Présidentielle au Cameroun : les dessous de la guerre des coalitions dans l'opposition

Trio Gagnannt Image illustrative

Thu, 7 Aug 2025 Source: www.camerounweb.com

Maurice Kamto, l'homme le plus courtisé malgré son exclusion

Paradoxe de cette campagne présidentielle camerounaise : Maurice Kamto, officiellement exclu de la course, est devenu l'homme le plus recherché par ses anciens rivaux. Selon les révélations exclusives de Jeune Afrique, l'ancien candidat du Mouvement pour la renaissance du Cameroun (MRC) multiplie les rencontres secrètes avec les principales figures de l'opposition, transformant son exclusion en position de force inattendue.

Les informations obtenues par Jeune Afrique révèlent que Kamto a reçu, au cours des trois dernières semaines, pas moins de cinq délégations de candidats opposants, tous en quête d'un adoubement qui pourrait faire basculer l'équilibre électoral. "Maurice est devenu le kingmaker de cette élection", confie un proche de l'ancien ministre, sous couvert d'anonymat. "Son exclusion lui donne une liberté de manœuvre qu'il n'aurait pas eue en tant que candidat."

Les sources de Jeune Afrique au sein de l'UNDP révèlent que les négociations entre Maurice Kamto et Bello Bouba Maïgari ont pris une tournure plus sérieuse qu'initialement annoncé. Contrairement à la version officielle d'un simple "échange républicain", les deux hommes auraient en réalité discuté des modalités concrètes d'un accord politique majeur.

"Les équipes techniques se sont rencontrées à quatre reprises depuis le 15 juillet", dévoile une source proche des négociations à Jeune Afrique. Ces rencontres, organisées dans la plus grande discrétion dans une résidence privée de Bastos, ont porté sur la répartition des responsabilités en cas de victoire et sur le programme de gouvernement. Un document de travail de quinze pages aurait même été élaboré, synthèse des positions communes entre l'UNDP et les partisans de Kamto.

La source proche de Bello Bouba Maïgari, interrogée par Jeune Afrique, précise que "Maurice Kamto aurait donné son accord de principe pour un soutien public à la candidature de Bello Bouba", en échange de "garanties substantielles sur la conduite de la transition démocratique". Cette alliance, si elle se concrétise, pourrait redistribuer complètement les cartes de l'opposition.

Les révélations de Jeune Afrique sur la mission d'Henri Eyebe Ayissi chez Bello Bouba Maïgari s'inscrivent dans une stratégie plus large du Palais d'Étoudi pour maintenir la division au sein de l'opposition. Selon nos sources au sein de la présidence, Paul Biya aurait donné instruction à plusieurs de ses émissaires de "temporiser" avec les candidats les plus menaçants.

"L'objectif n'est pas de les rallier, mais de les empêcher de s'unir", explique un conseiller présidentiel à Jeune Afrique. Cette tactique, baptisée en interne "opération fragmentation", viserait à maintenir le maximum de candidatures pour diluer les voix anti-Biya. Henri Eyebe Ayissi ne serait d'ailleurs pas le seul émissaire dépêché par le président sortant.

Jeune Afrique a pu établir qu'Alamine Ousmane Mey, ministre de l'Économie, a également rencontré Joshua Osih du SDF la semaine dernière, tandis que René Emmanuel Sadi, ministre de la Communication, aurait eu des contacts avec l'entourage d'Issa Tchiroma Bakary. Cette offensive diplomatique témoigne de l'inquiétude réelle du pouvoir face à un éventuel front uni de l'opposition.

L'appel à la constitution d'une coalition lancé samedi 2 août par plusieurs candidats de l'opposition cache, selon les informations recueillies par Jeune Afrique, des arrière-pensées moins nobles qu'il n'y paraît. Cet appel, signé par Patricia Ndam Njoya, Akere Muna et Issa Tchiroma Bakary, aurait en réalité été orchestré pour contrer l'alliance en gestation entre Kamto et Bello Bouba Maïgari.

"Ils ont compris que les discussions Kamto-Bello Bouba étaient sérieuses et ont voulu créer un contre-feu", révèle à Jeune Afrique un cadre de l'opposition ayant participé aux discussions préparatoires. Cette initiative, présentée publiquement comme un élan unitaire, masque donc une compétition féroce pour le leadership de l'opposition.

Les trois signataires auraient d'ailleurs déjà convenu, lors d'une réunion tenue jeudi 31 juillet dans les locaux d'une ONG de la place, que le "candidat consensuel" serait choisi parmi eux, excluant de facto les poids lourds comme Bello Bouba Maïgari et Cabral Libii. Cette manœuvre, révélée en exclusivité par Jeune Afrique, illustre la profonde méfiance qui règne au sein de l'opposition camerounaise.

La conférence de presse "importante" annoncée par l'UNDP pour le vendredi 8 août pourrait marquer un tournant décisif dans la recomposition de l'opposition. Selon les indiscrétions recueillies par Jeune Afrique auprès de l'entourage de Bello Bouba Maïgari, cette rencontre avec les médias pourrait être l'occasion d'officialiser le soutien de Maurice Kamto.

"Tout dépendra de la dernière rencontre entre Maurice et Bello Bouba", confie une source proche des négociations à Jeune Afrique. Cette ultime entrevue, programmée pour mercredi 6 ou jeudi 7 août, doit permettre de finaliser les derniers détails de l'accord, notamment sur la question sensible des investitures législatives en cas de victoire.

L'enjeu est de taille pour Bello Bouba Maïgari : obtenir le soutien public de Kamto lui garantirait mécaniquement le soutien d'une partie importante de l'électorat urbain et des jeunes, traditionnellement acquis au leader du MRC. Cette alliance pourrait faire de lui le principal challenger de Paul Biya, devançant Cabral Libii et les autres candidats de l'opposition.

La guerre des coalitions qui se joue actuellement dans l'opposition camerounaise révèle, au-delà des ambitions personnelles, les profondes recompositions que connaît le paysage politique national. Entre stratégies de division du pouvoir et tentatives d'union de l'opposition, l'élection présidentielle du 12 octobre s'annonce plus incertaine que prévu.

Source: www.camerounweb.com