Depuis Garoua, son fief de la région du Nord, Issa Tchiroma Bakary a officiellement revendiqué dimanche une victoire "écrasante" à l'élection présidentielle du 12 octobre. L'opposant a appelé "le régime en place" à reconnaître sa défaite, dans un contexte de tensions maximales où Elecam n'a toujours publié aucun résultat officiel.
L'opposition passe à l'offensive. Depuis sa ville natale de Garoua, Issa Tchiroma Bakary a franchi un nouveau cap en revendiquant publiquement et solennellement une victoire "écrasante" à la présidentielle camerounaise.
L'ancien ministre de la Communication, devenu principal challenger de Paul Biya, a lancé un appel sans équivoque : "le régime en place" doit reconnaître sa défaite. Cette sommation directe marque une escalade dans la confrontation post-électorale qui secoue le Cameroun depuis samedi.
Tchiroma Bakary, qui demeure sous étroite surveillance dans sa résidence de Garoua après les affrontements de samedi entre ses partisans et les forces de l'ordre, a choisi de s'exprimer depuis son bastion de la région du Nord, où il bénéficie d'un soutien populaire massif.
En qualifiant sa victoire d'"écrasante", l'opposant reprend à son compte les multiples tendances qui circulent depuis samedi. "L'Union Pour le Changement 2025" avait évoqué des scores "entre 60 et 80%". Un cabinet américain a projeté 61,87%. Une analyse statistique parle de 66 à 70%. Ateki Seta Caxton l'a félicité pour sa victoire.
Cette déclaration publique depuis Garoua constitue une réponse directe aux menaces proférées dimanche par le ministre de l'Administration territoriale Paul Atanga Nji, qui avait promis des poursuites "sans la moindre complaisance" contre ceux qui publient des résultats via des "plateformes illégales".
Face à cette offensive de l'opposition, Elections Cameroon (Elecam) a rappelé dimanche que "le Conseil constitutionnel est le seul organe habilité à proclamer les résultats". Une manière de recadrer le débat et de délégitimer les multiples revendications de victoire.
Pourtant, quatre jours après le scrutin, Elecam n'a toujours publié aucun chiffre officiel. Erik Essousse, le directeur général de l'organisme, devait s'exprimer à plusieurs reprises depuis dimanche, mais ses interventions ont systématiquement été reportées.
Ce silence prolongé alimente les accusations de manipulation et renforce la détermination de l'opposition à imposer son narratif avant la publication des résultats officiels.
La déclaration de Tchiroma Bakary depuis Garoua marque le début d'un bras de fer institutionnel et politique de grande ampleur. D'un côté, un opposant qui revendique une victoire "écrasante" et somme le régime de céder le pouvoir. De l'autre, des autorités qui brandissent la légalité institutionnelle et menacent de poursuites.
Cette confrontation rappelle le Gabon d'août 2023, où l'armée était intervenue après qu'Ali Bongo Ondimba eut été déclaré vainqueur d'une élection largement contestée. Au Cameroun, des rumeurs de coup d'État continuent de circuler à Yaoundé.
Le choix de Garoua pour cette déclaration n'est pas anodin. La capitale de la région du Nord est le fief de Tchiroma Bakary et le théâtre des plus fortes tensions depuis samedi. Les affrontements entre ses partisans et les forces de l'ordre ont marqué la fin de la journée électorale.
En s'exprimant depuis Garoua plutôt que depuis Yaoundé, l'opposant envoie un message : il s'appuie sur sa base populaire et n'a pas peur de la répression du pouvoir central.
La déclaration de Tchiroma Bakary place le régime de Paul Biya devant un choix crucial. Ignorer cette revendication risque de laisser l'opposition imposer son narratif. La réprimer pourrait embraser le pays. Publier des résultats contradictoires exposerait le pouvoir à des accusations de fraude massive.
Le Cameroun vit des heures historiques. Entre un opposant qui revendique une victoire "écrasante" depuis son bastion, un pouvoir qui brandit la menace de poursuites, et des institutions électorales muettes, le pays est au bord de la rupture.
Le compte à rebours continue. Et chaque heure qui passe rend plus difficile une résolution pacifique de la crise.