L'auteure Ernestine Nadia Mbakou partage l'histoire réelle d'une demoiselle qui a donné des préservatifs remplis de sperme pour gagner de l'argent. Elle s'appelle Emma (nom d'emprunt. « Ce que je vais confesser est immonde », sait-elle.
Je vivais à Bafoussam à l'époque et j'étais étudiante. Mes parents vivaient au village. J'ai fait la rencontre d'un homme via un camarade de classe qui m'a proposé un marché. J'ai accepté au départ parce que j'avais besoin d'argent et que mes parents ne pouvaient pas tout payer.
C'est comme ça que j'ai commencé à lui remettre le préservatif rempli de sperme de mon petit ami avec qui je couchais. Le lendemain, je découvrais une enveloppe de deux millions devant ma petite chambre d'étudiante. Du jour au lendemain, les choses se sont accélérées. Je ne me suis vraiment pas posé de questions sur ce que devenait ce que je donnais à cet homme. Je n'étais que la fournisseuse.
Le mode opératoire était simple. Je cible un gars sur Facebook, on entre en contact et on se donne rendez-vous soit dans sa ville ou la mienne. On se voit, j'exige le préservatif, c'est moi qui l'enfile et c'est encore moi qui dois le retirer. Il ne se rend pas compte du moment où je le cache sous le lit. Ensuite, je remets le préservatif rempli à mon commanditaire et il approvisionne mon compte.
Parfois, c'étaient des hommes rencontrés dans un snack et on finissait la nuit ensemble. Je pourrais citer des hommes mariés, connus et des simples anonymes également. Plus je gagnais de l'argent plus j'en voulais encore. C'était comme si j'avais une soif d'argent qui refusait de s'étancher. Une soif incessante. Brûlante.
Ma famille a commencé à soupçonner que quelque chose n'allait pas, mais personne n'avait le courage de parler car je m'arrangeais à donner de l'argent à ceux qui en avaient besoin. Mes parents n'ont pas osé m'interroger. Ils se sont contentés de prendre ce que je leur donnais et de fermer leur bouche. La politique de l'autruche, vous connaissez ? Elle était de mise dans la famille. Je vivais dans un grand appartement avec tout le mobilier high tech qui allait bien, mais je n'étais pas heureuse malgré tous ces biens matériels. Je ne savais même plus avec combien d'hommes j'avais déjà couché.
Lors d'un séjour à Douala, dans mon véhicule, je vis l'un des hommes avec qui j'avais couché qui marchait nu dans la rue, il ramassait les ordures et bavardait seul. Je me suis arrêtée pour l'observer. Je me souviens de lui. C'était un grand directeur de banque que j'avais séduit sur Facebook. Il était marié et avait des enfants. J'avais collecté au moins cinq préservatifs pleins chez lui. Il était méconnaissable, mais je savais avec certitude que c'était lui malgré son état physique qui faisait pitié.
Cette rencontre a changé quelque chose en moi. J'ai regardé tout ce qui m'entourait et j'ai pris enfin conscience de ce que ça signifiait. Tout ça était sale. J'avais utilisé les gens pour ça. J'avais volé la vie des gens pour la possession matérielle. Vous n'allez pas me croire, j'ai décidé de changer et de laisser tomber ce que je faisais, mais j'avais oublié qu'on paie toujours le prix de nos actes.
J'ai fui, j'ai quitté le pays en croyant laisser tout ça derrière moi. J'étais convaincue qu'en vivant à l'étranger, ça allait effacer tout ce que j'avais fait. Mais rien ne marche comme ça. On ne peut pas faire du mal aux gens et croire qu'on ne doit jamais payer. Même si je n'ai pas payé de ma vie, mes enfants l'ont fait. Ces gens m'ont laissée partir parce qu'ils savaient déjà ce qu'il allait se passer pour moi. J'ai eu un bébé huit ans plus tard. Mon fils est né sans yeux, ni oreilles et est mort après quatre jours.
Deux ans plus tard, j'ai eu une fille qui est née sans bras avec quatre pieds, sans nez et elle est morte. J'ai encore eu un troisième enfant qui est sorti comme un monstre prêt à dévorer les gens. Tout le personnel de la salle d'accouchement s'est enfui de peur. Les médecins ont parlé de malformations congénitales. Ils ont cherché l'explication sans jamais la trouver. L'homme avec qui je vivais depuis des années m'a abandonnée. Il avait peur de moi. Les fruits de mes entrailles étaient des monstres.
J'allais payer jusqu'au bout. Je croyais que changer de vie allait tout résoudre. Je m'étais trompée. J'avais contribué à la destruction de la vie des humains, c'était normal que la mienne soit détruite aujourd'hui. Je suis revenue au pays et je vis dans l'anonymat dans une chambre humide, fade sans rien. Je vis grâce aux dons des membres d'une église. Je ne suis plus rien, juste une femme qui a le visage toujours caché sous un foulard et qui vit dans l'anonymat en attendant son jour. Tout le monde m'a tourné le dos. Mes parents sont décédés.