Avec 53,66 % à la présidentielle, le président fait face à une crise de crédibilité sans précédent. Analystes et populations réclament un « nettoyage au Karcher » de l'appareil d'État.
Le 6 novembre 2025, Paul Biya a prêté serment au Palais des Verres pour entamer son huitième mandat présidentiel. Mais loin de l'euphorie habituelle, cette investiture s'est déroulée dans un climat de tension sociopolitique et une crise de crédibilité inédite. Le message du peuple camerounais est clair : les discours ne suffisent plus, l'heure est à l'action radicale.
Avec 53,66 % des suffrages, Paul Biya enregistre l'un de ses scores les plus bas depuis 1992. Ce résultat, qualifié de « sanction populaire » par plusieurs analystes politiques, traduit une profonde défiance des Camerounais envers l'appareil d'État et ses gestionnaires.
« Le Peuple est fâché. Le Peuple ne veut plus de certaines personnalités à la gestion des affaires de la République », tranche Simon Ayissi, militant RDPC rencontré dans les rues de Yaoundé après la prestation de serment.
Les populations ont refusé de voter pour le président Biya dans certaines circonscriptions par désir de voir certains responsables locaux « rentrer au quartier ». Ce vote-sanction cible directement les collaborateurs du chef de l'État, accusés d'incompétence notoire et d'arrogance.
Au lieu d'incarner le service public, de hauts responsables de l'administration brillent par des discours va-t-en-guerre et une arrogance qui confine à l'insulte, engendrant une crise de confiance envers les hommes et les institutions de la République.
Victor Njikam, observateur de la scène politique, pointe du doigt un mal profond : « La longévité est une caractéristique de la contre-performance. Au Cameroun, nous avons des ministres, des directeurs généraux et autres responsables de la République, oubliés à leurs postes, et se sentent même moins concernés par l'obligation des résultats, l'exigence des performances ».
Cette paralysie de l'administration, causée par des décennies aux mêmes postes, aurait rendu certains responsables « contreproductifs », même sans le vouloir.
Un moment fort de la cérémonie de prestation de serment a cristallisé les attentes populaires. Après la signature de l'acte de serment, le président de l'Assemblée nationale, Cavaye Yéguié Djibril, a remis au président Biya le stylo utilisé pour cosigner l'acte, en lui demandant de s'en servir pour signer son « prochain gouvernement ».
Sur les visages des membres du gouvernement actuel, les observateurs ont noté crispations et grincements de dents à peine camouflés par des sourires de circonstance. Un message clair : le peuple attend que le chef de l'État « coupe les têtes » de ses collaborateurs jugés incompétents et arrogants.
Des voix s'élèvent pour réclamer « un nettoyage au Karcher » de l'appareil d'État, « à partir de son bureau, jusqu'au dernier chef de bureau de tous les ministères ». Cette refondation de la Nation devrait partir du sommet de l'État, estiment les analystes.
« Rien de bon, ni pour les jeunes, ni pour les femmes ne peut se construire au Cameroun actuellement, avec ces collaborateurs et agents publics » qui entourent le président, affirment plusieurs observateurs.
Selon les analystes, la légitimité d'un pouvoir dépend de son administration. Si l'administration est défaillante, arrogante et incompétente, le pouvoir s'effondre. Paul Biya, qui a obtenu le mandat légal de gouverner, devrait désormais s'assurer qu'il en a la légitimité morale et administrative.
Ce huitième mandat, qui pourrait être le dernier du président, s'ouvre donc sous le signe de l'urgence vitale. La question reste posée : le chef de l'État saura-t-il répondre aux attentes du peuple en procédant à une restructuration profonde de son appareil d'État, ou ce nouveau septennat ne sera-t-il qu'une simple prolongation du statu quo ?
Les prochaines semaines, notamment avec l'annonce de la composition du nouveau gouvernement, fourniront les premières réponses à cette interrogation qui agite tout le Cameroun.