Un monument flambant neuf, inauguré avec faste et présenté comme un « don » du maire de Yokadouma dans la région de l'Est à ses administrés. Caméras, médias, discours officiels… Tout semblait parfait ce jour-là. Mais derrière cette vitrine soigneusement mise en scène, se cache une affaire qui sent la manipulation et le détournement, avance le lanceur d'alerte Paul Chouta dans une de ses publications.
ETS Gatien et Fils, un prestataire chargé de la construction du monument a exécuté le marché de bout en bout, avec réception officielle à 100 %. Le coût total : 14 995 014 francs CFA. Après impôts et taxes (TVA + AIR : 3 112 173 francs CFA), le montant net dû était de 11 882 841 francs CFA, dont une retenue de garantie de 1 499 501 francs CFA.
Le paiement bloqué est sans justification claire, précise le confrère qui fait savoir que suite à beaucoup de pression, la première tranche a bien été virée sur le compte du prestataire. Mais depuis, silence radio : la dernière tranche – correspondant à la retenue de garantie – n’a jamais été réglée alors que la demande de virement de cette retenue de garantie a déjà été signée. Pire, le maire et le receveur municipal refusent désormais de répondre aux appels du prestataire, alors qu’ils étaient omniprésents durant la phase de construction.
Les explications fournies par les services financiers de la commune ne tiennent pas la route : le receveur municipal et l’un de ses agents affirment que la trésorerie générale de Bertoua n’est pas compétente et que le dossier doit passer par Yaoundé. Mais dans les faits, aucun dossier n’a jamais été déposé pour régulariser la situation.
Le maire, selon Chouta, s’approprie un projet financé par des fonds publics. Le scandale prend une tournure encore plus choquante : lors de la réception du monument, le maire Abono Ernest Timothée Mpoupiel a déclaré publiquement que l’ouvrage était un don personnel offert à la population. Autrement dit, un projet financé sur fonds publics – avec des prestataires qui attendent toujours leur dû – a été présenté comme une générosité individuelle.
C'est ainsi une affaire symptomatique d’un système opaque. « Ce double langage révèle une pratique inquiétante : mettre en avant des réalisations publiques comme des exploits personnels, tout en bloquant les paiements des entreprises locales qui ont travaillé honnêtement », écrit Paul Chouta. Le prestataire, aujourd’hui lésé de près de 1,5 million de francs CFA, se retrouve pris en otage par des jeux administratifs troubles et un silence institutionnel qui en dit long.
« À Yokadouma, le monument brille au soleil. Mais pour celui qui l’a construit, il reste le symbole d’un abus de pouvoir et d’une opération de communication montée sur le dos des contribuables et au mépris de la transparence financière », conclut la source.