COFIDENTIEL: très affecté par sa démission, Paul Biya envoie des émissaires chez Bello Bouba Maïgari

Bello Bouba Maïgari, Président De L'UNDP Image illustrative

Thu, 7 Aug 2025 Source: www.camerounweb.com

Dans les couloirs du pouvoir camerounais, Henri Eyebe Ayissi n'est pas qu'un simple ministre des Domaines, du Cadastre et des Affaires foncières. Selon les révélations exclusives de Jeune Afrique, cet homme de l'ombre de 58 ans s'impose comme le principal négociateur discret de Paul Biya sur les dossiers politiques les plus sensibles. Sa mission du vendredi 1er août chez Bello Bouba Maïgari s'inscrit dans une stratégie plus vaste orchestrée depuis le Palais d'Étoudi.

Les sources de Jeune Afrique au sein de la présidence révèlent qu'Henri Eyebe Ayissi dispose d'un budget spécial de "diplomatie politique" de plusieurs milliards de francs CFA, alimenté directement par la présidence. Ce fonds, créé discrètement en juin dernier, vise à financer les opérations de "séduction" et de "neutralisation" des candidats d'opposition jugés les plus dangereux pour la réélection du président sortant.

"Henri n'est pas ministre par hasard", confie un proche conseiller de Paul Biya à Jeune Afrique. "Son portefeuille ministériel lui donne accès à tous les dossiers fonciers du pays, ce qui en fait un interlocuteur incontournable pour quiconque a des intérêts économiques au Cameroun." Cette position stratégique lui permet de disposer de leviers de pression considérables dans ses négociations avec les leaders politiques.

L'opération "fragmentation" : anatomie d'une stratégie présidentielle

Jeune Afrique a pu reconstituer les contours de l'opération baptisée "fragmentation" par l'entourage présidentiel. Cette stratégie, élaborée lors d'un conseil restreint tenu au Palais d'Étoudi le 20 juillet dernier, vise à maintenir coûte que coûte la division au sein de l'opposition pour garantir la dispersion des voix anti-Biya.

Selon nos informations exclusives, Paul Biya aurait personnellement validé la liste des candidats à "neutraliser" en priorité. Bello Bouba Maïgari figure en tête de cette liste, suivi de Cabral Libii et de Joshua Osih. Issa Tchiroma Bakary, ancien ministre, bénéficie quant à lui d'un traitement particulier en raison de sa connaissance intime des rouages du système.

"L'idée n'est pas de les rallier à notre cause, ce serait contre-productif", explique à Jeune Afrique un stratège du RDPC ayant participé à l'élaboration du plan. "L'objectif est de leur donner l'illusion qu'ils peuvent négocier avec nous, pour les empêcher de s'unir entre eux." Cette approche cynique témoigne de la sophistication de l'appareil politique de Paul Biya après 43 ans de pouvoir.

Henri Eyebe Ayissi n'est pas le seul émissaire dépêché par la présidence pour mener cette offensive diplomatique. Jeune Afrique révèle en exclusivité que Alamine Ousmane Mey, ministre de l'Économie et figure montante du régime, a rencontré Joshua Osih du SDF dans la nuit du mercredi 30 au jeudi 31 juillet, dans une villa discrète de Bastos appartenant à un homme d'affaires proche du pouvoir.

Cette rencontre, qui a duré près de trois heures selon nos sources, aurait porté sur les "préoccupations économiques" du SDF et sur les "garanties" que pourrait offrir un éventuel gouvernement d'union nationale après la réélection de Paul Biya. Alamine Ousmane Mey aurait même évoqué la possibilité de créer un "super-ministère du Développement régional" spécialement conçu pour les régions anglophones.

René Emmanuel Sadi, ministre de la Communication et porte-parole du gouvernement, joue également un rôle clé dans cette stratégie. Jeune Afrique a pu établir qu'il a eu des contacts téléphoniques répétés avec l'entourage d'Issa Tchiroma Bakary, son ancien collègue au gouvernement. Ces échanges visent à "maintenir ouvert un canal de dialogue" avec le candidat du FSNC, selon les termes d'un proche du ministre.

La gestion des anciens ministres devenus candidats révèle toute la subtilité de la stratégie présidentielle. Jeune Afrique révèle que Paul Biya a donné instruction à ses émissaires d'adopter une approche différenciée envers Bello Bouba Maïgari et Issa Tchiroma Bakary, en fonction de leur "dangerosité électorale" respective.

Concernant Bello Bouba Maïgari, l'approche privilégiée consiste à le "domestiquer" en lui proposant des garanties sur l'avenir de l'UNDP et sur sa position personnelle après l'élection. "Bello Bouba est un homme pragmatique qui sait que le système ne changera pas du jour au lendemain", analyse un conseiller présidentiel pour Jeune Afrique. "L'idée est de lui faire comprendre qu'il a plus à gagner en modérant ses positions qu'en radicalisant son discours."

Pour Issa Tchiroma Bakary, la stratégie diffère car l'ancien ministre de la Communication connaît trop bien les rouages du système pour être berné par de vagues promesses. Les contacts maintenus par René Emmanuel Sadi visent plutôt à "surveiller" ses intentions et à anticiper ses coups politiques. "Issa reste un insider, même en opposition", confie une source de la présidence à Jeune Afrique. "Il faut le traiter avec des pincettes."

L'efficacité de cette stratégie repose largement sur des moyens financiers considérables que Jeune Afrique a pu évaluer grâce à des sources budgétaires fiables. Le budget alloué aux "opérations spéciales" de la campagne présidentielle s'élèverait à plus de 50 milliards de francs CFA, soit environ 76 millions d'euros.

Cette enveloppe, gérée directement par le secrétariat général de la présidence, permet de financer non seulement les missions des émissaires officiels, mais aussi tout un réseau d'intermédiaires officieux. "Chaque candidat d'opposition a au moins deux ou trois personnes de son entourage qui sont en contact avec nos services", révèle à Jeune Afrique un cadre de la présidence. "L'information remonte très vite."

Les fonds servent également à financer des "études d'opinion" menées par des cabinets privés sur les intentions de vote dans les différentes régions, permettant au pouvoir d'ajuster sa stratégie en temps réel. Ces sondages, réalisés tous les quinze jours depuis le début juillet, orientent les priorités des émissaires présidentiels.

Cette mobilisation exceptionnelle de moyens humains et financiers révèle paradoxalement l'inquiétude réelle du pouvoir face aux défis de cette élection présidentielle. Jeune Afrique a pu recueillir des témoignages concordants sur l'état d'esprit au sein du Palais d'Étoudi, où l'on ne cache plus les préoccupations liées à l'âge du président et à l'usure du régime.

"Pour la première fois depuis 1992, on sent une vraie nervosité au sommet", confie un haut responsable du RDPC à Jeune Afrique. Cette nervosité explique l'activation de tous les leviers d'influence disponibles, y compris les plus discrets. La mission d'Henri Eyebe Ayissi chez Bello Bouba Maïgari n'est que la partie émergée d'un iceberg de manœuvres politiques destinées à préserver un système mis à l'épreuve par le temps et les aspirations de changement d'une population majoritairement jeune.

L'efficacité de cette stratégie de division se mesurera dans les semaines à venir, au moment où l'opposition devra choisir entre l'union et la dispersion face au défi que représente la reconduction de Paul Biya pour un huitième mandat consécutif.

Source: www.camerounweb.com