi avaient été réprimées dans le sang, alimentant davantage les tensions politiques.
Cette éviction définitive de Maurice Kamto transforme radicalement la donne électorale. Le scrutin du 12 octobre prochain s'annonce désormais comme une formalité pour Paul Biya, privé de son principal challenger. Cette situation renforce les critiques internationales sur la détérioration de l'espace démocratique au Cameroun.
Les prochains jours seront déterminants pour mesurer la capacité de mobilisation de l'opposition et la réaction des Camerounais face à cette exclusion qu'ils perçoivent comme une manipulation du processus électoral. La question cruciale demeure : Maurice Kamto donnera-t-il suite à ses menaces de mobilisation populaire, au risque de replonger le pays dans une nouvelle crise politique majeure ?