Depuis Paris, il y a plusieurs jours, le président français, Emmanuel Macron, a fait cas de la situation sociopolitique au Cameroun. Tensions, crimes, continuité de la collaboration avec Paul Biya, appel à la paix, etc. ont meublé l'intervention. Dans une lettre adressée à Paul Biya, le premier responsable reconnaît qu'il y a eu une guerre dans le pays et que tout n'a pas été sans accroche.
Macron affirme que la Commission mixte franco-camerounaise sur le rôle et l’engagement de la France dans la lutte contre les mouvements indépendantistes et d'opposition au Cameroun a rendu ses travaux en janvier 2025.
« Conformément à la mission qui leur avait été confiée, les chercheurs de la commission ont formulé des recommandations et des demandes de reconnaissance fortes », souligne Macron. La rédaction de CamerounWeb propose aux lecteurs le contenu de la note.
Depuis 2017, je me suis engagé à impulser une nouvelle dynamique mémorielle dans laquelle la France est à l'écoute de ses partenaires et assume ses responsabilités. Ainsi, lors de ma visite officielle à Yaoundé le 26 juillet 2022, nous avons formé le vœu commun, plus d'un demi-siècle après la période troublée de l'indépendance camerounaise, que nos jeunesses appréhendent mieux notre passé partagé via un travail de transparence et d'histoire. Ce travail, nous l'avons rendu possible ensemble à travers la Commission mixte franco-camerounaise et je vous en remercie sincèrement.
À l'issue de leurs travaux, les historiennes et historiens de la Commission ont clairement fait ressortir qu'une guerre avait eu lieu au Cameroun, au cours de laquelle les autorités coloniales et l'armée française ont exercé des violences répressives de nature multiple dans certaines régions du pays, guerre qui s'est poursuivie au-delà de 1960 avec l'appui de la France aux actions menées par les autorités camerounaises indépendantes.
Les travaux de la Commission se sont penchés sur certains épisodes spécifiques de cette guerre, comme celui d'Ekité du 31 décembre 1956, qui a fait de nombreuses victimes, ou la mort lors d'opérations militaires menées sous commandement français des quatre leaders indépendantistes Isaac Nyobè Pandjock (17 juin 1958), Ruben Um Nyobè (13 septembre 1958), Paul Momo (17 novembre 1960) et Jérémie Ndéléné (24 novembre 1960). Il me revient d'assumer aujourd'hui le rôle et la responsabilité de la France dans ces événements.
Concernant le cas de Félix-Roland Moumié, assassiné à Genève le 3 novembre 1960, l'absence d'éléments suffisants dans les archives françaises et le non-lieu rendu par la justice suisse en 1980 n'ont semble-t-il pas permis d'apporter un nouvel éclairage sur les responsabilités et la nature des faits qui entourent sa mort.
Je salue enfin le travail mené sur les émeutes de Douala de septembre 1945, dont le caractère meurtrier ne peut être mis en doute et dont le rapport de la Commission éclaire le déroulement. J'invite à la poursuite de la recherche sur ces événements, notamment dans la perspective d'histoire comparée ouverte par le rapport.
La quête de vérité historique initiée par la Commission doit aujourd'hui se poursuivre. Je m'engage à ce que les archives françaises soient rendues facilement accessibles pour permettre la poursuite des travaux de recherche. Ainsi, les archives de la Commission mixte franco-camerounaise seront rassemblées en un lieu unique aux Archives nationales de France et un guide numérique des fonds d'archives sera édité pour permettre aux chercheurs d'approfondir les pistes de travail ouvertes par la Commission.
Les domaines de l'enseignement supérieur et de la recherche doivent continuer d'être une priorité partagée entre nos deux pays. Les recommandations formulées ouvrent de nouvelles perspectives de coopération entre la France et le Cameroun autour des enjeux de la décolonisation et, plus largement, de la mémoire. Il nous appartient désormais de diffuser ces travaux auprès de nos communautés éducatives, universitaires et scientifiques respectives, et de les mobiliser sur ce sujet. La France œuvrera, dans cet esprit, à enrichir les ressources pédagogiques mises à disposition des enseignants et des élèves, et à soutenir les travaux scientifiques qui approfondiront la connaissance de cette période. Une réflexion conjointe devra également être engagée pour valoriser ces résultats et inscrire durablement cette mémoire partagée dans le dialogue entre nos institutions académiques.
Le volet culturel de la Commission a présenté également un certain nombre de propositions pour mieux faire connaître cette période et établir un récit partagé, afin de favoriser la construction d'une mémoire collective partagée. Je vous propose d'appuyer ensemble cette dynamique de création artistique et de réconciliation des mémoires par l’art.
En vue d'assurer le bon suivi de l'avancement de chacun de ces projets, je vous propose enfin qu'un groupe de travail dédié entre le Cameroun et la France soit mis en place, qui pourrait être réuni à échéance annuelle en complément du dialogue régulier qui sera mené de façon plus informelle.
Je suis convaincu que ces travaux et tous ceux qu'ils permettront après eux, vont nous permettre de continuer à bâtir l'avenir ensemble, de renforcer la relation étroite qui unit la France et le Cameroun, avec ses liens humains entre nos sociétés civiles et nos jeunesses (…)