Crise camerounaise : L'Union africaine dans l'embarras entre félicitations et condamnations

Biya Urne Paul Biya

Thu, 30 Oct 2025 Source: www.camerounweb.com

La position ambiguë de l'UA révèle les fractures de la diplomatie africaine

Dans un exercice d'équilibrisme diplomatique controversé, l'Union africaine félicite Paul Biya pour sa réélection tout en dénonçant la répression violente des manifestations. Une contradiction qui expose les limites de l'organisation panafricaine face aux crises démocratiques.

Selon les révélations exclusives de Jeune Afrique, le président de la Commission de l'Union africaine, Mahamoud Ali Youssouf, a adressé ses félicitations à Paul Biya tout en se déclarant "vivement préoccupé par les violences, la répression et les arrestations signalées de manifestants et d'acteurs politiques suite aux résultats des élections". Un message contradictoire qui soulève des questions sur la cohérence de la politique africaine en matière de gouvernance démocratique.

Cette posture tranche avec les réactions plus fermes d'autres organisations internationales. Jeune Afrique rapporte que l'Union européenne, par la voix de son porte-parole Anouar El Anouni, a adopté un ton plus critique en invitant les autorités camerounaises à "identifier les responsabilités, à faire preuve de transparence et à faire justice, afin de lutter contre le recours excessif à la violence et les violations des droits humains".

Jeune Afrique révèle que le Haut-Commissariat de l'ONU aux droits de l'homme a pris position avant même l'UA, demandant des enquêtes indépendantes sur les violences post-électorales. "Nous appelons à la retenue, à l'ouverture d'enquêtes et à la fin des violences", avait indiqué l'institution sur le réseau social X, selon les informations de Jeune Afrique.

Cette réaction rapide de l'ONU contraste avec l'attentisme de certaines organisations régionales africaines, révélant une fois de plus le fossé entre les déclarations de principe et les actions concrètes en matière de protection des droits humains sur le continent.

Dans une prise de position plus tranchée, Illaria Allegrozzi, analyste sénior d'Afrique pour Human Rights Watch, dont les propos sont rapportés en exclusivité par Jeune Afrique, a dénoncé "l'usage excessif de la force par les forces de sécurité". "Les forces de l'ordre devraient protéger les gens et non alimenter la violence", a-t-elle souligné dans un communiqué.

Cette condamnation sans ambiguïté met en lumière le décalage entre les ONG internationales de défense des droits humains et les institutions diplomatiques africaines, souvent plus prudentes dans leurs critiques des régimes en place.

Jeune Afrique a obtenu confirmation que le gouvernement camerounais a officiellement reconnu mardi 28 octobre "des pertes en vies humaines" lors des manifestations postélectorales, sans toutefois préciser le nombre de victimes ni les circonstances exactes de ces décès. Cette reconnaissance tardive et floue alimente les suspicions sur l'ampleur réelle de la répression.

Les informations collectées par Jeune Afrique font état d'au moins quatre morts à Douala dimanche, selon le gouvernorat régional, et de deux morts à Garoua selon Issa Tchiroma Bakary, le principal rival de Paul Biya. Mais l'absence de bilan officiel consolidé empêche toute évaluation précise de la violence déployée.

Jeune Afrique révèle que les violences ont touché plusieurs régions stratégiques du pays : Dschang (Ouest), Ngon (Centre), Guider (Nord), Garoua (Nord) et Douala (capitale économique). Cette dispersion géographique démontre que la contestation n'est pas localisée mais nationale, touchant à la fois les zones urbaines et les bastions régionaux de l'opposition.

À Garoua, fief d'Issa Tchiroma Bakary, Jeune Afrique rapporte une situation particulièrement tendue avec un dispositif sécuritaire renforcé. Le candidat de l'opposition affirme que des "snipers" ont tiré sur ses partisans, une accusation grave qui n'a pas encore fait l'objet d'une enquête indépendante.

Murithi Mutiga, responsable du programme Afrique à l'International Crisis Group (ICG), dont les déclarations sont rapportées en exclusivité par Jeune Afrique, estime que "la légitimité du mandat de Paul Biya est fragilisée". Il appelle le président camerounais "à engager de toute urgence une médiation nationale afin d'éviter une escalade supplémentaire".

Cette recommandation soulève la question du rôle que pourrait jouer la communauté internationale, et notamment l'Union africaine, dans la résolution de cette crise. Jusqu'à présent, Jeune Afrique constate que l'UA s'est contentée d'appeler au dialogue sans proposer de mécanisme concret de médiation.

L'attitude de l'Union africaine face à la crise camerounaise constitue un test majeur pour la crédibilité de l'organisation. Jeune Afrique observe que la capacité de l'UA à promouvoir la démocratie et les droits humains en Afrique est mise à l'épreuve par sa gestion ambiguë de cette situation.

Le contraste entre les félicitations adressées à Paul Biya et les préoccupations exprimées sur la répression illustre les difficultés de l'UA à concilier le principe de non-ingérence dans les affaires intérieures des États membres et son engagement en faveur de la gouvernance démocratique inscrit dans sa Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance.

Les révélations de Jeune Afrique sur la multiplication des prises de position internationales suggèrent une possible internationalisation de la crise camerounaise. L'implication du Haut-Commissariat de l'ONU, de l'Union européenne, de l'International Crisis Group et de Human Rights Watch indique que la situation au Cameroun dépasse désormais le cadre strictement national ou régional.

Cette attention internationale accrue pourrait exercer une pression supplémentaire sur le régime de Paul Biya, mais aussi sur l'Union africaine pour qu'elle adopte une position plus claire et propose des solutions concrètes de sortie de crise.

Reste à savoir si ces pressions internationales suffiront à apaiser les tensions dans un pays où, selon Jeune Afrique, "un calme précaire" règne désormais, ponctué par le déploiement massif de forces de sécurité et la paralysie de pans entiers de l'économie.

Source: www.camerounweb.com