Présidentielle camerounaise : la nouvelle carte électorale révèle les bastions de Paul Biya et les percées de l'opposition

Couple Biya Paul Biya en train de voter

Tue, 21 Oct 2025 Source: www.camerounweb.com

Jeune Afrique dévoile en exclusivité la géographie du vote région par région et les surprises du scrutin du 13 octobre

La Commission nationale de décompte des voix a achevé ses travaux après trois jours d'examen minutieux des procès-verbaux. Jeune Afrique révèle en exclusivité la cartographie détaillée du scrutin présidentiel du 13 octobre, qui redessine les équilibres politiques du Cameroun et met en lumière les mutations profondes de la sociologie électorale du pays.

Selon les informations obtenues par Jeune Afrique, Paul Biya, crédité de 53 à 54% des voix au niveau national, réalise ses meilleurs scores dans trois régions qui constituent son socle électoral traditionnel : le Sud, l'Est et le Centre. Ces bastions historiques du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC) ont massivement plébiscité le président sortant, confirmant la loyauté de ces territoires acquis depuis des décennies.

Plus surprenant, Jeune Afrique a pu établir que Paul Biya l'emporte également dans les régions anglophones du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, théâtres depuis 2016 d'un conflit séparatiste meurtrier qui a fait fuir des centaines de milliers d'habitants. Cette victoire dans ces zones en proie à l'insécurité soulève néanmoins de nombreuses interrogations.

L'ancien ministre Issa Tchiroma Bakary, qui totaliserait 35 à 36% des suffrages selon les chiffres officiels, s'impose victorieux dans deux régions stratégiques. Les données exclusives recueillies par Jeune Afrique montrent que le candidat du FSNC remporte l'Adamaoua, région septentrionale où il a construit sa réputation politique, ainsi que le Littoral, poumon économique du pays abritant la métropole de Douala.

Cette victoire dans le Littoral représente une percée majeure pour l'opposition. Le département du Wouri, cœur de cette région et zone la plus densément peuplée du pays, constitue un symbole politique fort : pour la première fois depuis des décennies, le parti au pouvoir y est mis en difficulté.

Jeune Afrique révèle que deux régions clés ont basculé de justesse en faveur de Paul Biya : l'Ouest et le Nord. Dans ces territoires, les deux principaux candidats se livrent un duel serré, avec un "léger avantage pour le sortant" selon les termes utilisés par la commission.

L'Ouest, région traditionnellement contestataire et berceau de l'opposition historique, confirme son statut de zone pivot. Le Nord, région musulmane et terre d'influence de plusieurs grandes familles politiques, voit pour sa part s'affirmer un pluralisme électoral inédit. Ces deux régions, qui représentent ensemble plusieurs millions d'électeurs, illustrent la fragmentation croissante du paysage politique camerounais.

Les chiffres dévoilés à Jeune Afrique mettent en évidence des disparités troublantes dans la mobilisation électorale. Alors que les régions pacifiées affichent des taux de participation oscillant autour de 50%, les zones anglophones en guerre enregistrent des niveaux de participation défiant toute logique démographique.

Dans le département du Ndian (Sud-Ouest), le taux de participation atteindrait 92,1%, avec 98,9% des suffrages en faveur de Paul Biya. Dans le Nord-Ouest, région largement désertée par sa population en raison du conflit, la participation approcherait les 90%, avec des scores quasi-unanimes pour le président sortant.

"Comment peut-on avoir près de 90% de participation dans une région où les populations ont fui la guerre, et seulement 50% dans les zones où règne la paix ?", s'interroge Parfait Mbvoum, mandataire du FSNC, dans des propos rapportés par Jeune Afrique.

Nos informations révèlent qu'un département a cristallisé les tensions au sein de la commission : le Logone-et-Chari, situé dans l'Extrême-Nord. Les anomalies détectées dans les procès-verbaux de cette circonscription frontalière du Tchad ont contraint Émile Essombé, président de la commission, à créer un groupe de travail spécial pour procéder à un recomptage complet.

La diaspora camerounaise, qui ne disposait pas de commission départementale de décompte propre, a également fait l'objet d'un traitement particulier, ses résultats étant intégrés tardivement au décompte national.

Si le scrutin se joue principalement entre Paul Biya et Issa Tchiroma Bakary, Jeune Afrique a pu confirmer que Cabral Libii, leader du Parti camerounais pour la réconciliation nationale (PCRN), se hisse à la troisième place du classement national. Cette performance du jeune opposant, qui avait créé la surprise lors de la présidentielle de 2018, confirme l'ancrage d'une nouvelle génération politique, notamment dans les zones urbaines et chez les jeunes électeurs.

Cette cartographie électorale, que Jeune Afrique dévoile en exclusivité, dessine les contours des défis politiques à venir. Avec un pays coupé entre bastions du pouvoir et territoires d'opposition, entre zones pacifiées et régions en conflit, le Cameroun post-électoral s'annonce fragmenté.

Le Conseil constitutionnel, qui doit proclamer les résultats définitifs au plus tard le 26 octobre, aura la lourde responsabilité de valider ou d'infirmer ces chiffres dans un climat de défiance croissante. La géographie du vote révélée par cette élection pourrait redéfinir durablement les équilibres politiques du pays.

Source: www.camerounweb.com