Une mission de médiation confiée à Guibai Gatama pour réconcilier Tchiroma et Bello Bouba, tandis que les tentatives de coalition générale de l'opposition piétinent
À quelques mois de l'élection présidentielle de 2025, les tractations politiques s'intensifient au sein de l'opposition camerounaise. Une information exclusive révèle qu'une délégation d'hommes politiques du Grand-Nord a sollicité Guibai Gatama en fin de semaine dernière pour conduire une médiation urgente entre Issa Tchiroma Bakary et Bello Bouba Maïgari en vue d'une candidature unique de la région.
Cette initiative témoigne de la volonté des élites septentrionales de présenter un front uni face aux autres candidats. La région, traditionnellement influente dans l'équilibre politique national, se retrouve divisée entre deux figures majeures : l'ancien ministre de la Communication Issa Tchiroma Bakary, candidat du Front pour le salut national du Cameroun (FSNC), et l'ancien Premier ministre Bello Bouba Maïgari, président de l'Union nationale pour la démocratie et le progrès (UNDP).
Le choix de Guibai Gatama comme médiateur n'est pas anodin. Cette personnalité respectée du Grand-Nord dispose de la légitimité nécessaire pour rapprocher deux hommes aux ambitions présidentielles affirmées mais aux stratégies politiques divergentes.
Ces tractations régionales interviennent après l'échec patent des tentatives de coalition générale de l'opposition. Les réunions de Foumban le 2 août et de Yaoundé du 8 au 10 août, qui devaient aboutir à la désignation d'un candidat consensuel face à Paul Biya, se sont soldées par un communiqué vague réaffirmant la nécessité d'une "candidature consensuelle" sans mécanisme de désignation ni calendrier.
Les discussions ont achoppé sur plusieurs points de friction. Issa Tchiroma Bakary, initiateur des négociations, a quitté la table le 9 août en dénonçant le "double jeu" de certains participants. La situation s'est compliquée quand Akere Muna du mouvement Now et Patricia Tomaïno Ndam Njoya de l'Union démocratique du Cameroun (UDC) ont tour à tour officialisé leurs propres ambitions.
Paradoxalement, Maurice Kamto, exclu de la course par le Conseil constitutionnel, demeure au centre des calculs politiques. L'ancien président du Mouvement pour la renaissance du Cameroun (MRC) conserve une influence déterminante sur ses partisans, divisés entre un ralliement à Bello Bouba Maïgari, un soutien à Tchiroma ou un boycott pur et simple du scrutin.
Issa Tchiroma Bakary, qui se présente comme un "candidat de rupture" prônant un mandat unique de transition, mise particulièrement sur l'obtention du soutien de Kamto. Mais il doit d'abord apaiser les tensions créées par les propos controversés de son ancienne secrétaire générale Jeanne Nsoga visant la communauté bamiléké, malgré sa condamnation publique et le limogeage de l'intéressée.
De son côté, Bello Bouba Maïgari reste perçu avec méfiance par une partie de l'opposition. Son passé de candidat en 1992 et 1997, ses alliances avec le RDPC pour les législatives et sa récente rencontre avec le ministre Henri Eyebe Ayissi alimentent les soupçons sur sa proximité réelle avec le pouvoir de Paul Biya.
Cette ambiguïté explique en partie la réticence de Maurice Kamto à soutenir l'ancien Premier ministre, d'autant que des cadres de l'UNDP comme Saidou Maïdadi ont minimisé les critiques contre le Conseil constitutionnel lors du rejet de la candidature de l'ex-président du MRC.
Face à ces blocages, le scenario de deux coalitions opposées se dessine. D'un côté, une alliance potentielle réunissant Bello Bouba Maïgari, Akere Muna et possiblement Cabral Libii, dont le secrétaire général a approché l'ancien Premier ministre. De l'autre, un regroupement autour d'Issa Tchiroma Bakary qui espère rallier Maurice Kamto et l'ancien secrétaire général de la présidence Marafa Hamidou Yaya, toujours détenu mais influent.
Joshua Osih du Social Democratic Front (SDF), absent des discussions, pourrait faire cavalier seul, illustrant la fragmentation persistante de l'opposition camerounaise.
Ces manœuvres se déroulent dans un contexte tendu où l'article 131 du code électoral, permettant de disqualifier un candidat même après validation par le Conseil constitutionnel, plane comme une épée de Damoclès. Le motif de la double nationalité, officiellement interdite mais largement tolérée, pourrait servir d'instrument de disqualification supplémentaire.
Cette situation explique en partie la prudence des acteurs de l'opposition qui préfèrent ne pas exposer prématurément leur candidat aux attaques du pouvoir et de ses relais, au premier rang desquels le ministre de l'Administration territoriale Paul Atanga Nji.