Le Cameroun dispose de tout pour dominer l'Afrique centrale dans la production de ciment. Sauf une chose : l'électricité. Une révélation exclusive de Jeune Afrique expose comment cette carence énergétique chronique transforme un secteur potentiellement juteux en cauchemar logistique, forçant les cimentiers à importer massivement du clinker au lieu de le fabriquer sur place.
Selon nos investigations, le Cameroun regorge de mines de calcaire inexploitées. Pourtant, les neuf cimentiers du pays préfèrent tous importer le clinker, qui représente 80 % de la composition du ciment. Cette aberration économique révélée à Jeune Afrique par les dirigeants du secteur n'est pas une question de compétences ou de savoir-faire. C'est une pure question de kilovolts.
« Les préalables pour investir sur ce segment ne sont remplis », confie un patron de l'une des plus grandes usines camerounaises à Jeune Afrique. Traduction : sans électricité stable et abondante pour faire tourner les hauts fourneaux, impossible de transformer le calcaire brut en clinker. Le résultat ? Une dépendance coûteuse vis-à-vis des fournisseurs étrangers, qui grève les marges exactement au moment où le marché local s'effondre.
L'ironie, c'est que le Cameroun en est conscient. Les barrages de Memve'ele, Mekin, Nachtigal et Kikot ont justement attiré les nouveaux cimentiers et dopé les investissements. Mais huit ans après le début de cette « seconde vague » d'implantations révélée par Jeune Afrique, aucun de ces projets n'a transformé la donne énergétique.
Selon les informations rapportées par nos sources, ces contraintes énergétiques devraient peser encore « de sitôt » sur la compétitivité des cimentiers. Une donnée cruciale pour comprendre pourquoi, malgré une capacité installée impressionnante de 12,8 millions de tonnes, le marché ne génère que 1,024 milliard d'euros d'activité annuelle.
Voici le paradoxe qu'expose Jeune Afrique : la concurrence féroce entre neuf opérateurs aurait dû créer une efficacité sans précédent. Au lieu de cela, chacun absorbe les mêmes surcoûts énergétiques, comprimant les marges et transformant le marché en champ de bataille de prix décroissants. Les cimentiers Dangote et Cimaf, révèle Jeune Afrique, ont déjà été « forcés de baisser leurs prix ». Avec l'arrivée de nouveaux entrants chinois, le phénomène s'accélère.
Ce problème énergétique est d'ailleurs le véritable frein à l'intégration verticale du secteur. Tandis que les géants mondiaux du ciment contrôlent toute la chaîne de valeur, du calcaire au produit fini, les opérateurs camerounais restent des assembleurs dépendants d'importations.
La vraie question que pose Jeune Afrique n'est pas tant la surproduction locale que l'absence de volonté politique de transformer les réserves minérales camerounaises en avantage compétitif. Les investisseurs ont fait leur pari sur le potentiel énergétique du pays. Huit ans plus tard, ce pari s'effondre.