Un collectif d'avocats de renom pour une bataille juridique totale
Depuis son refuge au Nigeria, Issa Tchiroma Bakary orchestre une offensive juridique sans précédent contre le régime de Paul Biya. Selon des informations exclusives révélées par Jeune Afrique, l'opposant qui revendique la victoire à la présidentielle du 12 octobre a constitué un "impressionnant collectif d'avocats" composé de figures majeures du barreau camerounais et international.
Jeune Afrique dévoile les noms des principales têtes de pont de cette équipe juridique : Augustin Nguefack, Alice Nkom, Claude Assira et Emmanuel Simh. Chacun de ces juristes apporte une expertise spécifique et une réputation qui donne du poids à la stratégie contentieuse de Tchiroma Bakary.
Cette mobilisation d'un collectif aussi prestigieux témoigne de l'ambition de l'opposant : ne pas se limiter à une simple contestation politique, mais engager une bataille juridique multidimensionnelle, tant sur le plan national qu'international.
La présence d'Alice Nkom dans ce collectif est particulièrement significative. Avocate de renom, militante historique des droits humains au Cameroun, notamment connue pour sa défense des personnes LGBT dans un pays où l'homosexualité est criminalisée, elle apporte une légitimité morale incontestable à cette équipe.
Augustin Nguefack, autre figure emblématique, est reconnu pour son engagement dans les dossiers sensibles touchant aux libertés publiques. Sa participation confirme que la stratégie juridique de Tchiroma Bakary ne se limite pas à une simple posture politique, mais s'inscrit dans une logique de défense des droits fondamentaux.
Claude Assira et Emmanuel Simh complètent ce dispositif, formant ainsi une équipe capable d'intervenir simultanément sur plusieurs fronts juridiques, tant au Cameroun qu'à l'international.
Jeune Afrique révèle qu'Issa Tchiroma Bakary a fait publier, le 4 novembre – à l'avant-veille de la prestation de serment de Paul Biya –, un appel à témoins soigneusement calculé. Selon l'un des avocats du collectif interrogé par le média panafricain, cette initiative vise à la constitution d'un "dossier de preuves" en vue de la "saisine des juridictions appropriées et compétentes".
Le timing de cet appel n'est pas anodin : lancé deux jours avant l'investiture de Paul Biya, il entend démontrer que le camp Tchiroma Bakary ne reconnaît pas la légitimité de cette cérémonie et qu'il prépare méthodiquement sa riposte judiciaire.
Cet appel à témoins cherche à documenter trois types de violations présumées : les arrestations arbitraires de partisans de Tchiroma, les violences lors des manifestations postélectorales, et les irrégularités du processus électoral lui-même.
Jeune Afrique dévoile la stratégie sous-jacente de cette mobilisation juridique : présenter "un maximum de dossiers de victimes potentielles devant les juridictions internationales, afin de déstabiliser les défenseurs de l'État camerounais sous un effet de masse".
Cette approche n'est pas uniquement juridique, elle est également politique. En multipliant les saisines et les dossiers, le collectif d'avocats cherche à créer une situation où les autorités camerounaises se retrouvent submergées par les procédures, obligées de se défendre simultanément sur plusieurs fronts.
L'objectif avoué : faire reconnaître devant la justice camerounaise que "les arrestations et les détentions postélectorales de partisans d'Issa Tchiroma Bakary sont illégales, car elles violent le droit à la défense et à un avocat, et celui à informer la famille, l'interdiction de la torture ou encore la présomption d'innocence", précise Jeune Afrique.
Au-delà de l'objectif juridique pur, Jeune Afrique révèle que l'action du collectif d'avocats vise aussi à collecter des "données chiffrées" sur les violations présumées des droits après la présidentielle du 12 octobre. "Elles méritent d'être rendues publiques et dirigées vers des instances compétentes pour la punition et la réparation", conclut l'un des conseils de l'opposant interrogé par le média.
Cette dimension statistique et documentaire de la stratégie juridique est cruciale. Elle permet de transformer une contestation politique souvent qualifiée de subjective en un argumentaire factuel, étayé par des cas concrets, des noms, des dates, des circonstances précises.
Ces données chiffrées serviront également de base à des rapports destinés aux organisations internationales de défense des droits humains, aux chancelleries occidentales et aux médias internationaux. L'objectif est de construire un narratif alternatif à celui du pouvoir de Yaoundé, fondé sur des faits vérifiables et des témoignages recueillis selon une méthodologie rigoureuse.
La stratégie révélée par Jeune Afrique montre qu'Issa Tchiroma Bakary coordonne soigneusement son offensive juridique avec les opérations "villes mortes" qu'il a initiées début novembre. L'opposant ne dissocie pas la bataille judiciaire de la mobilisation populaire : les deux se renforcent mutuellement.
Les arrestations lors des manifestations fournissent des dossiers aux avocats, qui à leur tour utilisent ces cas pour dénoncer la répression et légitimer la contestation populaire. C'est un cercle stratégique où chaque action alimente la suivante.
Ce collectif d'avocats ne se contente donc pas de défendre des individus : il construit méthodiquement un arsenal juridique destiné à fragiliser la légitimité internationale du régime Biya et à maintenir vivante la contestation postélectorale sur le long terme.