Prestation de serment de Paul Biya : l'opposition camerounaise entre boycott et participation stratégique

Prestation Serment Biya Image illustrative

Thu, 6 Nov 2025 Source: www.camerounweb.com

Alors que Paul Biya s'apprête à prêter serment pour la neuvième fois le 6 novembre, son principal opposant Issa Tchiroma Bakary poursuit sa stratégie de contestation depuis l'étranger. Selon des informations exclusives révélées par Jeune Afrique, l'opposant se trouverait "non loin de la frontière camerounaise, côté nigérian", une position stratégique qui lui permet de maintenir la pression tout en restant hors de portée des services de sécurité camerounais.

Dans une vidéo publiée le 4 novembre sur ses réseaux sociaux, Tchiroma Bakary a réitéré sa rhétorique radicale : "Le compte à rebours de ceux qui sont encore aujourd'hui aux affaires [est] enclenché". Plus provocateur encore, il affirme : "Il y a aujourd'hui deux présidents au Cameroun, le président élu que je suis et le président nommé par le Conseil constitutionnel", sans toutefois préciser la suite qu'il entend donner à sa contestation.

Cette situation rappelle étrangement la crise de 2018, lorsque Maurice Kamto avait également revendiqué la victoire présidentielle face à Paul Biya, plongeant le pays dans une période de tensions intenses.

Jeune Afrique révèle une information capitale : tous les leaders de l'opposition, y compris Tchiroma Bakary lui-même, ont été invités à la cérémonie du 6 novembre. Cette invitation formelle, conforme au protocole républicain, met l'opposition face à un dilemme stratégique délicat.

Les réponses des différents candidats illustrent les divisions qui traversent le camp oppositionnel. Interrogé par Jeune Afrique, Samuel Hiram Iyodi, le benjamin du scrutin présidentiel, a assuré qu'il ne participerait pas à la cérémonie, alignant sa position sur celle de Tchiroma Bakary dans une logique de boycott et de contestation radicale.

En revanche, Jacques Bouhga Hagbe a confirmé à Jeune Afrique sa présence à l'événement. Cette décision traduit une approche plus pragmatique de l'opposition institutionnelle, qui privilégie le maintien des canaux de dialogue plutôt que la rupture frontale. Elle reflète également les calculs politiques de certains opposants qui préfèrent demeurer visibles dans le jeu institutionnel plutôt que de s'exclure volontairement.

Jeune Afrique indique que "rares sont ceux qui envisagent de prendre part à la cérémonie", suggérant qu'au-delà des deux positions tranchées exprimées publiquement, la majorité de l'opposition optera pour l'absence sans nécessairement rejoindre la contestation frontale de Tchiroma Bakary.

Depuis la fin de semaine dernière, Issa Tchiroma Bakary a lancé un appel à des journées "ville morte" pour paralyser l'économie du pays et contester la légitimité de Paul Biya. Ce mercredi 5 novembre, selon Jeune Afrique, "une large partie des grandes villes du pays a vécu sa troisième journée de ville morte".

Toutefois, le média précise qu'il est "difficile de quantifier le suivi" de ce mot d'ordre. Cette incertitude est révélatrice des défis auxquels fait face l'opposition camerounaise : mobiliser durablement une population dont une partie reste prudente face aux risques de répression, tout en maintenant une pression médiatique sur le pouvoir.

Les vidéos d'affrontements entre manifestants et forces de l'ordre "continuent d'affluer sur les réseaux sociaux", alimentant le récit d'une contestation vivace. Mais l'absence de données précises sur l'ampleur réelle de ces mobilisations laisse le champ libre à toutes les interprétations, chaque camp pouvant revendiquer soit un succès populaire, soit un échec du boycott.

Les Occidentaux présents, mais sans leurs chefs d'État

Jeune Afrique apporte un éclairage crucial sur la dimension internationale de cette cérémonie. Alors que les ambassadeurs des pays occidentaux avaient brillé par leur absence lors de la proclamation des résultats – un signal diplomatique fort de leur malaise face au processus électoral –, ils "devraient être bel et bien présents" le 6 novembre.

Ce revirement traduit le pragmatisme des chancelleries occidentales, qui doivent concilier leurs réserves sur la démocratie camerounaise avec leurs intérêts stratégiques dans le pays, notamment en matière de sécurité régionale et de lutte antiterroriste.

En revanche, précise Jeune Afrique, "aucun chef d'État étranger n'a annoncé sa venue à Yaoundé". Cette absence au plus haut niveau confirme la gêne diplomatique suscitée par cette neuvième investiture et la perception internationale d'un scrutin contestable. Paul Biya devra se contenter de la présence de représentants diplomatiques, sans la caution symbolique que représenteraient des homologues étrangers.

Cette crise postélectorale ravive ce que Jeune Afrique qualifie de "syndrome des présidents élus" au Cameroun. Après Maurice Kamto en 2018, Issa Tchiroma Bakary revendique aujourd'hui une victoire que lui contestent les institutions officielles.

Ce schéma récurrent pose une question structurelle sur la crédibilité du processus électoral camerounais et la capacité des institutions à arbitrer les litiges de manière transparente et consensuelle. Il illustre également la radicalisation progressive d'une partie de l'opposition, qui ne se reconnaît plus dans les mécanismes institutionnels existants.

À l'approche de la cérémonie du 6 novembre, le Cameroun se retrouve dans une situation de "calme précaire", selon les termes de Jeune Afrique, avec un président qui s'apprête à entamer son neuvième mandat dans un climat de contestation inédit depuis 2018.

Source: www.camerounweb.com